Sans douleur les sanctions économiques sur la Russie ? Pas au vu de certains chiffres. La Russie, sur laquelle une avalanche de sanctions économiques et financières occidentales s’abat depuis le déclenchement de son offensive sur l’Ukraine, n’est pas un partenaire commercial secondaire ni pour les Européens, ni pour la France. Réciproquement, l’Union européenne est encore plus cruciale pour Moscou. Décryptage.
Selon les statistiques disponibles d’Eurostat, la Russie de Vladimir Poutine est, avec 174 milliards d’euros d’échanges dans les deux sens, le 5ème partenaire commercial de l’Union européenne (UE) à Vingt-sept en 2020, derrière la Chine, numéro 1, les Etats-unis, le Royaume-Uni et la Suisse.
Mais l’UE, de son côté, est le tout premier partenaire de la Russie, devant la Chine et les Etats-Unis. Son solde commercial avec l’Union est structurellement excédentaire (+16 Md EUR en 2020, + 57,2 Md EUR en 2019), ce qui est bon pour ses finances.
Dans le détail, les échanges entre les deux blocs ont souffert de la crise sanitaire en 2020, accusant une chute de -34, 5 % pour les importations en provenance de Russie et de –10 % pour les exportations européennes. En 2019, ils atteignaient 232,8 Md EUR.
Ils ont surtout pâti des sanctions qui ont suivi la première crise avec l’Ukraine et les sanctions et contre-sanctions qui ont suivi l’annexion de la Crimée en 2014, perdant près de 26 %. A cette époque, les échanges entre l’UE et la Russie étaient largement au-dessus des 300 Md EUR (313,8 Md EUR, dont 199 Md à l’import et 114,8 Md à l’export).
Pétrole et gaz contre produits manufacturés
Principales caractéristiques des échanges entre les deux blocs, leur déséquilibre en termes de contenu : l’UE importe principalement des produits pétroliers et des matières premières (64,6 % des achats à la Russie, dont 63,3 % pour les hydrocarbures, l’Allemagne étant le principal client européen), mais elle exporte massivement des produits manufacturés (87,7 %), les produits agricoles ne représentant que 8,7 %.
Si certains pays d’Europe sont fortement dépendants du gaz russe, la Russie, pour sa part, dépend d’eux pour les machines et technologies industrielles de pointe nécessaires à la modernisation de son économie.
Dans le détail, les exportations de l’UE ont atteint un peu plus de 95 milliards d’euros en 2020. Les premiers postes sont trustés par des produits manufacturés : machines (33 %), produits chimiques (17,9 %), équipements de transport (11,1 %), produits en plastique et caoutchouc (6 %)…
Quid de la France ?
Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des finances, a minimisé l’impact commercial sur la France des sanctions sur la Russie après l’annonce de la première salve. De fait, selon une note récente du Trésor, la France est en troisième position dans l’UE, derrière l’Allemagne et l’Italie, et au 6ème rang mondial, comme fournisseur de la Russie (3,5 % de part de marché dans les importations russes).
De fait, d’après les statistiques douanières pour 2021, les échanges franco-russes, déficitaires pour la France (-3,2 Md EUR en 2021), ont atteint un peu plus de 16 Md EUR dans les deux sens l’an dernier, dont 6,4 Md d’exportations françaises vers le marché russe et 9,6 Md d’importations en provenance de la Russie.
Ils ont fortement rebondi de + 48,1 % après la crise sanitaire de 2020, dont + 25,4 % pour les exportations françaises. Amputées des produits agricoles depuis 2014, ces dernières sont toutefois loin de leur niveau du début des années 2010, supérieur à 9 Md EUR (2012).
Sur le même modèle qu’à l’échelle européenne, la France importe principalement des produits pétroliers et gaziers transformés et naturels (74 %) et exporte des produits industriels manufacturés. En 2021, les cinq premiers postes d’exportation français étaient liés à l’aéronautique (27 %), la chimie (8,6 %), la pharmacie (7,7 %), les machines (6,1 %) et les cosmétiques (6 %).
Au-delà des échanges commerciaux, reste que les entreprises et les banques françaises qui ont investi en Russie devraient davantage souffrir de ce refroidissement des relations économiques avec la Russie : avec 1200 implantations de sociétés françaises (dont Société Générale via Rosbank, les industriel comme Renault, les grandes enseignes telles que Decathlon, Auchan, Leroy Merlin…) et près de 160 000 emplois, l’Hexagone est considéré comme le premier employeur étranger du pays.
Christine Gilguy