La Fabrique de l’exportation a publié en janvier 2021 un Manifeste pour un renouveau de l’exportation française dans lequel le think tank insiste notamment sur la nécessité de favoriser l’acquisition de compétences et d’expertises en international business, et d’investir dans la formation initiale au commerce international. Stéphane Boulet, délégué général du think tank, nous en dit plus.
Le Moci. Le Manifeste de La Fabrique de l’exportation regrette qu’un grand pays exportateur comme la France n’accorde que trop peu d’importance à la formation en international business. Quel est votre constat ?
Stéphane Boulet. La montée en compétences en matière de commerce international passe par plusieurs voies : la formation initiale, le recours à des experts externes à l’entreprise, la formation continue à destination des collaborateurs et l’offre d’accélérateurs ciblant les dirigeants, de type Stratexio ou Bpifrance.
Alors qu’ils n’existaient pas ou très peu il y a une dizaine d’années, ces derniers dispositifs sont désormais entrés dans la culture des patrons de PME et d’ETI. En matière de formation continue, des offres existent comme celles de Formatex, des CCI ou d’autres organismes, essentiellement centrées sur les techniques du commerce international. Le constat est en revanche plus nuancé sur la formation initiale.
« L’exception est le BTS commerce international »
Le Moci. Vous relevez le faible nombre de formations initiales consacrées au commerce international. Qu’en est-il précisément ?
S.B. L’exception est le BTS commerce international, un programme à bac+2, auquel se sont présentés à la session 2019 plus de 5 400 candidats. Mais beaucoup poursuivent leurs études, s’éloignant parfois de ce cœur de métier en commerce international.
En revanche, on manque de formations dédiées aux niveaux licence et, surtout, master, que ce soit à l’université ou dans les grandes écoles. On compte en France quelques dizaines de licences ou de masters alors que la seule université de Leeds au Royaume-Uni forme 700 étudiants par an dans des masters en international business.
Paradoxalement, les établissements qui disent avoir tenté de lancer ce genre de programme expliquent recevoir relativement peu de candidatures d’étudiants. Par ailleurs, on compte encore peu d’enseignants-chercheurs spécialistes de l’international, y compris pour répondre à la demande d’entreprises qui sollicitent les universités ou les écoles de commerce pour des programmes de formations sur-mesure, et il y a aussi peu de thèses dédiées à ce sujet.
« L’international ne doit pas être un à-côté »
Le Moci. Quid des écoles de management qui sont très orientées à l’international ?
S.B. Elles sont internationales dans la mesure où elles ont un réseau de partenaires à l’étranger, reçoivent des étudiants internationaux, envoient les leurs à l’étranger et propose des filières complètement en anglais. En revanche, la plupart ne proposent pas de formation spécifique et transversale en international business.
De la même façon que l’on a dit aux entreprises d’être fortes sur leur marché local pour ensuite le devenir à l’international, les écoles traitent l’international business comme un plus. Nous considérons à la Fabrique de l’exportation que l’international ne doit pas être un à-côté, que les PME doivent être tout de suite prêtes à travailler à l’international et que cette dimension doit irriguer tous les enseignements.
Le Moci. Comment changer les choses ?
S.B. Les marges de manœuvre sont étroites. Nous avons, avec d’autres, sensibilisé le ministre en charge du Commerce extérieur Franck Riester, qui pour la première fois en mars a visité une école de commerce accompagné de représentants de Bpifrance, Business France, ICC France, Medef, et nous-mêmes… en affichant le commerce international comme credo.
Face à cet enjeu, il y aurait un travail conjoint à entreprendre avec le ministère de l’Éducation nationale en associant l’ensemble des acteurs privés et publics concernés pour faire de l’international business une filière d’excellence, du niveau BTS au niveau master, dans les écoles ou les universités, avec un contenu académique et pratique en adéquation avec les connaissances et compétences dont les entreprises ont besoin.
Le Moci. Qu’en est-il de la maîtrise de l’anglais, présentée comme essentielle dans le volet formation de la réforme du dispositif export de janvier 2018 ?
S.B. Je suis pour ma part nuancé à ce sujet. Les langues – et pas uniquement l’anglais – font partie des compétences nécessaires au commerce international, et il faut aujourd’hui s’intéresser à la diversité au sein des entreprises. Mais ce n’est pas parce que l’on parle mal l’anglais ou la langue locale que l’on ne réussit pas à l’international. C’est généralement plutôt lié au fait ne pas avoir déployé la bonne stratégie !
Propos recueillis
par Gaëlle Ginibrière
Cette interview est extraite du dernier numéro spécial du Moci
consacré aux formations initiales et continues au commerce international.
Consultez la version en ligne du numéro spécial, en cliquant ICI.