Promouvoir la « Mobility Valley » des territoires d’ Île-de-France et de Normandie et ses innovations dans les véhicules du futur : telle est la mission du pôle Nextmove. L’accompagnement à l’international fait partie de ses leviers, avec une priorité à la collaboration et aux missions collectives.
C’est une imposante berline blanche qui passerait relativement inaperçue dans un flux de voitures sur n’importe qu’elle autoroute française s’il n’y avait le logo du pôle de compétitivité dédié à l’automobile « Nextmove » bien en évidence sur le capot avant et ceux des sociétés innovantes partenaires sur les portières latérales. Nextcar, le nom de code de cette Mégane du futur, est en réalité un démonstrateur grandeur nature, bourré de nouvelles technologies innovantes dont il doit, justement, démontrer la fiabilité technique et la pertinence d’usage.
C’est par exemple le système de branchement automatique à une borne de recharge électrique conçu par la startup Gulplug : la démonstration a déjà convaincu au moins un client. C’est aussi l’ARGObox, un coffre de toit modulaire bourré de capteurs pour collecter toute sorte de données utiles à des systèmes d’assistance à la conduite conçu par une autre startup, Aladin. L’équipement est personnalisable, plug&play, indépendant du type de véhicule, étanche à l’eau et à la poussière, certifié…
Nextcar, outil vitrine dont le pôle Nextmove s’est doté il y a un an, est l’un des leviers utilisés pour inciter ses PME membres à collaborer pour mutualiser les coûts et promouvoir leurs innovations auprès de clients potentiels. « Nous avons pris en charge la création de ce véhicule démonstrateur avec l’objectif d’y intégrer des innovations de nos membres et de les exposer » relate Marc Charlet, directeur général de Nexmove.
Né pour promouvoir la « Mobility Valley » d’Île de France et de Normandie, complètement tournée vers les transitions écologiques et énergétiques en cours qui bousculent la filière, le pôle, que préside depuis juin Philippe Prével, vice-président de Renault en charge des carburants alternatifs, est membre de la Plateforme automobile française (PFA). Il compte près de 600 membres actifs, dont beaucoup ont leur siège dans d’autres régions. Les Michelin, Renault ou Faurecia y côtoient ainsi PME et startup. Pour être membre, outre appartenir à la filière, il suffit d’avoir des activités en Île de France ou en Normandie.
Le démonstrateur a été financé avec le soutien de l’Ademe et de la Région Normandie. Le principe est que le pôle prend en charge son stockage et sa maintenance, les PME et startup qui y intègrent leurs innovations s’acquittent d’une somme modeste, s’occupent d’intégrer leurs technologies et assurent le support technique. Nextcar sert ensuite de vitrine dans des événements scientifiques ou commerciaux auxquels le pôle participe ou lors de la visite de délégations étrangères.
« Le développement international fait partie de nos missions »
Difficile de dire ce que représente l’international dans les activités des membres où les grands noms de l’industrie côtoient des jeunes pousses et dont la préoccupation principale, à l’heure actuelle, est de ne pas rater le virage de la transition vers les énergies décarbonées -électrique, hybride, hydrogène…-, le développement du numérique et les applications d’usage de l’intelligence artificielle.
Le pôle estime représenter 25 % de la filière mobilité & automobile française. L’automobile a pesé en 2022, 48,3 milliards d’euros à l’export avec un déficit commercial de 20 milliards.
« Les accompagner dans leur développement international fait partie de nos missions » indique Marc Charlet. Avec deux principaux niveaux d’intervention : leur faciliter l’accès aux dispositifs européens d’aides à l’innovation, qui qui s’ajoutent ainsi aux appels à projets nationaux ou régionaux français, et organiser des missions collectives sur les grands événements internationaux.
L’an dernier, selon les chiffres clés de Nexmove, les projets qu’il a accompagnés ont obtenu un total de 23 millions d’euros de financements européens et 50 % des projets que le pôle labellise obtient un financement, européen ou national. « Les dispositifs européens de financement sont une bonne porte d’entrée en Europe. Ils permettent aussi de trouver des partenaires » explique Marc Charlet, qui dispose d’un représentant à Bruxelles chargé d’effectuer une veille permanente sur les programmes et les appels à projets gérés par la Commission européenne.
Commencer par l’Europe est d’ailleurs le premier conseil que le dirigeant de Nexmove donne aux PME désireuses de s’internationaliser, lorsqu’elles n’ont pas la chance d’être directement embarquées par les grandes entreprises qui ont investi dans leur projet d’innovation ou dont elles sont des sous-traitants.
Pour le « grand international », Nexmove organise des missions collectives sur de grands événements internationaux du secteur, congrès scientifiques ou salons, le plus souvent avec Business France, dans le cadre du pavillon national, ou dans le cadre de missions.
Les exemples ne manquent pas, telles que la mission effectuée à Istanbul en mai dernier dans le cadre du projet Reciprocity dont Nexmove est partenaire, mais aussi des participations collectives dans de grands salons comme le CES de Las Vegas (électronique grand public), EVS de Sacramento (symposium mondial sur les véhicules électriques et hybrides), IAA d’Hanovre (véhicule utilitaire), sans oublier les salons français à vocation internationale comme le Mondial de l’automobile ou Equip’Auto : autant de grands rendez-vous à l’agenda du pôle.
Pour Marc Charlet, la France dispose de nombreux atouts dans cette transition mais la collaboration sera une clé pour permettre à la filière de basculer tout en restant sur le territoire français et européen. « Pour pouvoir ancrer la valeur en France et en Europe, il faut pouvoir industrialiser les solutions en Europe », estime-t-il.
Batteries, électronique de puissance, recharge, matériaux, intelligence artificielle, l’Hexagone ne manque pas de compétences dans ces domaines, d’autant plus qu’en matière de décarbonation de l’industrie, elle est aussi bien placée : « il faut prendre en compte le cycle complet des produits, y compris le recyclage, et calculer leur véritable empreinte carbone. Et la France est bien placée grâce au nucléaire » estime le responsable.
Besoins de financement
Reste les besoins de financement alors que la filière est « très bousculée » actuellement par l’accélération de la transition. « C’est un vrai sujet pour nos membres, qui ont besoin de financements, publics et privés, indique Marc Charlet. On a de beaux projets qui ont du mal à se financer ».
Alors que l’annonce du nouveau plan export du gouvernement se fait attendre -elle serait envisagée le 28 août-, Marc Charlet note que « les chèques relance export ont bien marché » auprès des membres de Nextmove mais qu’il faudrait un nouveau petit coup de pouce. « L’État aide beaucoup, mais assez peu à l’export » constate-t-il. Pour l’heure, l’agenda international du second semestre est déjà bien rempli : l’IAA en Allemagne à la rentrée, puis le Tech Show Paris et le Smart City de Barcelone en novembre.
Christine Gilguy