Clap de fin pour les négociations entre l’Union européenne (UE) et la Suisse sur un accord- cadre devant moderniser leurs relations économiques. Quel sera l’impact sur les échanges commerciaux entre les deux blocs ? Le Moci fait le point.
Le 26 mai, Guy Parmelin, le président de la Confédération helvétique, annonçait que son pays mettait un terme aux pourparlers avec la Commission européenne engagés depuis 2014. Alors que les relations bilatérales sont actuellement régies par 120 accords sectoriels, Bruxelles souhaitait fixer un cadre unifié à ce maillage complexe et le rendre « dynamique », ce qui signifie – dans le jargon communautaire – capable de s’adapter aux évolutions réglementaires dans l’UE.
« Sans cet accord, cette modernisation de nos relations ne sera pas possible et nos accords bilatéraux vieilliront inévitablement », a réagi la Commission européenne par voie de communiqué, disant aussi « regretter cette décision au vu des progrès réalisés ces dernières années ». Pourtant finalisé le 23 novembre 2018, le texte de l’accord-cadre était devenu politiquement sensible pour les Suisses.
Trois points de désaccord
Trois points en particulier soulevaient des enjeux de souveraineté nationale.
Le volet sur les aides d’État d’abord, les deux camps n’ayant pas réussi à s’entendre sur la juridiction habilitée à trancher, en dernier recours. Berne refuse de se soumettre à la Cour de justice de l’UE.
Autre point d’achoppement : la libre circulation des personnes qui a donné lieu à des différences d’interprétation entre les deux blocs. La Suisse vise pour sa part à limiter ce droit aux employés et à leur famille, alors que l’UE cible tous les citoyens européens.
Le troisième point litigieux, enfin, concerne le niveau des salaires, protégé en Suisse et plus élevé que dans le reste de l’Europe. Le pays redoute les conséquences d’un dumping social et propose notamment de limiter la durée des prestations de service pour des citoyens de l’UE.
Pas d’accès « à la carte » au marché européen
Disposée à certaines « souplesses », Bruxelles a toutefois campé sur ses lignes rouges. « On ne pouvait pas offrir aux Suisses un accès à la carte au marché unique alors que nous l’avons refusé aux Britanniques », se justifie un négociateur européen.
Il rappelle en outre que pour les Vingt-sept, la signature d’un accord-cadre visant à rétablir « un juste équilibre » dans les relations bilatérales, était une condition préalable à la conclusion de tout nouvel accord d’accès au marché unique.
Des répercussions concrètes sur les échanges
Le refus du gouvernement helvète de poursuivre les négociations risque donc d’avoir des répercussions très concrètes sur les échanges commerciaux entre les deux camps.
« Les entreprises suisses vont se heurter à de nouveaux obstacles, notamment techniques – qui vont augmenter le coût de leur accès au marché unique », pronostique une étude publiée par le think tank Avenir suisse *.
Dans les industries chimiques et pharmaceutiques, les surcoûts annuels pourraient atteindre 1,2 milliard d’euros, estiment les auteurs du document.
Le secteur des dispositifs médicaux sera quant à lui immédiatement impacté. Le 26 mai était en effet le jour de l’entrée en vigueur du nouveau cadre réglementaire des dispositifs médicaux au sein de l’UE, mettant fin à l’accord qui prévalait jusqu’à présent entre l’UE et la Suisse. « De sorte que le commerce de ces produits ne sera plus facilité comme auparavant », indique un communiqué de la Commission.
Celui-ci précise que « la reconnaissance mutuelle des résultats d’évaluation de la conformité, la non-nécessité de disposer d’un représentant autorisé et l’alignement des réglementations techniques », ont de ce fait cessé de s’appliquer.
« Aujourd’hui déjà, plusieurs indicateurs de l’attractivité économique de notre pays évoluent négativement, parce que les dirigeants politiques suisses n’ont pas la volonté de prendre des décisions de politique européenne ni de mener des réformes nationales décisives », déplore le think tank suisse.
Selon ses auteurs, l’absence d’un accord-cadre négocié avec Bruxelles risque de peser sur de nombreux secteurs de l’économie, notamment la recherche, les services financiers ou l’électricité. Faute de règles communes, la Confédération pourrait en effet perdre progressivement ses privilèges de connexion au système électrique européen.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
* Pour télécharger l’étude du think tank Avenir suisse « Ce que coûte l’érosion des accords bilatéraux », cliquez ICI.