L’année 2016 va-t-elle être marquée par un retour à une situation de risque client élevé un peu partout dans le monde ? Le fait est que pour la première fois depuis six ans, Euler Hermes anticipe une hausse, certes modérée -+2 %- des défaillances d’entreprises dans le monde, hausse qui se poursuivra en 2017.
Il s’agit d’un des principaux enseignements du dernier « Economic Insight » publié le 2 mai par le service de la recherche économique de l’assureur-crédit. Il s’agit d’un changement notable de la tendance globale du risque client après plusieurs années de recul des défaillances au niveau mondial ( -6% en 2015, – 14 % en 2014…). Mais à court terme, ce sont les effets en chaîne des faillites de grandes entreprises qu’il faut peut être le plus craindre.
Attention aux « effets de second tour » des faillites de grandes entreprises
Ils figurent en bonne place parmi les trois principaux facteurs qui pèsent sur la tendance, selon l’assureur-crédit :
– Le premier est le faible taux de croissance depuis quelques années -en dessous de 3 %/an- avec 2,5 % cette année, après 2,6 % l’an dernier. Les pays développés feront 1,8 % cette année tandis que les émergents peineront à compenser avec 3,6 % globalement. « 70 % de l’économie mondiale sera en ralentissement ou en récession » pronostique Euler Hermes.
-Deuxième facteur explicatif : les « effets de second tour » des chocs subits par certains secteurs (chute des prix de certaines matières premières, incluant le pétrole, ralentissement chinois) : aux Etats-Unis, le secteur de l’énergie est en grande difficulté en raison de la chute des prix du pétrole et les faillites sont nombreuses (10 entreprises totalisant 8,5 milliards-Mds USD de chiffre d’affaires-CA ont fait faillite en 2015, 6 cumulant 3,4 Mds EUR de CA ont subi le même sort au Canada…). Par ailleurs, la sidérurgie chinoise paye ses surcapacités et le transfert des aides d’Etat vers la R&D et les PME (faillite de Sinosteel, qui affichait un CA de 26 Mds EUR).
-Enfin, troisième phénomène : les conséquences à venir des grosses faillites, Euler Hermes estimant qu’un « effet domino » est « imminent ». Ainsi, le nombre de faillites d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions EUR a fait un bond de 60 % l’an dernier, passant de 95 en 2014 à 152 en 2015. Ces grandes sociétés, qui totalisaient 87 Mds EUR de CA – 25 réalisaient individuellement plus de 1 Md EUR de CA- risquent d’entraîner dans leur sillage nombre de fournisseurs, les « non stratégiques » étant en première ligne.
En Chine, le délai de paiement est en hausse à 87 jours
Par grande zones géographiques, c’est dans les zones émergentes que la progressions des défaillances est attendue la plus forte en 2016 par Euler Hermes : + 13 % en Asie-Pacifique (et + 7 % en 2017), + 17 % en Amérique latine (et +13 % en 2017).
En Asie-Pacifique, c’est le ralentissement chinois qui pèse sur la tendance : on y attend pas plus de 6,5 % de croissance cette année, et 6,4 % en 2017, alors que les défaillances d’entreprises feront un bond de 20 % cette année (après déjà + 24 % en 2015) et 10 % en 2017. En Chine, le délai de paiement est en hausse à 87 jours en moyenne en 2015, soit 11 jours de plus qu’en 2012, relève Euler Hermes. « Les hubs qui font office de prestataires de services pour la Chine et les exportateurs de matières premières sont les plus exposés au processus de rééquilibrage engagé par ce pays » observe l’assureur-crédit ». D’où de fortes progression de défaillances attendues à Taiwan (+17 %), Singapour et Hong kong (+ 15 %), Australie (+12 % après +22 % en 2015). Une stabilisation est cependant attendue cette année en Corée du Sud et au Japon, avant une hausse modérée, en 2017, des défaillances.
