Si l’obtention du statut d’OEA (opérateur économique agréé) complet et les nouvelles règles ICS/ECS requièrent à court terme un réel effort de réorganisation de la part
des entreprises, à plus long terme, ces nouvelles procédures, très structurantes, seront incontournables pour réussir sa logistique à l’international.
Depuis le 1er janvier 2011, l’Import Control System (ICS) a pris sa pleine dimension. Les dispositions exceptionnelles d’assouplissement, instaurées à cause des retards de déploiement dans certains États et chez certains opérateurs, ont en effet été levées. Désormais, les données sûreté-sécurité doivent obligatoirement être transmises à l’avance soit sous forme électronique, soit par papier.
« Le but consiste à passer entièrement aux déclarations électroniques », explique Jean-Michel Thillier, sous-directeur du commerce international à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Pour cette ultime étape, aucune date butoir n’a encore été définie. « Nous devons nous déployer de concert avec les autres États », indique-t-il.
Le dispositif mis en place consiste en deux phases : l’envoi d’une déclaration avant l’arrivée du moyen de transport et l’envoi d’une notification d’arrivée ainsi qu’une notification de déchargement. Les délais qui concernent la déclaration anticipée sont fixés à 24 heures pour un conteneur maritime au long cours, de 4 heures pour le transport aérien moyen et long courrier et d’une heure pour le fret routier. « Le premier point touché, port ou aéroport, est responsable de l’analyse de risque sur toute la cargaison pour l’ensemble des autres pays européens », souligne Jean-Michel Thillier.
Les informations sur le pays de provenance, la nature de la marchandise, l’itinéraire, la masse de l’envoi, le type d’emballage permettent de déterminer le degré de sensibilité de l’opération. Mariées à d’autres renseignements, ces informations sur le pays de provenance peuvent déclencher un contrôle documentaire, une vérification physique, voire l’interdiction de chargement.
La nouvelle réglementation répond à un vaste projet international de sécurisation de la chaîne logistique mondiale. Les premières mesures ont été prises en 2001 par les États-Unis après les attentats du 11 septembre. « Transformées en normes Safe, elles constituent un cadre réglementaire que chaque groupe d’Etat, en l’occurrence l’Union européenne, traduit et adapte plus ou moins sévèrement », rappelle le sous-directeur du commerce international de la DGDDI.
Un premier palier, franchi le 1er juillet 2009, avec l’entrée en vigueur de l’Export Control System (ECS), repose sur la dématérialisation de l’exemplaire 3 de la déclaration en douane. Déclaration qui constate la sortie du territoire communautaire par un simple message électronique. Ce dispositif a été complété à l’exportation d’un volet sécurité le 1er janvier 2011. « Mais il n’y avait aucune déclaration supplémentaire à effectuer, contrairement à ce que prévoit l’ICS, les données sûreté étant, dans la plupart des cas, contenues dans la déclaration en douane d’exportation qui remplit ainsi deux fonctions », précise Jean-Michel Thillier.
Pour les entreprises, cette dématérialisation implique une révision de leur système informatique, et une réflexion avec plusieurs partenaires. Sont concernés, leurs prestataires logistiques et de dédouanement, les clients et les fournisseurs sur lesquels les entreprises disposent de données à transmettre à la douane. « C’est une bonne façon d’être très au clair sur sa propre organisation logistique et de mieux maîtriser les services de ses prestataires », estime Jean-Michel Thillier.
L’ICS concerne une trentaine de millions de déclarations par an. Aujourd’hui, près de 150 000 sont transmises de façon électronique chaque semaine, soit quelque 7,2 millions par an.
« Il existe des opérateurs qui ne recourent encore qu’au papier, d’autres qui ont définitivement adopté la télédéclaration, et celles qui panachent les deux dans des proportions variables, remarque le sous-directeur du commerce international. Le score de l’électronique peut paraître faible, mais nous sommes le pays européen qui en reçoit le plus. Nous avons effectué de gros efforts de sensibilisation, et nos opérateurs sont mieux préparés », poursuit-il. L’Allemagne arrive en seconde position avec un volume
de 120 000 déclarations électroniques hebdomadaires.
La mise en œuvre d’une chaîne logistique internationale mieux sécurisée a conduit parallèlement à la création du statut d’opérateur économique agréé (OEA). Ce label vise à identifier les opérateurs les plus fiables et concerne la totalité de l’activité douanière et les aspects de sûreté-sécurité. Son bénéfice repose sur un audit douanier de l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise.
Le statut OEA complet permet de réduire le nombre de données à envoyer au service des douanes et d’être informé par avance d’un contrôle. Mieux, vous pouvez choisir le lieu de ce contrôle, ce qui vous donne une marge de manœuvre et s’avère moins pénalisant pour les flux logistiques. Vous bénéficiez enfin des avantages reconnus aux OEA dans les pays signataires d’un accord de reconnaissance comme la Suisse, la Norvège ou le Japon.
