Confrontées à des tensions financières importantes, amplifiées par la réduction des marges, en raison des surcapacités de production industrielle, d’une diminution de la demande et d’une concurrence accrue ces dernières années, le comportement de paiement des entreprises en Asie-Pacifique ne s’est pas amélioré en 2015. C’est ce que révèle Coface dans sa dernière enquête annuelle, publiée le 2 juin.
Menée auprès de 2 793 entreprises implantées dans huit pays d’Asie : Australie, Chine, Hong Kong, Inde, Japon, Singapour, Taïwan et Thaïlande, l’enquête du groupe d’assurance-crédit étudie l’évolution du comportement de paiement des entreprises dans 11 secteurs*.
Quatre secteurs en particulier ont été concernés par la dégradation des retards de paiement, c’est-à-dire tout paiement effectué au-delà du terme convenu contractuellement : la construction, les équipements industriels et électroniques, l’automobile et les transports et enfin les métaux.
Construction : des retards supérieurs à 90 jours
L’enquête montre que le secteur de la construction a été le plus exposé aux risques de retards de paiement dans la région Asie-Pacifique en 2015, bien que les entreprises sont moins nombreuses (72,5 % contre 76,8 % en 2014) à déclarer avoir fait face à des retards de paiement. « Ce secteur, souligne Coface, affiche le plus grand nombre d’entreprises dont le chiffre d’affaires est concerné par les retards prolongés supérieurs à 90 jours et une hausse de leur montant ».
Pour 2016, les perspectives du secteur « devraient rester sombres », estime le spécialiste de l’assurance-crédit. Selon Coface, en effet, les difficultés liées au ralentissement économique chinois, associées aux réformes structurelles et aux incertitudes autour du calendrier de la hausse des taux d’intérêt américains vont probablement peser sur les perspectives économiques de la région. Ces difficultés affectent en effet les investissements privés et le pouvoir d’achat des ménages. Toutefois, nuance Coface, le contexte de faibles taux d’intérêt dans la région pourrait soutenir les intentions d’achat. Les projets d’infrastructures publiques pourraient également aider le secteur de la construction.
Équipements industriels et électronique : près de 80 % des entreprises affichent des retards de paiement
Le secteur des équipements industriels et de l’électronique a concentré le plus grand nombre de sociétés ayant accusé des retards de paiement l’an dernier (78 % contre 70 % en 2014). « Une nouvelle année difficile s’annonce pour ce secteur », prédit Coface, qui constate que « le segment des équipements industriels est pro-cyclique » et prévoit que « la demande va probablement rester en berne en raison d’une faible croissance des échanges commerciaux, du rééquilibrage de l’économie chinoise vers les services et des faibles dépenses en capital sur fond de « japonisation » de l’économie mondiale ».
En parallèle, la baisse de l’inflation, voire la déflation, va probablement peser sur les prix et faire chuter les marges bénéficiaires. « Ainsi, d’après l’étude, il ne serait pas surprenant de voir certaines entreprises utiliser des stratégies défensives de fusions et acquisitions pour renforcer leur position concurrentielle ».
Automobiles et transports : les délais se prolongent
Quant au secteur de l’automobile et des transports, il a enregistré une dégradation importante des retards de paiement en 2015 par rapport à 2014, avec un nombre accru d’entreprises affichant une hausse des montants dus (35 % contre 31 % en 2014) et des retards prolongés (23 % contre 14 % en 2014). Cependant, la demande devrait profiter de l’augmentation des revenus de la classe moyenne et de faibles taux d’intérêt locaux. En outre, une hausse de la demande chinoise (liée à une baisse des impôts sur les véhicules à moteur de 1,6 litre ou moins entre le 1er octobre 2015 et fin 2016) sera bénéfique pour le secteur cette année.
Métaux : un secteur toujours à « haut risque »
La métallurgie, secteur à risque élevé, n’a pas connu d’amélioration en 2015 et continuera à rencontrer des difficultés. Dans ce secteur, non seulement, les entreprises interrogées, ayant fait face à des retards de paiement, étaient plus nombreuses l’an dernier (68,5 % contre 64,7 % en 2014), mais l’étude observe également une hausse notable (40,3 % contre 34,6 % en 2014) du pourcentage d’entreprises concernées par une augmentation des montants dus en 2015. Parallèlement, 20,1 % des entreprises sondées (contre 19,9 % en 2014) ont affiché en 2015 des retards de paiement de longue durée dont le montant représentait plus de 2 % de leur chiffre d’affaires, tandis que pour 5 % des sociétés (4,4 % en 2014), ces retards comptaient pour plus de 10 % de leur chiffre d’affaires.
