« Nous voulons maximiser les atouts du secteur spatial au service des citoyens et des entreprises », a résumé Elzbieta Bienkowska, la commissaire en charge de l’Industrie, lors de sa présentation à ses homologues des 28, la semaine passée, des grandes lignes de la stratégie spatiale européenne. Alors que ce domaine est devenu, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, une compétence de l’Union européenne (UE), l’exécutif à Bruxelles cherche désormais à dessiner les contours d’une future politique en la matière et à définir les rôles des différents acteurs.
« L’exploration spatiale relève de l’ESA » (Agence spatiale européenne), précise-t-on à la Commission. La stratégie spatiale quant à elle se focalisera plus sur le potentiel économique et la politique de l’espace « pour créer des emplois, pour faciliter l’investissement dans le secteur spatial, notamment pour les startups et les jeunes entreprises, et pour mieux utiliser nos programmes spatiaux dans nos politiques publiques en Europe, que ce soit pour lutter contre le changement climatique ou renforcer la sécurité », détaillait Maroš Šefčovič, vice-président au sein de l’exécutif, également en charge du dossier.
Galileo devrait permettre l’éclosion de nouveaux services
Deux des trois grands programmes spatiaux financés par l’UE, Galileo et Copernicus, sont ou deviendront bientôt opérationnels à plus grande échelle. Le premier, le système européen de localisation par satellite, a connu un coup d’accélérateur le 17 novembre dernier avec la mise en orbite de quatre nouveaux satellites, portant à 18 au total leur nombre dans la constellation Galileo. Résultat ? Ils pourront commencer à proposer leurs services aux citoyens dès la fin du mois de décembre, en vue de détrôner, à terme, le GPS américain.
En offrant un système plus précis encore et à usage uniquement civil, Galileo devrait permettre l’éclosion de nouveaux services, sur nos smartphones, mais surtout dans les transports. Dans le monde de la voiture intelligente, par exemple, le programme sera des plus utiles : les autos connectées se déplaceront mieux toutes seules si elles savent précisément où sont les obstacles autour d’elles. Si aujourd’hui 10 % du PIB européen environ dépend du système de positionnement par satellite, d’ici 2030 cette dépendance pourrait atteindre près de 30 %.
« Il était donc grand temps que la Commission européenne définisse son rôle et les objectifs de l’Union européenne d’une façon plus stratégique », rappelle Maroš Šefčovič.
Principal défi selon J-.Y. Le Gall : « traduire la stratégie en programmes concrets »
Mais à ce stade, le document présenté par l’équipe Juncker reste très général. « En lisant le texte, ma principale question est de savoir : comment transformer ces orientations en objectifs concrets ? », s’interroge l’eurodéputée Constanze Krehl (Allemagne, S&D), chargée de rédiger un rapport sur le sujet. Elle déplore notamment l’absence d’objectifs chiffrés, « la Commission s’engage à soutenir les entrepreneurs du secteur via les programmes européens mais à quel hauteur ? ».
Au sein de l’exécutif on préfère avancer avec prudence. « Il faut d’abord jeter les bases d’un compromis au sein des 28 pour s’assurer de leur adhésion à une future politique commune », confiait au Moci un proche du dossier à Bruxelles. D’où l’utilisation d’une rhétorique consensuelle avec des mots comme « promouvoir », « faciliter », « stimuler », « engager le dialogue », souvent utilisés dans le document stratégique. Celui-ci s’articule autour de quatre priorités : renforcer les bénéfices socio-économiques du spatial ; soutenir la compétitivité de l’industrie européenne ; renforcer l’autonomie stratégique et faire de l’Europe un acteur spatial mondial.
« Le principal défi est devant nous : il s’agit de traduire la stratégie en programmes concrets, ayant un impact tangible sur la vie des citoyens européens. L’enjeu est de taille mais il en vaut la peine, puisque l’espace est la meilleure carte de visite de l’Europe », a commenté Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d’études spatiales (Cnes).
Kattalin Landaburu, à Bruxelles