« Quand ils parlent de la Roumanie, au lieu d’évoquer les opportunités d’affaires et l’économie, les médias français font des reportages sur les Roms dans le métro parisien », regrette Philippe Garcia, directeur du bureau d’Ubifrance à Bucarest. Une mauvaise image, encore un peu plus ternie par le contexte des affaires :
bureaucratie, désorganisation, corruption… Pourtant, membre de l’Union européenne depuis 2007, ce pays de plus de 20 millions d’habitants n’est pas une zone de non-droit. Ses performances en matière d’environnement des affaires sont moyennes, certes, mais pas catastrophiques (voir chiffres clés ci-dessous). En outre, et c’est un point rassurant pour les investisseurs étrangers, les indicateurs macroéconomiques sont au vert. « En dépit de la crise économique et de ce qui se passe en Europe, la Roumanie a été en capacité de trouver la relance », souligne Ancuta Conta, ministre conseiller au Bureau de promotion commerciale et économique roumain à Paris.
Malgré une demande intérieure en berne, la croissance est tirée à la hausse par les exportations, soutenues par une production industrielle au beau fixe et une bonne récolte en 2011. Les comptes de l’État roumain pourraient également faire pâlir d’envie nombre de pays européens. La dette publique a atteint en 2011 4,3 % du PIB, soit un peu moins que les 4,4 % exigés par le FMI. Autre point positif, la stabilité du lei par rapport à l’euro permet d’écarter le risque de change.
Terre de sous-traitance et de sourcing, en particulier dans l’automobile, la mécanique, le mobilier, le textile et l’informatique, la Roumanie bénéficie d’avantages comparatifs non négligeables. Le salaire minimum n’est que de 162 euros, le pays compte 6 millions de francophones, la main-d’œuvre a la réputation d’être bien formée et la fiscalité est on ne peut plus douce. L’impôt sur le revenu et celui sur les sociétés sont de 16 % ! Reste que la Roumanie n’est pas seulement un atelier. Elle est également, et de plus en plus, un marché de consommation.
« La Roumanie est le pays de l’Union européenne où le taux de d’épargne est le plus important », souligne Philippe Garcia. Car, après 50 ans de communisme, les Roumains ont soif de consommation. En témoigne le succès des distributeurs français Cora, Carrefour et Auchan. Des manques dans la distribution spécialisée (produits « bruns » et « blancs », bricolage, produits culturels) pourraient d’ailleurs être comblés par des enseignes hexagonales. Cette frénésie de consommation s’étend jusqu’au secteur du luxe, où les Français sont paradoxalement absents. En dehors de Louis Vuitton, il n’y a tout bonnement personne, alors que les marques italiennes pullulent. Et que nombre de sous-traitants roumains travaillent déjà pour des marques françaises comme Sonya Rykiel, Devernois, Gerard Darel ou Chevignon.
En revanche, les entreprises françaises sont très présentes dans le domaine des infrastructures, où les besoins sont énormes. « Le manque d’infrastructures et en particulier de routes est un obstacle au développement des affaires », insiste Bruno Roche, président de la chambre de commerce et d’industrie française en Roumanie (Ccifer). Les autorités roumaines ont lancé en 2007 un programme d’investissements sur six ans de 5,7 milliards d’euros, dont 4,57 milliards issus des fonds européens. Ces derniers doivent également servir à mettre aux normes européennes le système de traitement des eaux et des déchets ainsi que les centrales à charbon. « L’environnement et les énergies renouvelables sont des marchés en pleine expansion en Roumanie », confirme Bruno Roche. Cependant, pour obtenir ces juteux marchés financés par des fonds européens, il faut être sélectionné sur appel d’offres. Ce qui représente un véritable parcours du combattant. « La Roumanie a intégré l’Union européenne en 2007 alors qu’elle n’était pas préparée à mener de façon satisfaisante des appels d’offres complexes, estime Philippe Garcia. Il en a résulté beaucoup de désorganisation et de nombreux retards dans les projets. Sur 28 milliards d’euros de fonds alloués par Bruxelles, seuls 7,4 % ont pu être absorbés. » Le nouveau gouvernement de gauche, nommé après la chute du gouvernement de centre-droit en avril dernier, a promis de faire de l’absorption des fonds européens une des priorités de sa politique économique. Ce dont les milieux d’affaires se réjouissent.
La Roumanie n’est certes pas un marché facile. Mais à trop se fier à sa mauvaise réputation, les entreprises françaises, beaucoup plus frileuses que la concurrence allemande ou italienne, sont en train de se faire distancer. Alors même que les savoir-faire hexagonaux dans l’énergie, l’environnement ou l’agriculture, un secteur actuellement en pleine restructuration, sont des atouts de poids.
Sophie Creusillet
Chiffres clés
Population (millions, 2011) (1) : 21,41
Taux de croissance du PIB réel (1) : 2012 : 1,6 % (estim.) ; 2011 : 2,5 %
Revenu national/hab. en parité de pouvoir d’achat (USD, 2010) (2) : 14 290
Environnement des affaires : Classement « Doing Business 2012 » (2) : 72/183 (France : 29)
Indice de perception de la corruption (4) : 75/182
Sources : (1) Eurostat. (2) Banque mondiale. (3) GTIS-Global Trade Atlas. (4) Transparency international.