Si certains veulent tenter de capitaliser sur la « relation spéciale » qui unit le Royaume-Uni et les États-Unis, les observateurs estiment plutôt que le retour du milliardaire aux affaires devrait conduire au rapprochement entre Londres et Bruxelles. Revue de détail dans cet article proposé par notre nouveau partenaire éditorial La newsletter BLOCS.
Le retour de Donald Trump pourrait faire office d’accélérateur de particules. Le cocktail protectionniste que le président élu promet à la planète constitue a priori une raison de serrer les rangs pour Londres et Bruxelles. À moins que le Royaume-Uni ne cherche à capitaliser sur sa « relation spéciale » avec les Etats-Unis pour tirer son épingle du jeu ?
C’est l’idée poussée par certains membres du cabinet Starmer. « La récente nomination de Peter Mandelson, un ancien commissaire européen et ancien membre du gouvernement Blair, en tant qu’ambassadeur aux Etats-Unis signale une volonté de construire une relation très positive avec Trump », relève Iain Begg de LSE.
« Trump va probablement regarder Londres de façon plus favorable que beaucoup d’autres capitales européennes, en raison de son affection personnelle pour le pays, de l’importance de celui-ci en tant que partenaire dans la défense, et du fait que les Etats-Unis affichent un surplus commercial avec le Royaume-Uni », estime pour sa part Zach Meyers du Center for European Reform.
Le président élu est en effet obnubilé par l’équilibre entre l’importation et l’exportation de biens ; or l’économie britannique est avant tout fondée sur les services. De quoi enfin laisser augurer la conclusion d’un accord de libre-échange entre Londres et Washington ?
Peu probable : « il existe toujours d’importants obstacles à des liens économiques plus forts entre ces deux blocs : les Etats-Unis souhaitent avant tout davantage d’accès au marché pour leurs produits agroalimentaires. Mais il n’y pas de consensus au Royaume-Uni pour baisser les standards agricoles », tranche Zach Meyers.
En somme, conclut ce chercheur basé à Londres, « le Royaume-Uni a bien plus d’opportunités de booster sa croissance en approfondissant le lien avec l’UE qu’avec les Etats-Unis ».
Résister à un « découplage » technologico-commercial imposé vis-à-vis de la Chine
Un dernier facteur pousse dans ce sens : l’agressivité toujours plus prononcée de la superpuissance chinoise. Certes Bruxelles comme Londres ont durci le ton face aux pratiques commerciales de Pékin, à ses atteintes aux droits humains, ou vis-à-vis de son rôle sur l’Ukraine.
Néanmoins, ni l’UE ni – peut-être encore moins – le Royaume-Uni de Starmer n’estiment avoir intérêt au « découplage » technologico-commercial que M. Trump cherchera à leur imposer. « Londres et l’UE voudront travailler ensemble pour résister aux tentatives américaines de forcer le continent à se découpler de la Chine », pronostique Zach Meyers.
« Comme l’UE, le Royaume-Uni risque d’être pris en tenaille entre la Chine et les Etats-Unis. Mais les Britanniques sont dans une posture encore plus délicate que les pays membres de l’UE », juge Georg Riekeles. Et l’ancien conseiller diplomatique de Michel Barnier à Bruxelles de conclure : « Londres ne bénéficie plus de l’aile protectrice d’un grand bloc. Se retrouver seul dans la tempête, à la dérive dans l’Atlantique, au beau milieu de la guerre que se livrent les grandes puissances commerciales, est autrement plus coûteux ».