Nancy Pelosi, la présidente américaine démocrate de la Chambre des représentants, n’a pas choisi de se rendre à Taïwan la semaine dernière par hasard, en défiant Pékin. Lors de ce voyage diplomatique, elle est surtout allée visiter une usine de semi-conducteurs. La production de ces composants essentiels des puces électroniques est au cœur de gros enjeux stratégiques. Explications.
En voyage diplomatique à Taïwan le 2 et 3 août dernier lors de sa tournée asiatique, la numéro trois du gouvernement des Etats-Unis Nancy Pelosi a décidé de se rendre à Taïwan, provoquant le courroux de la Chine. Après des entretiens politiques avec la présidente Tsai Ing-wen notamment, la cheffe des parlementaires américains a rencontré Marc Liu, président de TSMC (Taïwan semiconductor manufacturing). Cette entreprise est la plus importante fonderie de semiconducteurs indépendante mondiale.
Cette visite coïncide également avec la ratification du Chips Act au congrès américain. L’objectif est d’investir sur cinq ans 52 milliards de dollars d’argent public dans le redéploiement d’une industrie des semi-conducteurs aux Etats-Unis.
Depuis des années, Etats-Unis et Chine font les yeux doux au géant taïwanais. Et c’est sur le sol américain d’ailleurs que TSMC a choisi d’investir, mi-mai 2020, 12 milliards de dollars (Md USD) dans la construction d’une usine en l’Arizona, sa deuxième dans le pays. Début de production attendue en 2024 pour une capacité d’environ 20 000 wafer de semi-conducteurs par mois, pour une finesse de gravure de 5 nm.
Le groupe possède par ailleurs deux sites en Chine, l’un à Shanghai, l’autre à Nanjing. En représailles à la visite de la représentante américaine, Pékin a interrompu ses exportations de sable (silice) vers Taïwan, matériau essentiel dans la fabrication des semi-conducteurs.
Taïwan, juste devant la Chine
Rappelons que le géant industriel taiwanais fabrique environ 53 % des semi-conducteurs du monde. En 2020, les exportations de puces électroniques s’élevaient à plus de 123 Md USD, selon UN Comtrade (cf. graphique ci-dessous). Soit un peu plus que le voisin chinois, avec 117 Md USD. Si l’on regroupe la Chine, Hong Kong et Taïwan, cela représente près de 400 Md USD, soit la moitié du total mondial.
Les Etats-Unis sont loin derrière (7e rang mondial) et ont exporté pour près de 44 Md USD, soit trois fois moins que Taïwan. Dans les années 90, les Etats-Unis produisaient encore près de 40 % de la demande mondiale, l’Europe à peu près autant.
Avec les difficultés d’approvisionnement et les pénuries qui ont secoué les entreprises pendant la pandémie, plusieurs pays, dont la France, ont annoncé des mesures pour relocaliser la fabrication de ces produits stratégiques. Le président Macron a lancé le 20 juillet le programme « Electronique 2030 » d’un montant de 5 Md EUR, avec la construction d’une « méga-fab » de puces embarquées à haut rendement énergétique.
Claire Pham