Dans sa dernière présentation de l’évolution des risques pays dans les marchés émergents pour 2025, le cabinet français TAC Economics pointe une tendance à la hausse des primes de risque et des divergences croissantes entre les pays émergents. Avec un nouveau facteur à prendre en compte : l’impact des politiques de Donald Trump, de retour à la Maison Blanche depuis le 20 janvier.
En ce début d’année 2025, pratiquement toutes les régions émergentes du monde sont frappées par une courbe ascendante de leurs primes de risques amorcée l’an dernier, selon les indicateurs de risque pays mis au point par TAC Economics. Cette prime de risque, mesurée en points de base (pdb), est un indicateur intéressant pour les entreprises car elle donne le taux de prime de risque supplémentaire, par rapport à un pays développé comme les États-Unis ou la France, à intégrer dans le calcul de leurs marges ou du coût du risque lors de transactions avec ces pays.
En cause, le ralentissement de la demande mondiale, qui pèse même sur les cours du brut (TAC Economics table sur une baisse progressive du cours du baril de brent à 60 dollars à fin 2025 au lieu de 80 fin 2024), auxquelles s’ajoutent des crises politiques et économiques localisées, les incertitudes face aux tensions, et, depuis le 20 janvier, les politiques commerciales agressives et protectionnistes du nouveau président des États-Unis.
Comme le montre le graphique ci-dessus, la prime de risque moyenne pour l’Afrique sub-saharienne a repassé la barre des 600 points de base (pdb), soit plus de 6 %, dans le courant de l’année 2024 tandis que l’Amérique latine est repassée au-dessus des 500 pdb. « L’Afrique et l’Amérique latine ont pris 40 pdb supplémentaires sur les deux derniers trimestres » observe Vivien Massot, économiste senior chez TAC Economics. Il pointe également une « hausse des divergences entre pays émergents ».
Ainsi, mieux lotis, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) ont vu néanmoins leur prime de risque moyenne repasser au-dessus des 400 pdb, un niveau supérieur à celui de l’Asie, ascendante elle aussi, mais encore inférieure à 400 pdb. Quant à l’Europe émergente, la courbe tend à se stabiliser en-dessous des 400 pdb après avoir connu un pic au-dessus de 450 pdb après le déclenchement de la guerre de la Russie en Ukraine, en 2022 et 2023.
Signaux d’alerte avancée pour 25 pays émergents
25 pays émergents présentent des fragilités en ce début d’année 2025, avec des signaux d’alerte avancée de crise touchant leur activité économique ou leurs finances (paiements, taux de change…) : Iran, Libye, Myanmar, Mozambique, Népal, Soudan, Seychelles, Argentine, Arménie, Bangladesh, Bolivie, Brésil, Cap-Vert, République Dominicaine, Égypte, Éthiopie, Georgie, Guatemala, Kazakhstan, Koweït, Sri Lanka, Monténégro, Mongolie, Uruguay et Vénézuéla.
TAC Economics classe les pays en fonction du niveau de prime de risque de très faible à très élevé, avec à chaque fois un niveau de prime de risque :
- Très faible = inférieur à 300 pdb
- Faible = 300-450 pdb
- Moyen = 450-500 pdb
- Elevé = 600-750 pdb
- Très élevé = supérieur à 750 pdb.
Zone par zone, des pays s’en sorte mieux que d’autres.
–Afrique sub-saharienne : le Ghana, l’Afrique du Sud, l’Ouganda présentent les meilleures perspectives en termes de risque/opportunité, avec une prime de risque faible.
Tous les autres sont en risque moyen (Mauritanie, Kenya, Tanzanie, Gabon, Angola, Madagascar) à élevé (Côte d’Ivoire, Guinée, Niger, Nigeria, Bénin, Togo, Ethiopie…), voire très élevé (Burkina Faso, Mali, Sénégal, Soudan, Mozambique).
–Asie : la région présente beaucoup plus de pays en risque faible (Chine, Inde, Philippines, Indonésie, Cambodge, Vietnam…) et très faible (Corée du Sud, Thaïlande, Taiwan, Malaisie, Brunei…).
Présentent des risques moyens la Mongolie, le Kazakhstan et le Népal. Le Pakistan, Myanmar et le Laos sont à risque élevé.
–Europe émergente : sans surprise, deux grands pays restent à risque élevé, la Russie et l’Ukraine, en conflit armé. La Biélorussie est en risque moyen.
En revanche, plusieurs pays sont en risque faible à l’instar de la Turquie, de la Hongrie, de la Macédoine et de la Bosnie-Herzégovine. La Pologne, la République Tchèque, la Roumanie et la Bulgarie sont considérés comme à risque très faible.
–Amérique latine : plusieurs pays sont à risque faible dont la Colombie et le Chili.
Le Mexique et le Brésil, de même que le Paraguay et l’Uruguay sont en risque moyen tandis que le Honduras, Costa Rica, l’Equateur, le Pérou, la Bolivie et l’Argentine sont à risque élevés.
– Moyen-Orient et en Afrique du Nord : dans cette zone, Oman et les Émirats arabes unis sont considérés comme à risque très faible. L’Arabie Saoudite, l’Algérie et le Maroc sont à risque faible.
En revanche, sans surprise là aussi, Libye, Égypte et Iran sont classés en risque élevé.
Quel sera, pour tous ces pays, l’impact des politiques économiques et commerciales de Donald Trump sur leur croissance et leurs équilibres économiques ? Il est trop tôt pour le dire. Mais nous renvoyons à un précédent article la liste de ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables à ces politiques, qu’il s’agisse de politique commerciale, d’immigration ou de sécurité.
Christine Gilguy