Les perspectives de Coface sont négatives pour 2016 en raison d’une demande chinoise et mondiale modérée, de surcapacités notables et de faiblesse des prix liée au déséquilibre du marché. « La restructuration de ce secteur devrait commencer en 2016, avec la fermeture d’entreprises sidérurgiques « zombies » en Chine et l’intensification des activités de F&A (fusion-acquisition) ».
Inde, Chine et Singapour : économies les plus touchées par les retards de paiement
En ce qui concerne les pays les plus affectés par les retards de paiement en Asie, l’étude révèle qu’en Inde, 32 % des entreprises sondées (contre 24 % en 2014) ont enregistré l’an dernier des retards de paiement dont le montant était supérieur à 2 % de leur chiffre d’affaires.
En Chine, le comportement global de paiement des entreprises « est resté préoccupant », juge Coface. En effet, 80 % des sociétés sondées ont déclaré être concernés par des retards de paiement et 21 % ont constaté un allongement de la durée moyenne des retards supérieurs à 90 jours, soit la durée la plus longue de la région. En plus des problèmes non-résolus d’endettement et de surcapacités dans de nombreux secteurs d’activité, les pressions à la baisse sur la devise chinoise et la volatilité des marchés boursiers sont parmi les inquiétudes qui planent sur le marché chinois en 2016.
À Singapour, Coface note une hausse sensible des retards prolongés qui concernent plus de 2 % du chiffre d’affaires (35 % contre 23 % en 2014). Par ailleurs, un plus grand nombre d’entreprises a constaté un allongement de la durée moyenne des retards à plus de 90 jours (14 % contre 10 % en 2014) et une hausse des montants dus (49 % contre 35 % en 2014). Singapour, qui est le « hub » asiatique des géants des matières premières, est désormais touché par la baisse de leur prix et par la montée des incertitudes pesant sur l’économie mondiale.
Japon, Hong Kong et Taïwan : les comportements de paiement se stabilisent
A contrario, au Japon, l’expérience de paiement des entreprises est restée relativement stable. Les Abenomics semblent s’essouffler, comme le prouvent le recul des indicateurs cycliques dans la distribution et les exportations industrielles au premier trimestre et l’indice des prix à la consommation en baisse de 0,3 % en glissement annuel. Coface reste prudent dans sa prévision de croissance de 0,5 % pour l’économie japonaise en 2016, comme en 2015.
Hong Kong a pour sa part adopté une approche d’accès au crédit plus stricte en 2015. « Les ventes à crédit sont moins fréquentes (69,4 %, contre 76,8 % en 2014) et leur durée moyenne se réduit légèrement », analyse Coface. « Par conséquent, l’expérience globale de paiement des entreprises locales est stable », note l’étude. Mais, prévient le groupe Coface, « compte tenu du rapprochement économique en cours entre Hong Kong et la Chine, il est clair que tout « choc » économique chinois peut avoir un impact sur la croissance de Hong Kong ».
Enfin, l’étude montre qu’à Taïwan, l’expérience de paiement des entreprises locales s’est améliorée avec des retards supérieurs à 90 jours qui ont diminué (11,8 % contre 21,2 % en 2014). L’étude observe également une diminution des retards dont le montant est supérieur à 2 % du chiffre d’affaires (10,2 % contre 15,1 % en 2014). « La reprise économique aux États-Unis et dans la zone euro devrait atténuer les effets néfastes des problèmes chinois sur l’économie de Taïwan, fortement dépendante des exportations », prédit la société d’assurance-crédit.
Globalement, pour 2016, Coface ne prévoit pas d’amélioration de la situation des paiements en Asie.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez en fichier PDF ci-joint l’enquête de Coface (en anglais) sur les tendances de paiement des entreprises en Asie
Pour prolonger :
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