Diversifier sa présence en Asie, rechercher de nouveaux fournisseurs, vérifier le respect des normes en matière de qualité, d’environnement ou de droits sociaux… Ces évolutions contraignent les acheteurs à recourir de plus en plus aux services de prestataires extérieurs (consultants, sociétés de contrôle, etc.).
La hausse des salaires et du coût des matières premières en Chine incite les entreprises occidentales à rechercher d’autres destinations en Asie pour s’approvisionner. Encore faut-il faire le bon choix parmi les autres pays du continent ! « Un client dans le secteur des biens de consommation, qui s’approvisionne en Chine, nous a demandé de proposer d’autres pays fournisseurs : il a peur que ses produits ne soient plus compétitifs », explique Olivier Chalon, business manager au cabinet de conseil Lowendal Masaï qui a identifié pour ce client l’Indonésie, la Thaïlande et le Vietnam. Trois pays en mesure de se substituer éventuellement à la Chine et où le cabinet dispose déjà de références de fournisseurs potentiels.
Les prestataires connaissent les secteurs industriels et les entreprises des pays concernés grâce à leur présence sur le terrain. « Le Vietnam est en train de gagner des parts de marché dans l’informatique et les télécommunications par rapport à la Chine », affirme Jean-Marc Broqué, directeur d’Astech. Cette société implantée à Ho Chi Minh-Ville accompagne les entreprises françaises désireuses de faire fabriquer en Asie du Sud-Est. Il souligne les avantages de ce pays : un niveau de salaires inférieur à celui de la Chine, la qualité de la main-d’œuvre et l’existence de filières industrielles (bois, confection, chaussure mais aussi TIC). Ce pays n’a pas non plus été épargné par l’inflation, mais la monnaie a été dévaluée à plusieurs reprises au cours de la période récente.
En matière de sourcing, l’Inde est connue surtout pour la compétitivité de son offre en matière de services informatiques. Stéphane Lalevée, directeur de la société GSI, est installé à Pune, une ville industrielle située à 150 km de Mumbai, et réalise de la sous-traitance de pièces mécaniques allant de 50 grammes jusqu’à 50 kilogrammes pour le compte de sociétés françaises. Il rappelle l’existence d’une offre compétitive dans la mécanique : usinage, découpage, forge et outillage.
Les sociétés de contrôle qui disposent de bureaux couvrant la zone peuvent offrir une vision globale et utilisent leurs réseaux. Leur vision est celle d’une tendance au développement du sourcing dans le reste de l’Asie et à la diversification. « Généralement, les grandes marques s’approvisionnent dans plusieurs pays et définissent les lieux de production en fonction du niveau des coûts et des compétences », explique Jishun Xing, directeur général de la division industrie & infrastructures de Bureau Veritas en Chine.
Tous les experts consultés sont cependant unanimes sur un point : aucun des autres pays d’Asie n’est en mesure de se substituer à la Chine. « Ce pays demeure incontournable en matière de sourcing et le restera pendant très longtemps », affirme, depuis Hong Kong, Philippe Gonnet, vice-président Asie de Cotecna, une société suisse spécialisée dans l’inspection, l’audit et les tests de laboratoire.
La Chine offre en effet une accumulation exceptionnelle d’atouts : la taille du marché et, par ricochet, du nombre d’entreprises, la qualité des infrastructures, l’expertise accumulée depuis trente ans, le degré d’ouverture sur le monde, le niveau d’intégration atteint dans les « supply chain » des entreprises occidentales, la capacité à respecter les délais, etc. « Il ne faut pas considérer la Chine simplement sous l’angle des coûts de production. Il faut tout prendre en considération : ce pays reste, de manière générale, compétitif », indique Jishun Xing, directeur général de la division industrie & infrastructures de Bureau Veritas en Chine.
L’activité des prestataires tend également à augmenter en raison des exigences croissantes des acheteurs en matière de normes : qualité, sécurité, respect de l’environnement et des droits sociaux. « La norme européenne Reach en matière de substances chimiques, adoptée en 2006, est plus ambitieuse que les précédentes. Si un distributeur achète en Chine, il doit fournir la preuve que les matières premières utilisées sont sans danger pour la santé », précise-t-il.
