Faciliter les investissements, renforcer les liens commerciaux et ouvrir de nouvelles perspectives économiques.
Les responsables européens en visite à Djakarta pour le premier Sommet économique entre l’Union européenne (UE) et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) n’ont pas fait mystère de leurs intentions : profiter du dynamisme sud-asiatique pour accélérer les flux entre les deux zones.
« L’année 2010 a été exceptionnelle, avec 147 milliards d’euros échangés.
À ce rythme, nos deux organisations pourraient peser pour 40 % de l’économique mondiale en 2035 », s’est réjoui le représentant de l’UE auprès de l’Asean, Julian Wilson.
L’enthousiasme est mutuel. En tant que premier investisseur étranger dans les économies de l’Asean (près de 10 milliards d’euros en 2010), l’UE y occupe une place de choix, saluée par le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, qui assume la présidence tournante de l’Asean en 2011 : « Nous devons tirer profit de l’expérience européenne, plus ancienne que la nôtre. Il est temps de renforcer notre collaboration avec un véritable accord formel de coopération économique. »
Malgré cette bonne volonté affichée, les deux parties sont encore loin d’aboutir à un accord de libre-échange de région à région. En 2009, l’Union européenne a mis un terme aux négociations engagées avec le bloc Asean, rebutée par les très grandes disparités économiques entre ses pays membres (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Birmanie et Cambodge) et par la position de la Birmanie vis-à-vis des droits de l’homme.
La nouvelle stratégie de l’UE consiste à mener des discussions directes avec chacun des pays membres avant de s’engager dans un processus global. Des pourparlers sont en cours avec la Malaisie, mais l’accord de libre-échange le plus plausible vise Singapour. Il pourrait être conclu cette année, selon Karel De Gucht, le commissaire européen au Commerce, présent à Djakarta. « C’est le partenaire le plus probable en 2011. Quand nous aurons terminé de négocier avec chacun des pays membres, il sera temps de penser à une approche région par région. Pour cela, il faut attendre que l’Asean réalise son intégration économique, attendue en 2015. »
En attendant, un conseil des affaires UE-Asean a vu le jour en marge du sommet pour renforcer le dialogue entre les deux organisations. Comprenant six membres (les chambres de commerce européennes des Philippines, d’Indonésie, de Malaisie, de Singapour, de Thaïlande et du Vietnam), il se donne pour mission de promouvoir les intérêts commerciaux européens au sein de l’Asean. « C’est une plateforme de coordination tournante pour que les entreprises qui viennent dans la zone aient une vision globale de l’Asie du Sud-Est. Un partage de connaissances, de ressources et d’événements pour les décideurs », détaille Hubert d’Aboville, le président de la Chambre de commerce européenne aux Philippines. Avant d’ajouter : « Nous voulons attaquer le marché du Sud-Est asiatique, l’Asean est un must pour l’Europe ! 7 % de croissance, contre 2 % pour nous si nous avons de la chance… »
Vincent Souriau, à Djakarta
Abaisser les taxes à l’importation
Comment les pays du Sud-Est asiatique peuvent-ils se mettre en conformité avec les standards européens ? C’est l’un des principaux défis sur lequel cinq groupes de travail (agroalimentaire, automobile, infrastructure, santé, services) ont planché pendant le sommet UE-Asean. Jean Rodesch, vice-président de Pernod Ricard, était l’un des rares responsables de sociétés françaises invités à y participer. Dans son domaine, celui des vins et spiritueux, il attend de l’Asean la levée des restrictions qui, selon lui, mettent en péril la sécurité alimentaire dans la région : « Un pays comme l’Indonésie, ce sont des droits de douane de 150 %, des droits intérieurs et des quotas d’importation. Tout cela fait qu’en réalité, 90 % des produits alcoolisés qui arrivent sur le marché indonésien ne paient pas de taxes : tout entre en fraude. Du coup, on ne sait pas très bien ce que les produits deviennent, ni avec quoi les bouteilles vides sont re-remplies. Donc, on a des problèmes de santé publique. Ici, j’essaie de dire aux membres de l’Asean d’abaisser leurs droits. Plutôt que d’avoir des taxations très fortes, justifiées par des raisons philosophico-techniques, ils auraient davantage de revenus et pourraient mieux contrôler le trafic. »
Propos recueillis par V. S.