Économiquement, politiquement, la Turquie semble avoir perdu un peu de son aura. « La croissance n’est pas mauvaise autour de 3 %. En revanche, les entreprises sont endettées et la devise est très sensible à la situation internationale.
Les risques sont particulièrement forts depuis six mois et, en septembre dernier, Coface a rétrogradé la Turquie, l’évaluation du risque pays étant passée de A4 à B sur une échelle allant de A 1 à D, le risque le plus important », explique au Moci Yves Zlotowski, chef économiste de la Compagnie française d’assurance crédit export (Coface).
D’après l’assureur crédit français, la dépréciation du taux de change de la monnaie turque pèse et les secteurs les plus tournés vers le marché intérieur n’ont plus les capacités de paiement nécessaires, ce que traduirait l’élévation du nombre de factures contestées et de chèques sans provision. Dans son dernier panorama sur la Turquie, en date de janvier 2015 (voir fichier joint), deux secteurs ou segments sont classés à « très haut risque » : immobilier et métaux ferreux-acier. Dans le bâtiment, remarque Seltem Iyigün (notre photo), économiste en charge de la région Afrique du Nord-Moyen-Orient (Mena), il y a un écart croissant entre l’offre et la demande de logements. Et ce, d’autant plus que le perte de confiance des consommateurs nuit à la demande.
L’automobile ralentit sur le marché intérieur
Deux secteurs, chimie et électricité-électronique-TIC, sont considérés comme des activités à « haut risque » et cinq autres, alimentation, papier, textile-habillement, automobile et commerce de détail placés dans la catégorie des « risques moyens ». Activité phare, l’automobile ne semble pas devoir ralentir quant à ses exportations. En revanche, des freins aux ventes sur le marché intérieur ont été posés (hausse des taux d’intérêt…). Seul domaine figurant dans la classe « risque modéré », la pharmacie, qui constitue un gros marché dans le pays relativement à sa population et son revenu par habitant. Toutefois, note Seltem Iyigün dans le panorama régional, « le haut niveau de concurrence entraîne une pression sur les prix, qui nuit à la rentabilité des entreprises ».
Les sociétés turques sont très vulnérables à la volatilité des taux de change, mais Seltem Iyigün pense qu’une reprise modérée de la demande intérieure au premier trimestre 2015 pourrait avoir « un effet positif sur leur rentabilité ». Aujourd’hui, Coface avance le chiffre de 3,5 % pour la croissance du produit intérieur brut (PIB) cette année.
Risque politique : élections législatives et réforme constitutionnelle
La hausse du PIB atteindrait 3,1 % en 2014. L’économiste en charge de Mena est, toutefois, inquiète aussi des risques que font peser sur la Turquie certains évènements extérieurs (économiques, géopolitiques…) et internes, comme les élections législatives de juin prochain.
Mais au plan politique, le plus préoccupant réside peut-être plus dans l’utilisation que pourrait faire le pouvoir de la Constitution. « L’AKP a la légitimité politique, puisqu’en août le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a été élu président, observe Yves Zlotowski. En revanche, il n’est pas sûr que la réforme constitutionnelle voulue par ce dernier pour introduire le régime présidentiel soit votée. D’abord, parce que le président a besoin d’étendre sa majorité et que les relations sont mauvaises avec les partis kurdes. Ensuite, parce que la jeunesse urbaine a fait preuve de son activisme lors de manifestations très importantes l’an dernier, reprochant notamment au régime son autoritarisme croissant ». De nouvelles manifestations « ne peuvent donc être exclues dans le futur », juge ainsi l’économiste en chef de Coface.
François Pargny
Pour prolonger :
–Risque pays : Coface reclasse l’Espagne et déclasse la Turquie et la Russie
–Ingenico innove en Turquie pour développer son marché
Et aussi :
notre dernier Atlas des risques pays, qui passe en revue les risques de non paiement dans quelque 110 pays.