L’année dernière, nous avions évoqué la menace de faillite du géant de l’immobilier chinois Evergrande (on parle d’une dette accumulée de 1 970 milliards de yuans, soit environ 260 milliards d’euros et 2 % du PIB chinois !). Le groupe survit encore, il vient même de se lancer dans la construction de voitures électriques. Cette menace de faillite inquiète au plus haut point, d’autant qu’elle peut avoir des effets en cascade sur de nombreux acteurs économiques chinois. Ce n’est pas une véritable surprise. Nous le signalions bien avant l’arrivée de la Covid-19 : attention à l’explosion des défaillances d’entreprises dans ce pays, y compris de très gros acteurs. Une partie tient à la volonté des autorités d’assainir le marché et de faire le ménage parmi les entreprises « zombies ». Comme l’écrivait il y a quatre ans un analyste de Fitch Rating à Shanghai, les plus grosses entreprises seront peut-être sauvées car « too big to fail », mais les plus petites seront sacrifiées. Plusieurs grandes entreprises d’État sont en défaut de paiement, et le cas extrême d’Evergrande, qui est à court de liquidité et dont tous les projets sont arrêtés depuis des mois, illustre cette situation. Nous ne pensons pas qu’au final ces entreprises iront jusqu’à la faillite. Comme le disait un analyste, il n’y aura pas de thérapie de choc.Évidemment, depuis la pandémie qui a éclaté début 2020, la situation s’aggrave, même si les Chinois semblent s’en sortir un peu mieux que nombre d’autres pays : la politique de « zéro-covid», qui n’a été assouplie que début décembre 2022, continue à bloquer périodiquement l’activité de pans entier de quartiers, de villes voire de province, provoquant de plus en plus de mécontentement, comme on a pu le voir en novembre 2022 avec les manifestations populaires à Pékin, Shanghai et plusieurs autres villes du pays. Nous ne citerons ici aucune statistique sur les défaillances d’entreprises en Chine, celles disponibles nous paraissant peu fiables. Attendons-nous simplement à une hausse significative pour les deux années à venir. Pour le reste, nous ne changeons pas fondamentalement nos observations de l’an dernier. Il faut d’abord signaler que depuis plusieurs années, nous constatons une forte montée en puissance du credit management en Chine, celle-ci coïncidant avec une dégradation des délais de paiement. Rappelons qu’il n’y a aucune législation en matière de délai de paiement en Chine, pas de limite légale, donc. Les grands groupes étrangers implantés dans le pays ont été les premiers à introduire ces pratiques de credit management moderne, puis très rapidement les entreprises chinoises elles-mêmes qui, compte tenu du contexte économique, ont très vite intégré la culture « cash ». Cela se traduit par la création de nombreuses sociétés de conseil en credit management, des études publiées sur Internet, des forums… Ne pas hésiter à contacter des collègues sur place pour demander des conseils et/ou des renseignements. Par ailleurs, on ne le répétera jamais assez, si le montant de la transaction le justifie, vérifiez le pouvoir de votre partenaire ! Même si cela date un peu, rappelons qu’Intrum Justitia et Coface dès 2006 dans leurs publications, Atradius de son côté en 2012 (dans une étude intitulée Le succès de vos relations commerciales avec la Chine : 10 principes clés pour réussir), tous ces spécialistes insistent longuement sur cet aspect crucial des opérations avec la Chine. Car rappelons que, depuis 2010, une réglementation de la SAFE (State Administration of Foreign Exchange) classe les importateurs en trois catégories : A, B et C. Ceux classés C ne peuvent ni payer par avance, ni obtenir de crédits documentaires de la part de leurs banques ! Côté conjoncture, pas de changement notable, de la part des principaux assureurs-crédits, dans leur appréciation du risque chinois. Leurs analystes s’inquiètent du ralentissement en cours de l’économie et des perturbations de la production liées aux coupures d’électricité et aux perturbations persistantes des transports internationaux. Les récentes crises sociales et l’augmentation des coûts du travail ont entraîné une forte augmentation des faillites dans les secteurs du jouet et du textile. La fragilité de la trésorerie des entreprises chinoises ne va donc pas s’estomper, d’autant plus que la plupart n’ont pas accès au crédit bancaire court terme et ne peuvent que soit approcher le marché parallèle (shadow banking), soit user du crédit interentreprise, d’où les délais de paiement très longs déjà évoqués dans notre fiche.
Enfin, si le risque pays Chine demeure moyen, le risque commercial demeure, lui, très élevé. Il faut donc maintenir, selon le montant des transactions, le crédit documentaire confirmé, le plus souvent silencieusement, et le virement Swift garanti par une lettre de crédit standby(hélas, de plus en plus difficile à obtenir) ou par une assurance-crédit.
Attention ! En matière de crédit documentaire, les banques chinoises continuent à être très inventives pour les réserves, sources de délais
supplémentaires. Regarder à deux fois la rédaction des lettres de crédit et soigner la présentation des documents.
Attention également à la législation local en matière de crédit documentaire. « The Provisions of the Supreme People’s Court on Some Issues Concerning the Trial of Cases of Disputes over Letter of Credit » (en vigueur depuis le 1er janvier 2006) sont, dans certains aspects, incohérentes avec les Règles et Usances Uniformes 600 de l’ICC (International Chamber of Commerce/ Chambre de commerce internationale). L’interprétation de ces principes étant pour le moins complexe, l’ICC a publié en 2013 un excellent ouvrage : « The law of letters of credit in China », par Jin Saibo, ICC Publication No. 736, 2013.
Enfin pour terminer, un rappel important sur la clause de réserve de propriété en Chine. Si celle-ci est effectivement prévue par un article
du droit des contrats, son application pose un problème majeur : pour être réellement efficace, il faut que les deux parties résident sur le territoire chinois. Pour contourner cette difficulté, il faut soit vendre le produit à une filiale locale, soit à un agent importateur. Attention aussi à l’impact du processus de dédouanement en Chine, très long et très onéreux,
qui peut également entraîner des retards de paiement .