« Les demandes des acheteurs dans le domaine du développement durable sont de plus en plus importantes », note de son côté Olivier Chalon. Au Vietnam, la grande distribution a exigé que les fournisseurs respectent la certification FSC pour le bois. « Les entreprises locales ont adopté progressivement cette norme », indique Jean-Marc Broqué. Autre exemple : un respect croissant des normes européennes qui font référence à la non-utilisation des métaux lourds dans le traitement de surface ou les alliages. Plus généralement, il y a dans ce pays, depuis deux ans, une volonté de prise en compte des normes. « C’est un phénomène nouveau et la grande distribution a joué un rôle essentiel », précise Jean-Marc Broqué. En Chine, on constate également des demandes croissantes d’acheteurs qui sollicitent les sociétés de contrôle, notamment pour vérifier des listes d’indicateurs sociaux : conformité à la réglementation chinoise en matière de salaires, conditions sanitaires, dortoirs, etc. Des chaînes comme Wal-Mart ou Carrefour demandent désormais à certains de leurs fournisseurs de donner des éléments sur l’empreinte écologique de leurs produits.
Mais la principale caractéristique de la Chine par rapport aux autres pays d’Asie réside dans le renforcement des exigences de la part de l’État. « Les grandes entreprises chinoises commencent à publier des rapports de responsabilité sociale et se font auditer par des sociétés spécialisées comme la nôtre », indique Jishun Xing. Le gouvernement chinois a également fixé des objectifs très exigeants en matière de lutte contre la pollution et d’économies d’énergies.
Daniel Solano
Qualité : une bataille dans laquelle les acheteurs ont leur part
Le respect des normes de qualité demeure l’une des principales préoccupations des acheteurs de produits en provenance d’Asie, notamment de Chine, où la situation est très disparate d’un secteur à l’autre. Il y a une prise de conscience réelle, mais il reste encore beaucoup à faire. « Il n’y a toujours pas de culture de la qualité en Chine », estime Philippe Gonnet, vice-président Asie de Cotecna, dont le siège régional est à Hong Kong. Si les fournisseurs sont généralement accusés, les spécialistes de l’inspection font remarquer que les acheteurs ont aussi leur part de responsabilité. « Une société qui passe commande doit s’assurer que le fournisseur et ses sous-traitants éventuels sont en mesure de respecter les exigences de qualité dans la durée, et ce malgré la pression en termes de délais de livraison», explique Jishun Xing, directeur général de la division industrie & infrastructures de Bureau Veritas en Chine.
C’est le cas, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un produit très spécifique ou lorsque la norme française est plus exigeante que celle de l’Union européenne. Par ailleurs, les exigences de réduction des prix peuvent conduire les fournisseurs à sacrifier la qualité, notamment lorsque les délais de livraison sont serrés. En faisant appel à leur tour, par exemple, à des sous-traitants moins respectueux des exigences en matière de qualité. « Contrairement à une idée reçue, les acheteurs ne sont pas toujours en position de force », note un expert. Les clauses des cahiers des charges, aussi précises soient-elles, ne suffisent pas. Il faut s’assurer de leur respect et le niveau de qualité peut se dégrader au fil du temps.
Certains fournisseurs peuvent, par exemple, introduire subrepticement des modifications au niveau des matériaux utilisés ou de la finition. « Les acheteurs doivent être très vigilants : il est indispensable de mettre en place un contrôle systématique et permanent de la qualité », fait remarquer un consultant spécialisé. Les sociétés qui achètent notamment en Chine n’ont pas forcément les moyens d’être présents et font appel aux consultants et aux sociétés d’inspection qui disposent de bureaux locaux. « Les Chinois sont tout à fait capables de réaliser des produits de qualité », fait remarquer Olivier Chalon, business manager au cabinet de conseil Lowendal Masaï. S’ils le veulent et, surtout, si l’acheteur veille au grain ! »
D. S.