Pour contourner les perturbations des chaînes d’approvisionnement en Chine, les marques occidentales se tournent vers de nouveaux fournisseurs, plus proches et plus sûrs. Une situation qui profite aux entreprises d’Asie du Sud et du pourtour méditerranéen, selon le baromètre trimestriel du spécialiste du contrôle qualité Qima.
Résurgence des cas de Covid-19 en Asie, incertitudes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie… Au premier trimestre, après une année 2021 cataclysmique pour les supply chains, le bout du tunnel semble s’éloigner toujours un peu plus.
C’est ce qu’il ressort de l’analyse des contrôles qualité effectués par Qima (anciennement AsiaInspection) depuis le début de l’année.
Sur les trois premiers mois de l’année, la croissance des demandes de la part d’acheteurs internationaux d’inspections et d’audits en Chine a été quasi nulle (+ 0,4 %). La demande des acheteurs américains a dévissé de 5,2 % en glissement annuel.
En cause, une production industrielle en berne en raison de fermetures d’usines, décrétées au nom de la politique chinoise « zéro Covid ». « La production industrielle ayant atteint en mars son point le plus bas depuis deux ans, les perspectives d’approvisionnement de la Chine dans le premier semestre 2022 semblent sombres », estime l’étude.
Aux États-Unis comme en Europe, la part de la Chine dans les portefeuilles fournisseurs est tombée à son point le plus bas depuis trois ans. A qui profite cette désaffection ?
Considéré comme une alternative à la Chine, le Vietnam est actuellement dans une position difficile, en raison de graves pénuries de main d’œuvre exacerbées par une nouvelle vague de Covid-19 en février. Au premier trimestre, les demandes d’inspections et d’audits ont chuté de 13 % en glissement annuel, suivant déjà deux trimestres de baisse.
L’Inde et le Bangladesh tirent leur épingle du jeu
« La tendance actuelle suggère que de nombreux acheteurs occidentaux, consternés par les longs retards de livraison au cours du second semestre de 2021, pourraient également revoir leur stratégie vis-à-vis du Vietnam », prévoit le baromètre de Qima.
Les données montrent par ailleurs que la Cambodge, l’Indonésie et les Philippines peinent également à maintenir leur dynamique de croissance. En revanche, l’Asie du Sud consolide ses acquis de 2021, en particulier dans les secteurs du textile et des articles ménagers.
Alors que les marques américaines ont tiré la croissance de la région en 2021, c’est la demande des acheteurs européens qui a connu une forte progression en ce début d’année. Au premier trimestre, la demande d’inspections en Asie du Sud de la part d’acheteurs européens a en effet bondi de 29 % en un an, soit un doublement par rapport à la période pré-pandémique.
L’Inde a enregistré une hausse de 21 % des demandes. Cette hausse a même atteint 47 % pour les seules marques européennes. Autre alternative à la Chine, le Bangladesh a également enregistré une hausse des demandes d’inspections, mais moindre (+ 6 %).
La Turquie attire les acheteurs américains et asiatiques
Pour pallier les défaillances du sourcing en Asie, les marques européennes se sont tournées également vers un marché qu’elles connaissent bien. La Turquie a ainsi enregistré une hausse de 8,5 % des demandes d’inspection. Fait nouveau, le pays bénéficie désormais d’un afflux d’acheteurs américains et asiatiques, expliquant la hausse de 35 % des demandes au 1er trimestre.
La diversification des fournisseurs opérée par les marques européennes ne s’est pas limitée à la seule Turquie. Les efforts de near-shoring des entreprises européennes concernent également la Jordanie, l’Égypte, le Maroc et la Tunisie.
Enfin, la pression sur les fournisseurs ne semble pas se traduire par une dégradation de la conformité éthique. La proportion d’usines non conformes est tombée à 24 % après un record de 29 % enregistré en 2021.
Une donnée qu’il faut toutefois relativiser. « Il convient également de noter qu’en raison des fermetures généralisées d’usines dans des régions comme la Chine, ces chiffres pourraient ne pas représenter toute l’étendue de la situation, et l’état réel de la conformité éthique dans les chaînes d’approvisionnement mondiales est susceptible d’apparaître plus tard cette année », tempèrent ainsi les analystes de Qima.
Sophie Creusillet