Si, le 7 février, Matthias Fekl n’a pas « tourné autour du pot » pour présenter un bilan peu flatteur du commerce extérieur de la France en 2016*, le secrétaire d’État au Commerce extérieur s’est montré également clair et pugnace quand il s’est agi de donner sa vision des relations entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni, en réponse à une question du Moci sur les effets du Brexit.
A titre personnel d’abord, il rencontre « régulièrement Lord Price », ministre d’État au Département du commerce international britannique depuis le 16 juillet 2016. Côté européen ensuite, il a évoqué en quelques mots « la stratégie de l’UE qui est précise pour les négociations » avec le Royaume-Uni, faisant ainsi référence à la nouvelle Stratégie Globale de l’UE sur la politique étrangère et de sécurité – que la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a présentée au Conseil européen le 28 juin – visant à ce que l’UE se recentre sur ses intérêts propres. Ce que nombre d’observateurs ont défini comme un « smart power » pour remplacer un « soft power ».
Le risque que l’UE soit détricotée
En s’adressant à la presse ce jour là, Matthias Fekl était loin de dénoncer le « soft power » ou « la naïveté » qu’il reproche notamment à la Commission européenne et à l’UE dans leurs rapports avec les États-Unis. Tout en adoptant un ton mesuré, le secrétaire d’Etat a d’abord tracé ce que doit être, selon lui, la politique des États membres : « négocier ensemble », éliminer « les tentations de négocier pays par pays, seul à seul » qui aboutiraient à ce que l’UE soit « détricotée ».
Ensuite, vis-à-vis du Royaume-Uni, être clair : « On ne peut être en dehors de l’UE et bénéficier d’une situation plus favorable que les États membres ». Une situation d’égalité pour lui ne serait pas tenable, tant pour des raisons économiques que politiques. Il faudra donc inventer un «nouveau partenariat»
S’attardant sur le volet commercial, Matthias Fekl a rappelé les deux scénarii sur la table : le Royaume-Uni devient un membre de droit commun de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou conclut avec l’UE « un partenariat qui le rapproche de la Suisse, de la Norvège ou de la Turquie ». Mais, a-t-il souligné, « nous refusons toute tentative de chantage », précisant que, du côté de Londres, « sont suggérées des possibilités de rétorsion et de se tourner vers d’autres pays du monde ».
Attention au lobbying britannique
Incisif, le secrétaire d’État a aussi mis en garde le Royaume-Uni, contre une politique de chantage « s’il décide que son avenir est de se transformer en vulgaire paradis fiscal».
S’exprimant alors à titre personnel, Matthias Fekl a affirmé que « les hauts fonctionnaires britanniques qui travaillent dans les enceintes européennes n’auront plus leur place quand le Royaume-Uni aura quitté l’UE ». Et de rappeler à ceux qui l’auraient oublié que les Anglo-saxons sont particulièrement doués en matière de lobbying, le Royaume-Uni, en particulier, développant « une diplomatie d’influence » très efficace.
François Pargny
* A propos du bilan 2016 du commerce extérieur, lire sur notre site, en accès gratuit : Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016 ; Commerce extérieur / France : un panorama sectoriel inquiétant ; Commerce extérieur / France : un léger mieux à l’export dans l’UE, une baisse supérieure dans les pays tiers
Pour prolonger :
Lire au Sommaire de la Lettre Confidentielle d’aujourd’hui :
–UE / États-Unis : l’Europe doit « mettre un terme officiel aux négociations transatlantiques » selon M. Fekl
–France / Iran : comment Bercy cherche à rassurer les entreprises françaises
Et aussi :
–Royaume-Uni / États-Unis : l’US Chamber lance un “Conseil” bilatéral pour préparer l’après-Brexit
–Royaume-Uni / UE : Londres joue la carte du « hard Brexit », Bruxelles celle du « no comment »