Pour le moment, le grand désordre attendu aux frontières avec le Royaume-Uni à la suite du Brexit et au retour des formalités douanières n’a pas encore eu lieu. Mais selon les spécialistes de la logistique et des douanes, il ne saurait tarder. Pour y échapper, il est encore temps de mettre en place des stratégies douanières comme le régime du transit, régime douanier mal connu des PME mais très recommandé avec ce pays désormais tiers.
Tombé dans les oubliettes en 1993 pour les opérateurs du commerce intra-européen avec l’ouverture des frontières intérieures de l’Union européenne (UE), le transit permet la circulation de marchandises en suspension de droits et de taxes. Suspension temporaire : les formalités de dédouanement sont reportées à l’intérieur d’un territoire douanier.
Par exemple, un conteneur venant d’un pays tiers au port du Havre effectue son dédouanement non pas immédiatement à l’arrivée mais à destination, dans un entrepôt agréé ou en se rapprochant d’un bureau de douane local.
Gros avantage de ce régime douanier : le camion passe la frontière au Havre sans s’arrêter, d’où un important gain de temps. En particulier à Calais et Dunkerque qui concentrent 40 % du flux entre la France et le Royaume-Uni.
Pour les marchandises soumises à des contrôles particuliers (produits chimiques, produits sanitaires et phytosanitaires, animaux…) il est nécessaire de se rapprocher d’un bureau douanier spécialisé qui effectuera le contrôle à l’intérieur du territoire.
Les produits de la pêche sont quant à eux tous contrôlés à Boulogne-sur-Mer : s’ils arrivent à Calais par exemple, le transit leur offre la possibilité de circuler légalement entre ces deux villes.
Un régime douanier pratique mais qui s’anticipe
Ce régime permettant plus de fluidité n’est pas pour autant une solution de dernier recours pour un camion bloqué à la frontière. Il nécessite un agrément douanier, un logiciel et une garantie (le régime du transit représentant un risque en cas de perte ou de vol de marchandises ce qui impliquerait un non-paiement des droits et taxes). Il est toujours possible d’appeler un transitaire à la rescousse, mais il risque de ne pas répondre à cette sollicitation, accaparé par l’augmentation actuelle du nombre de déclarations en douane.
En outre, c’est tout le chargement d’un camion qui doit être sous le même régime douanier. Si une palette n’est pas en transit, le camion peut être bloqué à la frontière.
Autrement dit, le transit est une solution pratique permettant un gain de temps et des économies, à condition de l’anticiper.
Les solutions pour une PME
Les grandes entreprises et toutes celles ayant l’habitude de commercer avec des pays tiers, connaissent et pratique le transit. Pour une PME, l’exercice, remis au goût du jour grâce au Brexit, est nouveau. Deux solutions s’offrent à elles : confier le transit à un prestataire représentant en douane -la france en compte beaucoup excellents professionnels-, ou le prendre en charge soi-même.
C’est par exemple ce que propose le suisse SGS, un des leaders mondiaux de l’inspection, du contrôle, de l’analyse et de la certification avec sa solution TransitNet, opportunément adaptée au Brexit.
« C’est un outil que nous avons lancé en 2004 et que nous utilisons beaucoup en Turquie et en Europe de l’Est, explique Stéphane Devaud, expert des transits douaniers et des échanges internationaux chez SGS France. Il compte aujourd’hui 14 000 utilisateurs et réalise 75 000 transits par mois. Nous avons adapté cet outil au Brexit et le proposons aux entreprises qui veulent prendre en charge elles-mêmes les formalités de transit ». A l’heure actuelle, il s’agit de la seule solution totalement dématérialisée proposée en France, selon Stéphane Devaud.
En effet, SGS peut, comme tout autre prestataire, prendre en charge les formalités mais l’entreprise propose également aux PME de les réaliser elle-même, pour un coût moindre. Il faut entre 24 et 48 heures pour créer un compte et une ou deux heures de formation pour prendre la plateforme en main. « En tout, il faut en général compter une petite semaine », précise Stéphane Devaud. Cette formule sans abonnement mensuel comprend l’accès à la plateforme TransitNet, l’agrément douanier ainsi que la garantie douanière. Le prix d’entrée est de 20 euros et dépend notamment du montant de la garantie couvrant la dette douanière.
Le calme actuel à la frontière ne devrait pas durer
Signe que la solution du régime de transit fait son chemin, SGS reçoit de plus en plus d’appels à son sujet, témoigne Stéphane Devaud qui prévoit une augmentation des blocages à la frontière d’ici la semaine prochaine.
En effet, les deux premières semaines de janvier sont en générales calmes, les Britanniques ont anticipé le retour de la frontière en reconstituant leurs stocks avant le 1er janvier, les douanes françaises et britanniques se montrent encore compréhensives et une loi britannique a permis aux camions chargés avant le 31 décembre de passer la frontière ans aucun contrôle.
Mais ce calme ne devrait pas durer. « La situation va être compliquée pendant trois mois et le flux va ensuite se réguler, en partie grâce au transit », anticipe l’expert.
Sophie Creusillet