A l’exception des États-Unis, toute la planète devra s’adapter à un ralentissement de la croissance économique. Le risque de crédit des entreprises, d’après l’assureur-crédit Coface, et la montée du protectionnisme en début d’année, vont ainsi peser sur les pays avancés, dont l’activité progressera de 2,1 % en 2018 et 2 % en 2019.
Principale victime, indiquait le 20 juin l’économiste en chef de Coface, Julien Marcilly (notre photo), l’Italie, dont les entreprises sont fortement endettées. « Compte tenu de la dégradation de leurs conditions de financement », expliquait-il, cet État membre de l’Union européenne (UE) a été déclassé en A 4 sur une échelle de risques allant du plus faible, A1, au plus élevé E.
Côté pays émergents, quatre États sont déclassés par la Coface : Inde désormais en B, Argentine, Turquie et Sri Lanka en C.
Argentine et Turquie : niveaux élevés de déficit et de dette en devises étrangères
Le plus en danger est l’Argentine, pour deux raisons : le déficit courant supérieur à 2 % du PIB en 2016 s’est depuis dégradé de 2,5 % et la part de la dette publique en devise étrangère représente près de 70 % du PIB. Sur le plan sectoriel, Coface a dégradé la construction en risque élevé et la distribution en risque très élevé.
En Turquie, le déficit courant supérieur à 2 % du PIB s’est dégradé depuis de 1,5 %, et la part de la dette publique libellée en devise étrangère représente une part d’environ 40 % du PIB. Une situation moins défavorable qu’en Argentine, qui se reflète néanmoins dans la distribution, secteur déclassé en risque très élevé, tout comme celui des technologies de l’information et de la communication (TIC).
La dépréciation de la livre turque et l’augmentation des loyers liée à la hausse mécanique du dollar, la montée des impôts et la diminution des revenus réels, sans compter l’inflation à deux chiffres et l’accès au crédit plus difficile, sont nuisibles à la distribution. En ce qui concerne les TIC, les causes sont de trois ordres : ralentissement de la demande intérieure, recul des marges bénéficiaires, faiblesse de la structure de capital des entreprises.
Oman et la Malaisie reclassés grâce à la remontée du brut
Globalement, dans les économies émergentes, le risque de change touche tous les secteurs, mais à des degrés variables. L’agriculture et surtout les mines sont peu impactées. Quant à l’énergie, le contexte est favorable avec la remontée des prix du baril de brut, Coface prédisant un niveau de 70 à 75 dollars le baril en moyenne annuelle.
Si cette évolution n’est pas bonne pour des pays à déficit courant et importateurs nets d’or noir, en revanche, deux pays exportateurs vont en profiter, Oman et la Malaisie, que Coface a reclassé respectivement en B et A3.
L’énergie a également été reclassée dans cinq pays : États-Unis, désormais en risque faible, Canada, Émirats arabes unis, Arabie Saoudite et France, en risque moyen.
Les métaux impactés en Chine et au Canada
« La guerre commerciale affecte d’ores et déjà le secteur TIC en Chine et la métallurgie », annonce encore l’assureur-crédit. Le protectionnisme des États-Unis s’intensifiant, les exportations de produits high tech du plan Made in China 2025 sont ciblés, ce qui explique le déclassement des TIC chinois en catégorie risque élevé.
Enfin s’agissant des métaux, le secteur connaît un rebond aux États-Unis et les producteurs américains accueillent avec enthousiasme la décision de Donald Trump d’imposer des taxes de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium importés sur leur marché domestique. Du coup, les États-Unis, soutenus par une économie qui devrait croître de 2,7 % cette année, quittent la catégorie risque élevé pour celle de risque moyen.
A l’inverse, l’évaluation du risque pour le secteur de la métallurgie du Canada, dont 87 % des exportations sont dirigées vers son grand voisin, passe d’élevé à très élevé.
Des menaces sur l’automobile
Au niveau mondial, « il faudra suivre l’évolution du secteur automobile », a confié au Moci Julien Marcilly. Les récentes attaques du président américain contre l’automobile européenne, et particulièrement allemande, suscite de nombreuses inquiétudes.
Est-ce que le président américain tiendra compte du fait qu’il s’agit d’une filière avec une chaîne de valeur mondiale. Puisqu’il vise les produits Made in Germany, se contentera-t-il d’imposer le haut de gamme ? Mais s’il devait, par exemple, imposer un taux de 25 % à l’entrée de tous les véhicules sur le sol américain, le rebondissement serait planétaire.
François Pargny
Pour prolonger :
–Risques pays / Export : les défaillances se stabilisent, le risque de crédit revient
–Risques pays / Export : les risques politiques gâchent l’embellie mondiale, selon Coface
–Risque pays / Export : Credendo s’inquiète de l’augmentation des risques politiques