Alors que les efforts diplomatiques européens pour rapprocher Moscou et Kiev –le 26 août encore, lors de la rencontre Poutine-Prochenko à Minsk – tardent à donner des résultats concrets, les données semestrielles du commerce extérieur publiées par de nombreux pays livrent des informations intéressantes sur l’impact négatif des sanctions occidentales sur la Russie.
Rappelons que celles-ci se sont aggravées progressivement ces derniers mois à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie et de la « rébellion » pro-russe dans l’est de l’Ukraine. Elles ont provoqué, en représailles, le 7 août, un embargo russe sur les produits agroalimentaires européens, américains et japonais*.
Les exportations américaines vers la Russie ont progressé de 7,8 %
Ce que révèlent les statistiques est surprenant.
Les Etats-Unis sont en effet le seul pays occidental partie prenante des sanctions à avoir enregistré, au cours du premier semestre 2014, une progression de leurs exportations vers la Russie. Elle est même significative : + 7,8 %, à 4,3 milliards d’euros selon les données CAF-FAB de la base de données GTA-GTIS (http://www.gtis.com/english/). Les Etats-Unis, troisième pays fournisseur de Moscou, doivent cette progression en partie à une poussée des ventes des industries aéronautiques et spatiales (24 % du total), automobiles (19,6 %) et mécaniques (18,4 %).
Ceci ne devrait pas inciter la France à infléchir sa position sur le contrat des deux bâtiments de projection rapide Mistral, dont le premier doit être livré en octobre prochain et le deuxième en 2015. Il y a une règle, a rappelé Laurent Fabius le 25 août, « le contrat a été signé et payé », donc le navire doit « être livré » « sauf circonstance exceptionnelle ». Et de rappeler que Berlin a autorisé récemment la cession aux Russes d’une société pétrolière (l’énergéticien allemand RWE a cédé DEA, sa filiale dans les hydrocarbures, à des investisseurs russes).
Le ministre français des Affaires étrangères et du développement international, par ailleurs à la fois favorables aux sanctions et à la négociation avec les Russes sur leurs agissements dans l’est de l’Ukraine, intervenait lors d’une table ronde de la Conférence des ambassadeurs ouverte au public.
Fortes baisses des exportations européennes
De fait, au vu des statistiques, les Européens, eux, sont en fort recul sur le marché d’importation russe. La plupart des grands pays exportateurs membres de l’Union européenne ont ainsi enregistré un recul significatif de leurs ventes aux Russes depuis le début de l’année. Deuxième fournisseur de la Russie (15,2 Mds EUR d’export au 1er semestre), l’Allemagne accuse le coup avec des exportations en chute de 15,5 % au 1er semestre 2014.
Même tendance baissière, plus ou moins accentuée selon les pays, pour les suivants : Italie (-4,7 %) et France (-13,8 %), respectivement 4 et 5ème fournisseurs de la Russie, les Pays-bas (-25,8 %), le Royaume-Uni (-14,7 %), la Belgique (-19,5 %) ou encore l’Espagne (-7,1 %).
La tendance est la même plus à l’est de l’UE, où les premiers partenaires de la Russie que sont la Pologne et la République Tchèque enregistrent respectivement des reculs de – 8,9 % et -6,7 %.
Quant aux Japon, 6ème fournisseur de la Russie, ses ventes y sont en recul de 17,3 %.
Les sanctions russes sur les produits agroalimentaires, décrétées en août, ne devraient faire sentir leur impact statistique qu’à partir du mois d’août.
Les tensions avec l’Ukraine et les sanctions occidentales ne sont toutefois pas le seul facteur de ces évolutions : le commerce extérieur russe donne des signes de faiblesse depuis bien plus longtemps, en raison d’une situation économique marquée par une faible croissance, et rendue difficile par la conjoncture économique mondiale. Selon les statistiques disponibles, les importations russes ont ainsi reculé globalement de 9,4 % entre janvier et avril 2014, après une chute de 4,4 % sur l’ensemble de l’année 2013.
Christine Gilguy
*Relire : Agroalimentaire : l’embargo russe va profiter à l’Amérique latine et à la Chine