Beaucoup de bons sens et de pragmatisme ressortent des dix recommandations contenues dans le livre blanc des Conseillers du commerce extérieur (CCE) remis le 20 octobre à Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement chargé de France 2030, à l’occasion d’un symposium des CCE à Lyon consacré à ce plan de réindustrialisation. L’enjeu : réussir son volet export, mis en œuvre dans le cadre du nouveau plan export, et en amplifier l’impact.
Pour Sophie Sidos, présidente des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), « nous avons avec le plan France 2030 une opportunité extraordinaire pour redresser notre balance commerciale et de faire de la France une championne de l’économie verte dans le monde », car « l’export commence en France ». Ainsi a-t-elle résumé la philosophie de la démarche entreprise par les CCE, hommes et femmes d’affaires bénévoles au service du commerce extérieur, pour apporter leur contribution particulière à la réussite du plan « Osez l’export » d’Olivier Becht, et à l’une de ses mesures phares : la mise en place du volet international à France 2030, pour laquelle une convention a été signée entre Business France et le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), le 3 octobre dernier.
D’où l’élaboration de ce livre blanc et de ses dix propositions, auquel près de 500 Conseillers auraient contribué selon leur Comité national (Cnccef). « La pierre angulaire de notre stratégie est notre volonté, avec les pouvoirs publics, d’améliorer la coordination entre les différents acteurs, dont la TFE [Ndlr : Team France Export], en assurant la représentativité et la participation des CCE, qui sont des femmes et des hommes de l’entreprise, dont l’expertise du terrain est indispensable dans l’action économique internationale de la France car nous devons chasser en meute » souligne de son côté Patrick Baruel, président de la Commission France du Cnccef.
Remis solennellement le 20 octobre à Bruno Bonnell, le patron du SGPI, ce livre blanc, qui plaide pour une association plus grande des CCE à la mise en œuvre de ce volet international -ils demandent par exemple à être associés au jury des appels à projets de France 2030 (proposition n°5) ou à être associés à l’accompagnement des entrepreneurs via du mentorat-, contient aussi de nombreuses idées de bon sens (liste complète à la fin de l’article).
Simplifier le parcours administratif
C’est le cas des propositions n°1 et n°4, qui concernent la simplification des parcours administratifs pour les candidats à des dispositifs d’aides, autrement dit qu’ils soient référencés une bonne fois pour toute pour ne pas avoir à redonner les mêmes informations à chaque fois qu’ils candidatent à un dispositif, qu’il relève des aides à l’export ou des aides à l’innovation.
Autre exemple : la proposition n°5, qui demande à intégrer dans le descriptif des appels à projets une rubrique sur le potentiel international du projet.
D’autres recommandations visent à aller plus loin dans la stratégie de coordination avec la stratégie de réindustrialisation et d’accompagnement des porteurs de projet. C’est le cas de la proposition n° 2 qui suggère de créer une « carte d’attractivité des territoires », en fonction de leurs atouts sectoriels, ou de la proposition n°9, qui plaide pour un bonus au recrutement de VTE issus de la diversité et suggère la création d’un VTE senior.
Les CCE veulent aussi saisir cette occasion pour pousser la coopération grands groupes/PME et d’inciter au développement de stratégie de consortium. C’est le sens de la proposition n° 3, sur une bonification de 20 % des subventions accordées au consortium formés dans le cadre de stratégies de filière, mais aussi de la proposition n°6, sur l’utilisation des capacités des grands groupes pour accompagner les startups dans la durée, y compris par des participations gratuites à des salons.
Enfin, les CCE suggèrent d’aller aussi plus loin dans la valorisation du Made in France (proposition n°7) et plaide pour la création d’un véritable « label » France 2030, pour désigner, à l’international, l’offre français issue d’industries « vertes ».
Alors que Business France et le SGPI planche sur la structuration du futur parcours d’accompagnement à l’export des lauréats de France 2030, qui doit être opérationnel début 2024, ces propositions arrivent à point nommées. Lors du symposium de Lyon, outre Bruno Bonnell, étaient également présents Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France, Olivier Vincent, directeur exécutif Export chez Bpifrance et des représentants des pouvoirs publics de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
C.G
Les dix propositions des CCE sur le volet international de France 2030
1ère proposition : intégrer les lauréats sans avoir à refaire de dossier dans différents programmes d’accompagnement pour l’export (Team France Export, Business France, CCE, douanes, INPI) et d’accélérateur (BPI Excellence/Accéléré, ETI’ncelles) et d’aide au processus de décarbonation avec mise en place d’un accompagnement coordonné, mesuré, et à effets démultiplicateurs sur la chaîne de valeur.
La mesure a pour but d’accélérer le processus d’exportation de ces innovations, contribuant ainsi au renforcement de la position des entreprises françaises à l’international, qu’elles soient start-ups, PME, ETI ou Grands Groupes, en abordant les sujets sous un angle systémique (innovation, industrialisation, transition écologique) et avec un accompagnement adapté dès le début du projet.