Contrairement à une idée reçue, le nombre de contrôle physique à l’importation est en baisse en France. « Il se situe entre 1,5 % et 2 %, les OEA ayant des taux de contrôle encore plus bas », assure Jean-Michel Thillier. Les opérateurs (chargeurs, logisticiens, commissionnaires) ont la possibilité d’opter entre trois types de statut OEA : « simplifications douanières » (dispense de vérifications récurrentes dans les autres États, moins de contrôles, procédures simplifiées), « sécurité/sûreté » (réduction des informations nécessaires aux déclarations, avis d’un contrôle physique avant l’arrivée des marchandises), et « intégral » (synthèse des deux premiers).
Pour acquérir ce statut, l’audit des douanes est très fouillé. En échange, les OEA accèdent à des facilités : statut d’expéditeur agréé, dédouanement centralisé et dispense de garantie.
OEA simple ou complet, comment choisir ? « Tant qu’à faire, mieux vaut opter pour le statut intégral. Mais les évolutions du cadre réglementaire communautaire (R CE 1192/08), qui rendent le respect de certains critères obligatoires au 1er janvier 2012, militent fortement pour un développement de l’OEA simplifications douanières », reconnaît Jean-Michel Thillier. Les critères français pour l’obtention de ce statut sont effectivement très proches de ceux mis en place dans le R CE 1192/08. « Et cela permet d’afficher un label communautaire, ce qui est toujours intéressant commercialement », observe le sous-directeur.
Pour les entreprises qui recourent déjà aux procédures domiciliées, la démarche n’est pas compliquée. Elles connaissent le fonctionnement des audits des douanes et ne seront pas troublées par un audit OEA simplifications douanières Il leur est simplement demandé d’inventorier de manière précise leurs processus déclaratifs douaniers, de les formaliser et de mettre en place un dispositif de suivi garantissant une rigueur et une fiabilité stables dans le temps. L’OEA complet peut alors venir dans une seconde étape.
En France, entre 3 000 et 3 500 opérateurs enregistrant des flux réguliers pourraient prétendre au statut OEA. Les demandes s’élèvent en mars 2011 à 550, dont 420 ont obtenu satisfactions, et 130 sont en cours d’instruction. « Pourtant, le statut OEA est de plus en plus demandé dans les appels d’offres internationaux, ce qui va le rendre de plus en plus incontournable », souligne Jean-Michel Thillier.
Parallèlement, la Douane souhaite améliorer la sécurisation du dédouanement, et a déployé depuis plusieurs années deux outils à la disposition des entreprises. Le premier est le RTC, le second est le statut d’Exportateur agréé.
Le Renseignement tarifaire contraignant (RTC) joue un rôle essentiel. Cette décision douanière permet de sécuriser le classement tarifaire d’une marchandise. Il est reconnu par les autres administrations européennes. Sa validité est de six ans. La Douane française peut s’enorgueillir d’avoir été la première en Europe à obtenir la certification qualité de service pour le RTC. La grande majorité des certificats (98 % en 2010) sont disponibles en moins d’un mois. « Nous en avons délivré près de 6 000 en 2010, et 7 000 l’année précédente. C’est un rythme que nous allons faire bondir », souligne Jean-Michel Thillier.
Le statut d’exportateur agréé (EA) permet de border les certificats d’origine par rapport aux pays d’exportation pour ne pas avoir de problème à destination. Il aide à obtenir certains avantages tarifaires en fonction des accords conclus entre pays. Il suffit de rédiger une déclaration préalable d’origine (DPO) une seule fois pour toutes les marchandises et les pays que doit couvrir ce statut EA qui est délivré après un audit douanier spécifique. Il dispense du passage au bureau de douane pour le visa des certifications d’origine EUR1, et évite les remises en cause à destination.
Grâce à l’ensemble de ces actions, la France a gagné une place dans le classement logistique de la Banque mondiale, en 2009. Elle arrive dix-septième sur 155 grâce à la qualité de ses infrastructures (14e), de ses compétences logistiques (12e), la traçabilité (14e), les délais d’opération (9e). Les services douaniers arrivent au 17e rang. Mais la Banque mondiale englobe dans son étude des prestataires autres que l’administration. Le Word Economic Forum quant à lui détaille les avantages compétitifs des douanes françaises : les services, la simplification des documents d’import-export (1er des 121 pays examinés). « Nous avons gagné sept places depuis 2007 », se réjouit Jean-Michel Thillier.
Florence de Goldfiem
6,39 min pour dédouaner
La France est le pays qui exige le moins de papier. Elle affiche un délai d’immobilisation de 6,39 min. En 2006, il fallait 11 minutes entre la validation et la mise à disposition de la marchandise. Grâce au déploiement du système Delta depuis 2007, la Douane est fin prête pour le plan stratégique européen Electronic Customs qui prévoit une dématérialisation totale en 2013. Aujourd’hui, le taux de dédouanement électronique atteint 90 %, l’un des meilleurs de l’Union européenne. Il reste à faire basculer les opérations d’export du fret express, ce que devrait faciliter la totale gratuité du service depuis cette année. Les avantages sont multiples : aucun document d’accompagnement à joindre (mais ils doivent être archivés en cas de contrôle), possibilité d’anticiper jusqu’à 10 jours la déclaration simplifiée d’importation, gestion des crédits de paiement des droits et taxes, outils de simulation, possibilité de rectifier les déclarations par voie électronique, calcul automatique de la valeur en douane, transmission directe des informations statistiques. F. D. G.