Alors que la crise sanitaire a profondément bousculé les chaînes d’approvisionnement des multinationales, une étude de la banque britannique Standard Chartered souligne leur souhait de mettre en place des incitations au changement ou de ne plus travailler avec des fournisseurs peu soucieux de l’environnement. Un processus qui s’avère long et ne repose pas uniquement sur la volonté des entreprises.
Les multinationales, nouvelles championnes de la lutte contre la pollution ?
C’est en tout cas la conclusion d’un sondage réalisé par la banque britannique Standard Chartered auprès de 400 « experts en développement durable et en chaîne d’approvisionnement dans les multinationales » (dont 100 Français).
Alors que, selon cette étude, les trois quarts des émissions polluantes de ces très grandes entreprises proviennent de la chaîne d’approvisionnement, 78 % d’entre elles se disent prêtes à se séparer d’un fournisseur « compromettant leur stratégie de transition énergétique ».
Les pays émergents pourraient perdre un marché de 1 600 milliards de dollars
Mondialisation oblige, la production des multinationales est déléguée à des fournisseurs implantés dans des pays émergents, dont 64 % des sondés considèrent qu’ils auront plus de difficultés à atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions que ceux des marchés développés.
« Si les fournisseurs issus des marchés émergents ne prennent pas le tournant de la transition énergétique, ils prennent le risque de voir leur échapper collectivement un marché d’une valeur de 1 600 milliards de dollars », préviennent les analystes de Standard Chartered.
Dans ce contexte, comment faire levier pour garantir une chaîne d’approvisionnement plus verte, alors même que la crise sanitaire a provoqué chez les consommateurs occidentaux une plus grande attention à l’écologie ?
Les multinationales se disent prêtes à payer plus cher des produits et services garantis « zéro émission » (45 % d’entre elles se disent disposés à payer une prime de 7 % en moyenne). Pour les contraindre à verdir leur production, elles offrent un statut de fournisseur privilégié (47 %), des tarifs préférentiels (30 %) ou des subventions et des prêts pour investir dans la réduction de leurs émissions (18 %).
Cette politique de la carotte et du bâton, de la promesse de contrats contre un verdissement de la production, devrait cependant prendre beaucoup de temps avant d’apporter ses fruits. En effet, si, en 2020, 15 % des multinationale interrogées avaient déjà commencer à se séparer de fournisseurs trop polluants, il faudra attendre 2050 pour 96 % d’entre elles franchissent le pas.
Il y a donc loin de la coupe aux lèvres.
Le rôle des gouvernements et des consommateurs
En outre, ce changement radical dans la chaîne d’approvisionnement ne peut être uniquement le fait des entreprises et doit s’appuyer sur des politiques gouvernementales soucieuses de voir émerger des circuits d’approvisionnement plus vertueux.
Pour Bill Winters, directeur général de Standard Chartered « les multinationales doivent inciter leurs fournisseurs à les accompagner dans la transition énergétique, mais les gouvernements et le secteur financier doivent également fournir les infrastructures adéquates et le financement nécessaire ».
A l’autre bout de la chaîne d’approvisionnement, le consommateur final est un autre levier à ne pas négliger. D’autant que la crise sanitaire a profondément modifié ses habitudes et ses attentes.
Ainsi, selon une enquête de Babel et BVA publiée en juin dernier, 60 % des Français estiment pouvoir changer les choses à travers leurs choix de consommation. Et ils éprouvent un certain scepticisme à l’égard de la communication des marques sur les conditions de production : 91 % voudraient qu’elles se concentrent davantage sur leurs responsabilités, qu’elles fassent preuve de plus de modestie et qu’elles justifient la qualité de leurs produits.
En d’autres termes, en semant la pagaille dans les chaînes d’approvisionnement et le modèle de la mondialisation, la pandémie de Covid-19 aura au moins eu le mérite d’amplifier une tendance déjà présente : la nécessité de stratégies garantissant à un consommateur de moins en moins conciliant des produits plus respectueux de l’environnement.
Sophie Creusillet