2ème proposition : mettre en place une carte d’attractivité des territoires pour développer les synergies et amortir plus efficacement les investissements communs nécessaires sans essaimer n’importe où dans les territoires mais en choisissant des territoires avec les ressources adaptées à la filière : énergie, eau, talents, transport, flux vers l’export, etc.
Simple pour les investisseurs qui recherchent un cadre clair répondant à leurs contraintes, un accès à une main d’œuvre formée, une ressource propre compatible avec leurs besoins et dont le prix est maîtrisable et maîtrisé dans le temps, et des flux d’export rapides, le tout dans un environnement lisible.
3ème proposition : valoriser les projets France 2030 labelisés par des contrats stratégiques de filières et inciter, par une bonification de 20% du taux de subvention accordée, les consortiums d’entreprises issues du CSF vertical et du CSF Solutions industries du Futur et validés par l’un des 55 pôles de compétitivité.
La bonification pour la mise en place de consortium par filière est un enjeu de souveraineté. Cela contribue à ce que les investissements restent sur le territoire national ou européen, que les compétences et talents se consolident dans des domaines stratégiques, et que la balance commerciale s’améliore en réduisant les importations. C’est renforcer les liens entre grands groupes, PME, ETI et startups.
4ème proposition : supprimer la « barrière à l’entrée » de la gestion administrative pour les start-ups & PME en simplifiant et harmonisant les dossiers types de candidatures à appels à projet ou financement (Ademe, Bpifrance, Régions…). Mise en place d’outils de pré-évaluation de l’éligibilité des candidatures. Identifier un guichet unique en proximité (en région) pour conseiller les candidats.
La simplification des procédures permet de lever une “barrière à l’entrée” pour les startups et PME qui recèlent d’un énorme potentiel pour l’export.
5ème proposition : introduire dans les appels à manifestation d’intérêt une rubrique liée au potentiel des projets à l’international. Les jurys doivent inclure des Dirigeants/Ambassadeurs de l’international comme les CCE.
Soutenir l’internationalisation des entreprises pour améliorer la compétitivité tant technologique que commerciale et notre force de négociation dans les accords commerciaux de libre-échange.
6ème proposition : accompagner les startups/PME pour en faire des champions à forte croissance en utilisant les capacités des grands groupes, en les labélisant et leur offrant 3 ans de support, salons gratuits à l’international et en les rendant plus visibles sur les réseaux / plateformes digitales du gouvernement.
Simplifier, assurer et financer l’export des champions en devenir, c’est s’assurer la pérennité dans le temps des entreprises du territoire et donc des emplois créés, les rendre visible c’est renforcer la marque France.
7ème proposition : valoriser et soutenir les services et projets industriels directs ou indirects qui s’engagent sur une chaîne de valeur française et vertueuse en s’appuyant sur la French Fab, la French Tech, les entreprises du patrimoine vivant, la French Touch, la French Care, origine France garantie, et en les faisant mieux connaître à l’international. Créer un label type EPV [entreprise du patrimoine vivant] pour les sous-traitants qui ne disposent pas d’outil industriel propres, mais qui s’engageraient à ne travailler qu’avec des entreprises françaises et EPV.
Mise en avant du savoir-faire et de l’excellence française, accroître la notoriété des entreprises vertueuses et exemplaires, renforcer la souveraineté de la France sur des chaînes de production stratégiques pour la nation.
8ème proposition : créer un label France2030 pour amplifier le rayonnement international des acteurs français de l’économie verte qui respectent les critères de mieux vivre et mieux produire.
Le savoir-faire français dans l’industrie verte doit s’exporter beaucoup plus grâce à un meilleur accès aux financements, à la création de consortium et à une promotion institutionnelle et le label répertoriera les acteurs innovants et pertinents, les opportunités internationales et les programmes de soutien associés mais ne recevant pas obligatoirement de subventions.
9ème proposition : doubler l’assiette pour les salaires des personnes issues de la diversité ou majorer la subvention pour les projets respectant un index de diversité (sexe, social) ou valoriser par tout autre moyen la prise de VTE [Volontariat territorial en entreprise] dans les projets #France2030. Mettre en place un VTE senior.
Accompagner l’intégration et le rapprochement vers l’emploi de populations en situation sociale plus difficile couplé avec une immigration choisie peut s’avérer vertueux, notamment sur des métiers aux compétences plus rares ou en recul.
10ème proposition : Donner accès à des ressources décarbonées et compétitives sur de longues durées aux lauréats France2030 dans l’esprit des accords ARENH pour les industries énergo-intensives.
Donner accès aux industriels à des contrats de fourniture d’énergie décarbonée de long terme – a minima 5 ans – et compétitif afin de soutenir les investissements durables, notamment de production, qui permettent de soutenir leur compétitivité, leur relance de l’export et leur décarbonation.