Il fallait bien trois membres du gouvernement – les ministres Emmanuel Macron (Économie, industrie, numérique), et Patrick Kanner (Jeunesse, ville et sports) et un secrétaire d’État Matthias Fekl (Commerce extérieur, promotion du tourisme, Français de l’étranger) – pour signer, le 22 mars à Bercy, le nouveau contrat de filière consacré au sport. Car, il ne faut pas se le cacher, la France part de loin en matière d’investissements privés dans la mesure où la quasi-totalité des équipements sportifs est financée par l’État. Alors pour construire une filière, à 10 semaines de l’Euro 2016, il va falloir inciter le secteur privé à se glisser dans la mêlée.
Ce n’est donc pas le hasard si Olivier Ginon, un Lyonnais qui a gagné sur tous les terrains du monde avec GL Events, de l’Océanie à l’Amérique, a été chargé de diriger le comité de préfiguration de la filière. Pendant neuf mois, dans quatre groupes de travail – équipements sportifs de proximité, de référence et services associés, évènementiel et écosystème des équipements – toute une équipe de France a ainsi été réunie, composée au total de 112 joueurs, dont quelque 76 entreprises privées (Eiffage, Bouygues, Kuklos Consulting, Sodexo, Veolia, Serge Ferrari, Doublet…), 14 ministères et opérateurs publics, 12 ligues et fédérations sportives et 10 sportifs.
Utiliser la vitrine de l’Euro 2016
L’idée est de faire partager à tous, étatiques ou non, le même terrain, en France et dans le monde, pour parvenir aux mêmes buts : à la fois offrir de meilleurs équipements (des piscines notamment…) et services dans l’Hexagone et profiter des opportunités à l’export. Les opportunités à l’étranger sont de deux ordres : d’abord, la multiplication des événements sportifs planétaires ou régionaux, ensuite, le développement de politiques sportives, en particulier dans les économies émergentes. Un seul exemple, celui de la Chine qui prévoit de se doter de plusieurs centaines de stades de football.
Pour se donner toutes les chances, il était logique que la France utilise comme vitrine des rendez-vous qui vont se tenir sur son sol, comme l’Euro de football. D’où le lancement officiel, 80 jours avant cet évènement, de la filière sport sous la direction d’Olivier Ginon, qui a animé les travaux, alors que le secrétariat permanent était piloté par trois Directions générales (Trésor, Sports, Entreprises).
Autre formidable occasion, la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, qui, si elle était retenue, le 13 septembre prochain à Lima (Pérou), entrainerait « un boum du sport chez nous», expliquait une cheville ouvrière dans un ministère, où l’on estime que la France peut dupliquer l’exploit du Royaume-Uni au moment des JO de Londres.
« Les Britanniques n’étaient pas mieux structurés que nous, mais outre le fait qu’ils ont capté une grande part des marchés sur place, ils ont pu montrer leurs savoir-faire, ce qui s’est traduit ensuite par des victoires à l’export et de nouvelles parts de marché », a renchéri un autre proche du dossier. « Les objectifs sont de fonder la filière, l’organiser, la structurer, se vendre à l’international pour gagner des parts de marché, créer de la valeur ajoutée et de l’emploi » dans un secteur qui possède environ 410 000 emplois directs et compte pour 2 % du produit intérieur brut (PIB), résumait un autre interlocuteur.
Des priorités : posséder des informations exactes, développer des financements, innover
Au sein de la puissance publique, on reconnaît, toutefois, que l’on a bien du mal à circonscrire la filière, faute de données économiques précises, et que la seule certitude est que le PIB du sport dépasse en tendance la progression de l’économie mondiale. C’est pourquoi la première action qui sera menée au cours du premier semestre sera la finalisation d’un Observatoire économique porté par le ministère des Sports. Deux études sont au demeurant déjà programmées : l’une sur la connaissance de la chaîne de valeur de l’évènementiel et l’autre, prospective, sur les marchés du sport.
Autre action, faciliter le portage de nouvelles formes de coopération publique-privée. D’où la lettre de mission envoyée à l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de la Jeunesse et des sports (IGJS), chargées de réfléchir aux garanties d’emprunts que des collectivités territoriales pourraient accorder à des clubs professionnels et à la simplification de la fiscalité indirecte des services sportifs.
Dans les ministères concernés, on se montre particulièrement prudent, modeste, mais aussi optimiste. On y partage l’idée que « le modèle économique est encore à inventer », que « si on avait une cartographie exacte des équipements existants » et « si elle était partagée par le public et le privé », alors « on éviterait les mauvais investissements » et « on pourrait présenter un modèle ».
Pendant la période de préparation, l’innovation a été un sujet directement suivi par Olivier Ginon, avec, au sein d’un groupe de travail, des architectes, des programmeurs ou encore des économistes. Pour faire émerger « de nouvelles conceptions des équipements », nous a-t-on encore expliqué, il est demandé au Centre national pour le développement du sport (CNDS) de piloter des concours d’idées.« L’offre est trop générique, pas assez inventive, ce qui est un inconvénient pour se doter d’équipements adaptés aux besoins des Français. Mais c’est aussi un problème à l’international ».
Vers un démonstrateur virtuel et un club « sport » en Chine
De fait, à l’instar de ce qui a été initié dans la filière « mieux vivre en ville » (autour du label de ville durable Vivapolis) avec le démonstrateur Astanable fondé pour Astana (Kazakhstan), on souhaite développer aussi « un simulateur virtuel » sur les solutions du futur dans le sport. Mais ce simulateur ne ferait « peut-être pas cette fois autour d’une ville », nous a-t-on précisé, « mais plutôt d’un événement sportif, afin de présenter toutes les solutions possibles et rendues possibles par le savoir faire tricolore ».
Ce démonstrateur devant favoriser la recherche et la démonstration de solutions prospectives pour répondre aux besoins des clientèles (stades modernes, solutions de mobilité durable, nouvelle billetterie électronique, etc.), il serait financé par les entreprises.
Outre l’innovation, il faudra aussi réfléchir à des normes. Les ministères reconnaissent que, parallèlement, il est « essentiel de définir des standards partagés par l’ensemble de la filière », ces référentiels devant, par ailleurs, « permettre de développer des équipements vitrines, servant de référence tant au niveau national qu’au niveau international ».
D’autres actions sont déjà annoncées au second semestre, comme « l’installation d’au moins un club sport à l’export pilote dans les marchés prioritaires de l’économie du sport ». Dans la pratique, il s’agit de disposer d’un club sport dans un marché prioritaire, la Chine, avant la fin de l’année.
Parallèlement, Business France, en relation avec l’État et le secteur privé, doit proposer une démarche collective d’accompagnement des entreprises et des actions pilote qui seraient déployées dès début 2017. D’ici là, l’agence publique devra aussi monter des Pavillons France à l’occasion de salons et de rencontres professionnelles et l’État finaliser avec l’ensemble de la filière la mise sur pied d’un dispositif de parrainage des PME/TPE par les groupes.
François Pargny
Pour prolonger :
–Expo Astana 2017 : Astanable ou comment les entreprises françaises chassent en meute pour un projet “ville durable”
–Ville durable / Export : la « task force » du Medef va tester « le chasser en meute » en Ouganda
–Kazakhstan : ville durable, santé, eau s’annoncent porteurs pour les exportateurs français
–Mieux communiquer / International : un jeune entrepreneur surdoué nouveau fédérateur de la filière à l’export