Une filiale de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), AP-HP International, qui, à peine créée en décembre 2016, signe dès le mois suivant, fin janvier 2017, son premier contrat d’étude à l’export, en l’occurrence en Iran, à l’occasion d’une visite à Téhéran du ministre français des Affaires étrangères… S’il fallait un exemple concret de ce que peut donner l’ouverture récente à l’international de certains acteurs publics puissants de la filière française « Mieux se soigner », on n’aurait pas mieux trouvé.
Cette histoire, racontée par Didier Houssin, président de la société AP-HP International, faisait partie des quelques success-stories mises en avant le 15 mars au Quai d’Orsay lors de la soirée de lancement de la cousine de la ‘French Tech’, la French Healthcare, nouvelle marque ombrelle à l’export de la filière française de la santé. Son logo bleu-blanc-rouge est en forme de cœur et sa baseline est «L’excellence française en santé », tout un programme.
Pour ce qui sera l’une des toutes dernières opérations de la diplomatie économique tricolore de ce quinquennat, les salons d’honneur de l’hôtel de Lassay avaient fait le plein, réunissant, en présence des ministres Jean-Marc Ayrault, Matthias Fekl et Jean-Marie Le Guen –Marisol Touraine étant en déplacement aux Etats-Unis, a été représentée par sa directrice de l’offre santé-, un parterre de personnalités représentant cette très hétéroclite et vaste famille tricolore d’experts et de producteurs en matière de services de santé, de solutions d’accès aux soins, de recherche & développement, de produits pharmaceutiques et équipements médicaux, de formation, d’ingénierie, de nouvelles technologies ou encore de construction d’infrastructures sanitaires…
Avec en ‘Monsieur Loyal’, Jean-Patrick Lajonchère, le directeur général de l’Hôpital Saint Joseph à Paris nommé il y a un peu plus d’un an par le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur fédérateur de la famille prioritaire à l’export « Mieux se soigner », en remplacement de David Sourdive…
Rendre l’offre française plus visible et… compréhensible
Une marque ombrelle à vocation internationale, pour quoi faire ? « Rendre notre offre plus lisible pour aller à l’essentiel » a résumé Jean-Marc Ayrault, ceci pour lui « donner encore plus de rayonnement à l’international » a insisté Matthias Fekl. Comme pour la French Tech dans le numérique, ou Vivapolis dans la ville durable, il s’agit tout autant d’insuffler un peu plus d’esprit collaboratif dans cette filière hétéroclite afin de faire émerger des offres communes innovantes, que de donner davantage de visibilité à des acteurs jusqu’à présent dispersés. Mais les deux ministres ont insisté aussi sur le caractère public-privé de la démarche.
La santé est un enjeu de commerce extérieur en ces temps de déficit commercial aggravé : 25,8 milliards d’euros d’exportations l’an dernier pour le seul secteur pharmaceutique, avec un excédent de 3,9 milliards en hausse de 20 %. Le secteur de la santé emploie au total 400 000 personnes en France selon Marc de Gabriel, président d’Ipsen et vice-président du Comité stratégique des industries et technologies de santé (CSFITS). C’est sous l’égide de ce dernier que la French Healthcare a d’ailleurs vu le jour, en coordination avec la stratégie des familles prioritaires à l’export.
Mais le commerce extérieur et l’emploi ne sont pas les seuls enjeux : au plan mondial, la montée tout autant des classes moyennes dans certains pays émergents que des défis liés au vieillissement des populations dans d’autres pays créent de nouveaux besoins en matière de santé et autant de marchés que se disputent les grands acteurs mondiaux. Dans ce domaine, la France, qui était il y a une quinzaine d’années encore une référence, a perdu des points par manque de volontarisme.
