La croissance économique est
« robuste » dans les pays émergents, ont expliqué, le 20 mars, deux
responsables de Coface (notre photo), Yves Zlotowski, chef économiste, et
Julien Marcilly, en charge du risque pays chez l’assureur crédit français, lors
d’une conférence de presse sur « les transformations du risque pays
émergent ». « Nous anticipons même une hausse de cette croissance
cette année », a indiqué Julien Marcilly, pointant notamment la Chine (où
la croissance passerait de 7,8 % en 2012 à 8,5 %), l’Inde (6 % au lieu de 4,1 %
l’an dernier) et le Brésil (+ 3 % contre 0,9 %).
L’Asie
émergente (7 % prévus en 2013 au lieu de 6,2 % l’an passé) en particulier demeure le moteur de
l’activité mondiale. Pour autant, les nations émergentes « se
transforment ». Et, dans leur évolution, apparaîtraient des faiblesses. Les
experts de Coface y identifient ainsi trois types de risque : le premier à
court terme, qui est « un protectionnisme rampant » ; le
deuxième à moyen terme (3 ans), qui est « le crédit bancaire
excessif » ; et le troisième à long terme, qui est une instabilité
politique et sociale qui, parfois, augmente.
« De fait, les économies
sont plus protégées depuis la crise de 2008. Il y a un recours croissant aux
contrôles des capitaux et au protectionnisme commercial, ce qui peut être un
problème pour les pays exportateurs et se traduire par un allongement des
délais de paiement », expose Julien Marcilly. A cet égard, « la
Russie, l’Argentine et, dans une moindre mesure, l’Inde sont de loin les plus
protectionnistes, alors que le Mexique, l’Afrique du Sud et la Turquie restent
relativement ouverts au commerce international », d’après Coface.
Le Brésil est relativement bien classé
Parmi les mesures de protection
prises, peuvent être cités l’accès privilégié des entreprises locales aux
marchés publics en Inde, les quotas d’importation en Argentine et en Russie,
des taxes à l’importation en Argentine. « Ce que nous savons, constate Julien Marcilly, c’est que dans les années 30 des décisions de protection temporaire
sont finalement devenues pérennes ».
Or, d’après les estimations du
fournisseur indépendant de données Global Trade Alert (GTA), seules 21 % des
mesures appliquées par les 20 premières puissances mondiales (G20) depuis 2008
auraient été supprimées. Résultat : 10 % des importations du G20 seraient
touchées. Cependant, pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce chiffre est
moindre, de l’ordre de 4 % Au demeurant, l’OMC estime que les effets sur le
commerce sont limités. Elle prévoit ainsi, avec + 4,5 %, une croissance des
échanges mondiaux supérieure à celle de 2012 (2,5 %).
« Pour les Russes, le
protectionnisme est justifié par le fait que leur industrie est, certes,
importante, mais aussi fragile », délivrent les experts de Coface. Pour
autant, leur pays a un besoin considérable d’infrastructures et de technologie
en provenance de l’Occident. En l’occurrence, Moscou devra rapidement trouver
des solutions pour exploiter des zones pétrolières plus difficiles d’accès, qui
requièrent des technologies avancées.
Dans le panorama des pays
émergents protectionnistes dressé par Coface, le Brésil ne figure pas en tête
de tableau, mais en milieu, derrière l’Indonésie et juste devant la Turquie. Répondant
au Moci, qui s’étonnait de classement relativement favorable, le responsable du
risque pays a indiqué que le géant d’Amérique latine avait compensé certaines
restrictions par d’autres mesures plus favorables au commerce. Brasilia a, par
exemple, augmenté de 30 % une taxe sur les ventes de véhicules au contenu local
inférieur à 65 % pour tenter de juguler l’afflux de voitures importées. Le
gouvernement a également accordé des exonérations fiscales aux industries les
plus concurrencées par les importations, comme le textile.
Indonésie et Turquie, « deux pays intéressants »
Selon Yves Zlotowski, l’Indonésie
et la Turquie sont « deux pays intéressants ». « L’Indonésie,
qui revient de très loin, rappelle-t-il, possède aujourd’hui un régime de
croissance solide. Son alternance politique s’est plutôt bien passée et, si la
corruption y est endémique, la mise en place d’une commission pour la combattre
a déjà frappé de grands coups ».
Quant à la Turquie, « qui a
subi une crise majeure en 2001, se souvient le chef économiste de Coface, elle
a réussi son alternance politique, puis réalisé de gros efforts
institutionnels, même si sa politique de crédit est trop dynamique. Enfin,
malgré les problèmes de l’économie européenne, elle a réussi un atterrissage en
douceur de sa propre économie ».
Dans les années futures, le défi de la Turquie est de renouveler
l’alternance politique. Or, le parti au pouvoir AKP – comme l’ANC en Afrique du
Sud aux affaires depuis l’accession de la communauté noire aux affaires – n’a
pas d’opposition politique crédible.
Risque politique en Afrique, Russie… de crédit bancaire en Asie
Un risque politique et social
existe donc. « En Afrique du Sud, il y a eu de fortes manifestations dans
les mines. En Inde, c’est contre la corruption et la violence faite aux femmes
que la population se révolte », remarque Yves Zlotowski. Et de noter
encore des « phénomènes d’imitation », comme en Russie, « où les
manifestants se sont inspirés de ce qui s’était passé dans les Etats du
printemps arabe ».
Selon le chef économiste de
Coface, « les régimes ne sont pas aussi stables et les sociétés civiles ne
sont pas aussi passives que l’on croyait ». Outre l’Afrique du Nord et le
Moyen-Orient, les pressions aux changements sont notables en Russie, mais
aussi au Kazakhstan, au Venezuela, en Chine et au Nigeria.
La Chine présente aussi un risque
de bulle de crédit. Mais en fait c’est l’ensemble de l’Asie émergente qui est
concerné, plus particulièrement la Malaisie et la Thaïlande, mentionne Coface.
Même si le risque n’est pas immédiat, mais à moyen terme, il faut surveiller,
insistent Yves Zlotowski et Julien Marcilly. D’après le Fonds monétaire
international (FMI), un épisode de bulle financière sur trois aboutit à une
crise.
François Pargny
Pour en savoir plus
Consulter le fichier joint :
communiqué de presse de Coface