C’est la conséquence de la montée du crédit interentreprise au niveau mondial et cela à un coût : le besoin en fonds de roulement (BFR) s’accroit, fragilisant la trésorerie de certaines entreprises. Telles sont les principales tendances mises en exergue par Allianz Trade dans son étude annuelle sur l’évolution du BFR et du DSO (Days sales outstanding ou délai de paiement moyen) dans le monde, deux indicateurs clés des credit manager.
Face à la hausse des taux d’intérêt et la plus grande frilosité des banques, il semble bien que le crédit interentreprises ait pris le relais en matière de financement court terme des entreprises. Ainsi, avec un BFR en augmentation de deux jours en moyenne au niveau mondial, à 76 jours, soit la troisième hausse consécutive, et un DSO moyen en progression de 3 jours, à 59 jours, l’année 2023 affiche, selon Allianz Trade, un nouveau record pour les délais de paiement BtoB et les besoins de financement des entreprises dans le monde. D’après l’étude, une entreprise sur cinq dans le monde paye ses fournisseurs à plus de 90 jours…
Côté BFR, malgré des différences en termes de dynamisme de croissance, la tendance est généralisée dans toutes les zones économiques, y compris en Asie-Pacifique (APAC).
« Globalement, la moitié des pays de notre échantillon affichent une hausse du BFR en 2023, et deux sur cinq franchissent la moyenne mondiale, notamment la France (+5 jours) et l’Allemagne (+5) en Europe de l’Ouest, et la Chine (+3) et le Japon (+3) en APAC, détaille Maxime Lemerle, Responsable des études défaillances chez Allianz Trade, cité par le communiqué. Le BFR a atteint 81 jours fin 2023 en APAC (+2 jours), 69 jours en Europe de l’Ouest (+1 jour) et 70 jours en Amérique du Nord (+1 jour). Par ailleurs, 34% des entreprises ont enregistré un BFR supérieur à 90 jours de chiffre d’affaires au 4 ème trimestre, contre 32% et 36% respectivement au 4 ème trimestre 2021 et au 4 ème trimestre 2022 ».
Quant au DSO, autrement dit le délai de paiement moyen, sa progression est, selon l’assureur-crédit, « la plus forte hausse depuis 2008 », presque du double de celle enregistrée en 2022. D’après l’étude, au niveau mondial, 42 % des entreprises affichent des délais de paiement de plus de 60 jours fin 2023 et la plupart des secteurs analysés par l’assureur-crédit ont été touchés par une hausse de leur DSO moyen.
« En Europe, cette part était conforme à la moyenne mondiale, tandis qu’elle était supérieure en Asie (46 %) et inférieure en Amérique du Nord (33 %), développe Maxime Lemerle. Néanmoins, la quasi-totalité des 22 secteurs que nous suivons ont vu leur DSO augmenter en 2023. Une surabondance de stocks a également poussé le BFR à la hausse dans les secteurs du matériel de transport (114 jours de chiffre d’affaires), de l’électronique (114) et des machines et équipements (113), suivis par le textile, les produits pharmaceutiques, les métaux et les produits chimiques – tous avec un BFR supérieur à 90 jours ».
Débat autour de l’opportunité d’une réduction du délai obligatoire en Europe
Pour l’assureur-crédit, cette tendance devrait alimenter le débat autour de la nouvelle réduction des délais de paiement que veut imposer l’Union européenne par voie réglementaire pour lutter contre les retards de paiement, et qui ne fait pas l’unanimité parmi les commentateurs.
La proposition initiale de la Commission européenne fixait à 30 jours obligatoire le délai de paiement légal, au lieu des 60 jours « recommandés » dans le cadre en vigueur. Le Parlement européen a ajouté une possibilité d’extension à 60 jours dans un cadre contractuel (et 120 jours pour des secteurs spécifiques). Or, selon Allianz Trade, en Europe, la rentabilité est , plus que les cycles économiques ou le financement, le premier facteur d’évolution des délais de paiement. Et elle est sous pression actuellement face au ralentissement économique mondial alors que les coûts d’exploitation restent élevés.
« Nous constatons qu’une baisse de la rentabilité de 1 point de pourcentage pourrait augmenter les délais de paiement de plus de 7 jours, estime Ano Kuhanathan, Responsable de la recherche sectorielle chez Allianz Trade. Avec un resserrement de la rentabilité qui se profile en 2024, les entreprises européennes devraient s’attendre à des délais de paiement plus longs. Cela pourrait accroître la pression sur les flux de trésorerie et potentiellement augmenter le risque de non-paiement dans la région ».
Autrement dit, la période actuelle se prêterait au contraire, selon l’assureur-crédit, à plus de flexibilité. D’après Allianz Trade, pour réduire les délais de paiement de 60 actuellement à 30 jours en Europe, les entreprises auraient besoin de 2000 milliards d’euros (Md EUR) de financement supplémentaire qui, au coût du crédit actuel, se traduirait par des frais d’intérêt de quelque 100 Md EUR et une perte de marge de 2 points. De quoi « mettre en péril la compétitivité des PME européennes en poussant les entreprises à se tourner vers des fournisseurs situés en dehors de l’UE » estime Ana Boata, directrice de la Recherche économique chez Allianz Trade.
Reste à savoir comment inciter les entreprises, et notamment les grandes, à ne pas reporter sur leur fournisseurs, en particulier PME et TPE, leur besoin en fonds de roulement, une cause fréquente de difficultés de trésorerie, voire de dépôt de bilan…
C.G
L’étude est disponible (en anglais) sur le site d’Allianz Trade : cliquez ICI