En Amérique latine, la récession explique la hausse généralisée des défaillances, avec la chute des prix des matières premières exportées et la dévaluation de la plupart des monnaies. Le Brésil est dans une situation jugée « préoccupante » par Euler Hermes, avec une forte augmentation des faillites anticipée (+ 22 % en 2016, +25 % en 2017 ). « Les grandes entreprises, qui sont les plus exposées au commerce international, sont les plus exposées » estime l’assureur-crédit qui précise que les défaillances de grandes entreprises a doublé l’an dernier (280) alors qu’elles n’augmentaient que de 18 % chez les PME.
L’Europe de l’Ouest seule zone épargnée par la remontée des défaillances
Dans les pays développés, l’Amérique du nord, en particulier les Etats-Unis, est la plus touchée : » Pour la première fois en 6 ans, les défaillances d’entreprises américaines devraient croître de +3%, tirées par les secteurs de la métallurgie et de l’énergie, qui ont représenté la moitié des faillites d’entreprises cotées en 2015 « , analyse Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. A noter que parmi les 79 sociétés cotées en bourse aux Etats-Unis qui ont déposé le bilan en 2015, 40 proviennent sur secteur de l’exploitation minière, pétrolière et gazière…
Au delà des facteurs conjoncturels -le ralentissement de la croissance et la hausse des taux créent aussi un environnement moins favorable- , après la purge des années d’après crise de 2008-2009, les Etats-Unis retrouve un niveau de défaillances proches de leur niveau naturel.
L’Europe de l’Ouest, en revanche, enregistrera une nouvelle baisse des défaillance : -5% en 2016 puis -3% en 2017. » Le nombre annuel de défaillances demeure supérieur aux niveaux d’avant-crise dans 11 des 17 pays européens, nuance toutefois Ludovic Subran. Un optimisme prudent reste donc de mise, dans la mesure où l’augmentation du risque de défaut de paiement dans les pays émergents pénalise les exportateurs « .
Dans la zone euro, les entreprises devraient bénéficier d’un regain de croissance (+ 1,6 % en 2016, + 1,7 % en 2017) et de l’injection par la Banque centrale, jusqu’à mars 2017, de quelque 1700 Mds EUR pour lutter contre la déflation.
Principaux facteurs explicatifs de cette embellie des défaillances d’entreprises en Europe de l’Ouest : la reprise, même timide, du secteur de la construction, qui se traduit par une baisse des défaillances (-17 % au dernier trimestre 2015), et le rebond du secteur des transports, dopés par la chute des prix des carburants, dont la part dans les coûts du secteur est passée de 28 % à 22 % entre 2014 et 2015 (chute des faillites de 15 %).
Par pays, des baisses fortes du nombre de faillites sont anticipées cette année en Espagne (- 10 %), Irlande (-10 %), Portugal (-9 %) et Italie (-8 %). Elles seront plus modérées en France, Belgique et dans les pays nordiques, « en phase avec la moyenne régionale ». En France, ce repli des faillite est attendu à – 3 %, mais leur niveau restera « cependant 30 % au-dessus du niveau d’avant-crise ».
Une stabilisation -0 à moins de 1 %- des défaillances « à des niveaux très bas » est par ailleurs attendue en 2016 en Autriche, Allemagne et au Royaume Uni. A noter qu’en cas de « Brexit », les faillites pourraient croître de 5 % au Royaume Uni en 2017 (contre + 3 % si le pays reste dans l’Union européenne).
Seuls la Suisse et la Grèce ont enregistré des hausse importantes du nombre de défaillances en 2015, avec respectivement + 7 % et + 8 %. La Suisse paye l’appréciation du franc suisse, qui a réduit la compétitivité de ses exportateurs. La Grèce, elle, continue à souffrir d’une récession qui, en 2015, a été de -0,3 % et est attendue à -0,6 % cette année. Pour les deux pays, la hausse des faillites est prévue à + 3 % en 2016.
Christine Gilguy
Pour en savoir plus :
L’étude complète d’Euler Hermes est en ligne sur www.eulerhermes.com