Dans son dernier bulletin*, le département de la Recherche d’Allianz Trade publie une analyse des pays émergents risquant des dépréciations ou dévaluations de leur monnaie à court terme. Des pays sur lesquels les exportateurs devront redoubler de précaution dans leurs transactions.
Malgré une amélioration du contexte monétaire et financier l’an dernier, sept grands pays émergents continuent à présenter des risques de change très élevé : Argentine, Égypte, Kenya, Nigeria, Pakistan, Tunisie, Turquie. Ils continuent à souffrir, pour des raisons différentes selon les cas, de graves déséquilibres de leur balance des paiements et de faibles réserves de change. Leurs monnaies sont donc exposées à court terme à des risques de dépréciation, voire de dévaluation, et, au passage, leurs États présentent des risques importants de défaut sur leur dette extérieure en devises.
Pour la plupart de ces pays, ce n’est pas une surprise, ayant ces derniers mois été déjà confrontés à de tels évolution. Le Kenya, le Pakistan et la Turquie ont été confrontés à de fortes dépréciations de leurs monnaies ces derniers mois, tandis que l’Argentine, l’Égypte et le Nigeria ont dû procéder à des dévaluations.
« Le risque de liquidité reste élevé dans ces économies compte tenu de la poursuite des sorties nettes de capitaux et du bas niveau de leurs réserves de change » note Allianz Trade. Et ces pays restent « très sensibles aux sorties de capitaux, en particulier en cas de retournement des conditions de financement assouplies, déclenchant une fuite soudaine vers la sécurité », explique Allianz Trade. Quatre autres pays sont, dans une moindre mesure, également exposés à de tels phénomènes : Chili, Hongrie, Roumanie et Afrique du Sud. D’autres encore montrent des signes accrus de fragilité : Angola, Bangladesh, Bolivie, Myanmar.
Fin janvier début février, alors que l’écart des taux de change atteignait 60 % entre le cours officiel et le cours sur le marché informel, le Nigeria a d’ailleurs été le premier de l’année 2024 à devoir dévaluer sa monnaie, le naira (NGN), de près de 25 %, le cours officiel s’établissant autour de 1540 pour 1 USD une semaine après. Pas sûr que cela suffise à stabiliser la situation, la production d’hydrocarbure, principale source de recette d’exportation du Nigeria, étant encore inférieur de son potentiel.
De la même manière, plusieurs autres grands pays émergents voient les écarts entre le taux de change officiels et le cours officieux atteindre des sommets : la livre égyptienne (100 %), le kyat de Myanmar (65 %), le peso argentin (37 %) et le taka du Bangladesh (7 %) : autant de signes d’une grande fragilité de ces monnaies, qui risquent une dévaluation à court terme. Malgré l’effort des autorités boliviennes pour endiguer le marché des changes informel, le boliviano reste également exposé, selon Allianz Trade.
Risque élevé de défaut souverain pour 33 pays
D’une façon générale, un bon indicateur de la fragilité des monnaies des pays émergents est le risque de défaut sur la dette publique libellée en devises. Allianz Trade a élaboré, à partir de divers indicateurs, un score de risque allant de 1 à 100, du pire au meilleure. On retrouve dans le top 33 des pays les plus exposés à un tel défaut, la plupart des pays cités précédemment (voir ci-après)
Score de risque de soutenabilité de la dette publique
(Public debt sustainability risk score)–Ghana : 6,4 / 100
–Argentine, Biélorussie, Éthiopie, Liban, Mozambique, Russie, Sri Lanka, Suriname, Ukraine, Venezuela, Zambie : 10 /100
–Kenya : 14,1
–Malawi : 15,2
–Pakistan : 20,8
–Bahreïn : 21,7
–Laos : 22,3
–Égypte : 22,5
–Jordanie : 25,9
–Afrique du Sud : 26,4
–Rwanda : 30,3
–Tunisie : 30,5
–Ouganda : 36,4
–Costa Rica : 37,8
–Sénégal : 38,4
–Angola : 38,6
–Bangladesh : 41,9
–Côte d’Ivoire : 42,3
–Gabon : 42,4
–Rép. Dominicaine : 42,8
–Bolivie, Panama : 42,9
–Turquie : 43,5Source : Allianz research, bulletin 8 février 2024
Au total, en ce début d’année 2024, parmi les 30 pays les plus exposés à un défaut sur leur dette publique, la moitié sont en Afrique, cinq sont en Amérique latine, quatre en Asie et trois au Moyen-Orient et en Europe de l’Est.
C.G
L’intégralité de cette note est disponible sur le site d’Allianz (en anglais) : cliquez ICI.