Malgré une embellie économique en ce début d’année, l’assureur-crédit reste circonspect sur les perspectives de croissance mondiale dans les prochains mois. Il confirme néanmoins son scénario de stagflation dans les pays avancés et de résilience dans les émergents. Dans ce contexte, il procède au reclassement des évaluations de risques de cinq pays et six secteurs.
Ne pas se réjouir trop vite. C’est la prudence à laquelle invite le baromètre des risques pays et sectoriels de Coface pour cette année et ce malgré de bonnes nouvelles sur le plan macroéconomique, notamment en Europe. Alors que cette dernière semblait promise à une inévitable entrée en récession en raison d’une crise énergétique sans précédent, la météo clémente de ces derniers mois, de confortables réserves de gaz et une baisse du coût de l’énergie ont opportunément volé à sa rescousse.
Fin janvier le Fonds monétaire international (FMI) a légèrement revu à la hausse ses prévisions de croissance pour l’Union européenne, à + 0,7 % contre + 0,5 % précédemment. En 2024, le PIB devrait progresser de 1,6 %, selon l’institution financière. A l’échelle mondiale, Coface table quant à lui sur une croissance de 1,9 %, en net ralentissement par rapport à 2022 (+ 3 %).
Les notes de risque du Burundi et de l’Inde améliorée
La perspective d’un rebond de l’économie chinoise au second semestre nourrit cet espoir de reprise. « Il ne s’agit toutefois pas de céder à un excès de complaisance, tempèrent les économistes de Coface. Les défis auxquels était confrontée l’économie mondiale l’an dernier restent d’actualité et la crise actuelle, multidimensionnelle, n’est pas près de se refermer : fragmentation géopolitique, crise énergétique, changement climatique, risques épidémiques… La transformation du monde s’accélère et sécrète des risques susceptibles de faire dérailler les scénarios « centraux » ».
Globalement, la stagflation, qui combine une croissance faible et une inflation soutenue, est toujours de mise dans les économies avancées tandis que les émergents font montre de résilience. Dans cet environnement macroéconomique en meilleur forme qu’attendu mais qui demeure fragile, l’assureur-crédit a réévalué les notes de risque du Burundi et de l’Inde et dégradé celles du Ghana, d’Haïti et du Pérou.
Du côté des secteurs, Coface a également opéré peu de changements pour le 4e trimestre 2022 (T4) : six reclassements contre aucun lors du T3 2022, et 10 déclassements (contre 49 au T3 2022) : les déclassements sont moins nombreux et les reclassements sont de retour. Ces derniers sont à chercher du côté du secteur automobile au Moyen-Orient en particulier en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, où la demande reste solide.
L’Europe, lanterne rouge des reclassements sectoriels
En Inde, les reclassements sectoriels s’inscrivent dans l’amélioration générale de l’économie du pays. En témoigne, le passage de « risque très élevé » à « risque élevé » de certains secteurs cycliques comme l’automobile ou la construction. Tous pays confondus, les TIC et la pharmacie, deux secteurs considérés comme résilients, connaissent aujourd’hui des difficultés : ils enregistrent à eux deux le plus grands nombre de reclassements.
L’Europe de l’Ouest est une fois encore la région du monde qui enregistre le plus grand nombre de déclassements (5 sur les 11 opérés au T4). « Si les perspectives de court terme ont cessé de s’assombrir, l’heure n’est clairement pas encore venue d’y effectuer des reclassements », estime l’assureur-crédit.
Reste que, la fin de l’envolée des prix de l’énergie en Europe constitue une bonne nouvelle pour les entreprises des secteurs les plus énergivores. Elle a également entraîné fin 2022 un recul mécanique de l’inflation qui a passé son pic dans la zone euro mais également aux Etats-Unis (6,5 % en décembre après une pointe à 9,1 %).
Une baisse mécanique de l’inflation au premier semestre 2023
« Au-delà de la modération des cours des matières premières, la baisse de l’inflation, s’explique aussi par la chute de la contribution des biens, avancent les économistes de Coface. Le ralentissement de l’inflation, devrait se poursuivre au 1er semestre 2023 par le simple jeu des effets de base, dans la mesure où les cours des matières premières resteront inférieurs aux niveaux enregistrés un an auparavant. »
Si la désinflation semble enclenchée la question de sa stabilisation demeure. Les banques centrales des pays développés n’ont pas complètement abandonnée un retour à l’objectif de 2 %, mais une stabilisation à un niveau plus élevé se fait jour. Un regain au cours du second semestre n’est ainsi pas complètement à exclure.
Autre source d’inquiétude pour l’économie mondiale dans les mois à venir, la reprise de l’économie chinoise pose question. La fin de la politique zéro-Covid et de ses restrictions laissaient en effet entrevoir une reprise de la consommation, notamment à l’occasion des festivités du Nouvel An chinois. Mais la flambée de contaminations qui a accompagné cette réouverture a finalement repoussé la normalisation de l’activité. Si cette dernière pourrait être amorcée au premier trimestre, quoique timidement selon Coface, il faudra attendre le trimestre suivant pour observer un rebond significatif.
Mais la relance de l’activité de l’usine du monde pourrait bien créer une nouvelle crise énergétique… et les conditions d’un retour de l’inflation.
Sophie Creusillet
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