« Ce pays s’est trop longtemps enfermé à l’intérieur de ses frontières » a résumé Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé du Développement et de la francophonie. Avec une incapacité à faire savoir la diversité et la richesse de ses expertises dans un domaine, la santé, où il a pourtant été souvent précurseur. A cela s’ajoute une difficulté à créer des ponts entre acteurs publics et privés. Bref, une offre dont la globalité était incompréhensible de l’extérieur et qui était d’ailleurs incapable de se projeter à l’international.
La tache ambitieuse de la French Healthcare, que l’on devrait voir de plus en plus sur les événements internationaux autour de la santé, sera donc de mettre de la coordination, de la coopération et de la simplicité dans tout ça.
Une association et trois axes d’action
Concrètement, la marque French Healthcare sera portée par une association éponyme en cours de constitution. Elle doit permettre de fédérer acteurs publics et privés de cette filière autour d’actions de promotion et de communication à l’international mais aussi favoriser l’émergence de projets commerciaux ou de coopération rassemblant grandes entreprises et PME. Elle est l’aboutissement de plusieurs initiatives qui ont été menées ces trois dernières années autour de trois grands axes qu’a résumés le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur :
–Favoriser la projection de l’expertise hospitalière à l’international
Le seul marché mondial des hôpitaux atteindra 37 milliards de dollars en 2018, en croissance de 11 %. La création d’AP-HP International a été rendue possible grâce à une réforme des statuts des CHU autorisant la création de filiales commerciales (loi du 6 août 2015 sur la Croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, article 177). Dans le même esprit, les pouvoirs publics soutiennent désormais des projets internationaux de l’AP-HP, l’Institut Gustave Roussy, d’Instituts hospitalo-universitaires ou encore l’élaboration de normes hospitalières menée par l’Afnor
–Promouvoir les industries de santé françaises auprès des investisseurs étrangers.
Lattractivité sera le deuxième volet important de l’action de la French Healthcare, alors qu’un cinquième des exportations pharmaceutiques françaises est assuré par des filiales de laboratoires étrangers. Un des enjeux du moment est aussi de faire revenir des essais cliniques sur le sol français : d’après Marc de Gabriel, la France est passé du 2e au 6e rang depuis 2000, pour des raisons de complications administratives.
–Fédérer les acteurs à l’étranger via des « clubs santé ».
Les « clubs santé » sont des structures souples favorisant le réseautage et les échanges entre PME et grandes entreprises, acteurs privés et publics, avec l’appui du réseau diplomatique et de Business France. Dix de ces clubs ont vu le jour depuis le lancement de la famille « Mieux se soigner » en 2013, et sous l’égide du CFSITS : Algérie, Brésil, Chine, Italie, Russie, Mexique, Corée du sud, Turquie, Pays du Golfe, Tunisie. Huit autres sont actuellement en gestation selon Marc de Gabriel, qui a d’ailleurs été à l’origine du premier « club santé » à Shanghai en 2013, administré par Ipsen et Business France.
Reste à faire décoller l’association éponyme qui portera cette dynamique naissante. Selon nos informations, les fondateurs*, menés par Jean-Patrick Lajonchère, envisagent de créer trois catégories d’adhérents avec, à chaque fois, un forfait adapté : une pour les PME, une autre pour les ETI (entreprises de taille intermédiaire) et une troisième pour les grands groupes. Objectif : atteindre très rapidement le nombre de 300 membres. Au vu de l’affluence lors du lancement, l’objectif ne devrait pas être trop difficile à atteindre.
Christine Gilguy
*Figurent sur la plaquette de présentation de French Healthcare : les quatre ministères des Affaires étrangères et du développement international, de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’Economie et des finances et des Affaires sociales et de la santé ; Business France, Expertise France, AFD, CCI International, AP-HP, MedTech, Orpea, Urgo, Bio Mérieux, Sanofi, CHU France, FHF (Fédération des hôpitaux de France), Sidiv, FHP, Leem, AP-HP International, Féfis, Gustave Roussy.
Pour prolonger :
Santé / Export : ce qu’il faut savoir de Jean-Patrick Lajonchère, nouveau fédérateur de la famille « Mieux se soigner »