L’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont mis au point des procédures de règlement des différends. Rappel de ces procédures, qu’il est important pour les entreprises qui vont à l’international de connaître.
Le 20 septembre dernier, le Bureau international du travail (BIT) et le secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont publié une étude sur les moyens de rendre la mondialisation socialement durable. Cette étude met en avant le potentiel inexploité de la mondialisation qui permettrait de stimuler la croissance et la productivité en y mettant une condition : mener de front des politiques de commerce, d’emploi et de protection sociale. Ces politiques de commerce, d’emploi et de protection sociale, qui doivent être mises en place dans les différents ordres nationaux, ont évidemment un impact direct sur les entreprises.
Les « sanctions » de l’ordre international se répercuteront, en effet, inévitablement sur les droits applicables aux personnes morales de droit privé : les sociétés.
Il est donc essentiel pour les entreprises de comprendre les procédures internationales auxquelles sont soumis les États, qui auront un impact sur leur environnement légal.
L’analyse de la procédure de règlement des différends de l’OMC et des procédures instituées au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), permettra de dresser un bilan comparatif des sanctions applicables aux sociétés et d’évaluer leur impact concret sur les politiques nationales.
L’efficacité de la procédure devant l’OMC pour régler un différend commercial entre deux États
Le système de règlement des différends permet de résoudre les cas où un État membre adopte une mesure de politique commerciale, ou d’autre nature, considérée comme une violation des accords de l’OMC ou un manquement à leurs engagements.
La procédure prévue par le Mémorandum d’accord, issu du Cycle de l’Uruguay et régissant le règlement des différends, est limitée dans le temps à une durée maximale de 15 mois en cas d’appel, réductible dans les cas d’urgence, et s’apparente à une procédure contentieuse classique. En effet, une fois le Groupe spécial mis en place, les parties qui s’opposent ont notamment l’occasion de présenter leurs arguments et de faire désigner un expert. La décision finale revient à l’Organe de règlement des différends (ORD), composé de tous les membres de l’OMC, qui ne peut rejeter les conclusions du Groupe spécial qu’à l’unanimité. Dans le cas où le membre visé par la plainte perd et où ne se conforme pas aux recommandations, les parties peuvent encore négocier afin de trouver des compensations mutuellement acceptables. Si cette négociation échoue, l’ORD peut imposer de véritables sanctions commerciales.
À l’issue de cette procédure, les entreprises doivent donc appliquer les recommandations ou les sanctions infligées au membre de l’OMC. Elles subissent ainsi immédiatement les effets de ces procédures, soit notamment : l’augmentation des droits de douane, les restrictions des volumes d’exportation ou, au contraire, la libéralisation du marché et l’augmentation du jeu de la concurrence. Cependant, en cas de violation des droits sociaux, seule une violation manifeste des droits de l’Homme fera l’objet de sanction dans le cadre de cette procédure.
L’efficacité du système de règlement des différends de l’OMC résulte ainsi de la procédure particulièrement rapide et des solutions négociées permettant aux entreprises que soient rapidement réglées les difficultés commerciales auxquelles elles doivent faire face.
Les procédures devant l’OIT pour harmoniser les textes au niveau international
Les conflits soumis à l’OIT ne répondent pas aux mêmes impératifs que ceux de l’OMC. En effet, il ne s’agit pas ici de régler un conflit commercial, mais de s’assurer de la transposition effective et de la bonne application des conventions ratifiées par les États membres. Les procédures prévues sont donc très différentes de la procédure de règlement des différends de l’OMC.
D’une part, la procédure de plainte devant l’OIT (articles 26 à 34 de la Constitution de l’OIT) permet à un État membre de déposer une plainte contre un autre État membre qui n’aurait pas appliqué une convention, étant précisé que les deux États doivent avoir ratifié la convention litigieuse. Le conseil d’administration peut alors nommer, dans un premier temps, une commission d’enquête qui rend un rapport consignant ses recommandations et indique les délais impartis à l’État pour les mettre en œuvre. Dans le cas où l’État refuse d’appliquer les recommandations, il peut choisir de soumettre le différend à la Cour internationale de justice. Enfin et en dernier ressort, la Conférence de l’OIT peut prendre directement, sur recommandation du conseil d’administration, des mesures contre l’État en cause. Dans le cadre de cette procédure, la mise en place d’une commission d’enquête intervient lorsqu’un État est accusé de violations graves et que son gouvernement refuse obstinément d’apporter une solution au problème. Notons que seules onze commissions d’enquête ont été mises en place, ce qui démontre l’efficacité du système. Quant à la Conférence de l’OIT, elle est intervenue pour la première fois en 2000 contre le Myanmar pour que soit mis fin à l’utilisation du travail forcé.
D’autre part, la procédure de réclamation devant l’OIT (articles 24 et 25 de la Constitution de l’OIT) et la procédure particulière du Comité de la liberté syndicale (créé en 1951) ont pour originalité de permettre aux organisations professionnelles, d’employeurs ou de travailleurs, de présenter au conseil d’administration du Bureau international du travail (BIT) une réclamation à l’encontre de tout État membre qui « n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle il a adhéré ». Dans le cas de la procédure de réclamation, un comité tripartite est créé en vu d’examiner la réponse du gouvernement en question. Si la réponse n’est pas satisfaisante, le Conseil d’administration a la possibilité de rendre publique la réclamation reçue ainsi que la réponse du gouvernement. La procédure devant le Comité de la liberté syndicale se conclut, elle aussi, par des recommandations, étant précisé que 2 300 dossiers ont été traités à ce jour. Dans ces deux procédures, les États visés doivent suivre les recommandations qui leur sont notifiées. Ces procédures permettent ainsi aux organisations professionnelles d’être à l’initiative de changements nationaux de politiques sociales et de rendre publics les éventuels écueils des législations nationales présumées être conformes aux normes ratifiées.
L’ensemble des procédures de l’OIT poursuit un même objectif : faire respecter les conventions ratifiées par les États membres par le biais de la publicité des plaintes ou des réclamations et des recommandations faites par les différents comités et, par conséquent, modifier les législations nationales afin de les harmoniser au niveau international.
Jennifer Peiro, avocat à la Cour,
Dupiré & Associés
Des « sanctions » aux répercussions concrètes sur le cadre juridique des entreprises
La pratique des négociations finales de la procédure de l’ORD (Organe de règlement des différends de l’OMC), qui vise à imposer des sanctions ou à trouver des compensations permettant de rééquilibrer la balance commerciale ne peut trouver d’équivalent dans le cadre des droits sociaux.
Les « sanctions » ne s’avèrent être que des moyens subsidiaires pour contraindre un État à régler les situations contrevenant aux dispositions internationales. Dans tous les cas, le caractère public des recommandations édictées peut gravement porter préjudice aux États membres et, par répercussion, atteindre les entreprises concernées.
Les procédures internationales ont ainsi des répercussions concrètes sur l’environnement juridique des entreprises. La possibilité pour des organisations professionnelles d’employeurs et de salariés d’être à l’initiative de procédures devant l’OIT laisse présager l’évolution du système international vers un modèle de plus en plus proche des acteurs privés de la mondialisation.