« Il y a aujourd’hui comme une opposition entre pays avancés et émergents, surtout parce que la situation se détériore dans les émergents. Et si chez ces derniers la croissance est supérieure à ce nous avions prévu précédemment, c’est une hausse en trompe l’œil, la récession étant moindre en Russie et en Brésil », a expliqué l’économiste en chef de Coface, Julien Marcilly (notre photo), à l’occasion de la présentation de la révision trimestrielle risque pays de l’assureur crédit export, le 18 septembre à Paris.
De façon concrète, la croissance économique mondiale devrait s’établir à 2,6 % en 2015 et 2,9 % l’année suivante, les émergents conservant sur les pays avancés une longueur d’avance avec + 3,5 % cette année et + 4,2 % l’an prochain. Même si la santé du Brésil ne devrait pas aussi mauvaise en 2016 (prévision de croissance : – 0,5 %) qu’en 2015 (- 2,5 %), le géant sud-américain « est très malade », a souligné Julien Marcilly. Après avoir mis ce pays sous surveillance négative en mars dernier, Coface vient ainsi de le déclasser de A (meilleure évaluation sur une échelle qui en compte 7) à B.
Choc de confiance et risque de destitution de Dilma Rousseff
Le Brésil est rétrogradé pour plusieurs raisons. D’abord, le boom des matières premières, dont il a largement profité à l’export, s’est arrêté brutalement. La demande et les cours ont baissé drastiquement et le pays possède « une moindre compétitivité hors matières premières », selon l’économiste en chef de Coface. Pire, le moteur de la croissance économique, la consommation, ne tient plus depuis le début de l’année et « la dynamique de ces derniers mois dans la consommation surprend par l’ampleur de la baisse », a précisé Julien Marcilly. L’inflation est maintenant à près de deux chiffres et la dette des ménages est assez élevée, au point que le service de cette dette est supérieur à celle des États-Unis avant la crise des subprimes.
Enfin, il y a le choc de confiance. La présidente Dilma Rousseff se trouve dans une situation politique délicate et pourrait même être destituée sur fonds d’affaire de corruption à la compagnie pétrolière Petrobras. Dans ce contexte, on ne se demande comment le gouvernement à court terme pourrait trouver des solutions au redressement économique. D’autant qu’introduire des réformes structurelles paraît impossible au moment où le chef d’État brésilien semble de plus en plus isolé.
Equateur, Trinité Tobago, Chili également rétrogradés
Trois autres pays d’Amérique latine sont déclassés par Coface : Equateur, qui chute de B avec surveillance négative à C, Trinité Tobago, de A 3 à A 4, et Chili de A2 à A 3. « Tous sont dépendants des matières premières et sont peu diversifiés », a commenté Julien Marcilly. Des perspectives négatives ont encore été attribuées à la Malaisie, évaluée qui souffre du ralentissement chinois et du recul des cours des matières premières. De même pour l’Arménie, classée en C, notamment parce qu’elle dépendant des transferts des travailleurs expatriés en Russie. Quant à la Tunisie, elle conserve son évaluation B donnée en mars, mais la surveillance positive qui l’accompagnait est levée, « le pays devant sans doute entrer en récession, après les attentats qui s’y sont produits, pesant notamment sur le tourisme ».
François Pargny