« À l’été 2014, l’Amérique latine a connu un ralentissement de la croissance, mais la demande interne redevient vigoureuse », a informé Noé N’Semi, économiste de Coe-Rexecode, le 26 juin, en marge de la troisième édition des « Rencontres Amérique latine » organisée par la CCI Paris Ile-de-France.
Des pressions inflationnistes persistent, notamment en Argentine, au Venezuela et au Brésil. La volatilité des monnaies a contribué à l’évolution d’un environnement des affaires défavorable. « La dévaluation du pesos argentin, a expliqué l’économiste, a provoqué un vent d’instabilité et une volatilité des matières premières au Chili.» Sur les dix-huit derniers mois, les prix à la consommation se sont envolés en Amérique latine. Le Chili a connu une augmentation des prix des denrées alimentaires.
En 2013, trois pays avec une inflation sous contrôle ont présenté des croissances dynamiques supérieures à 4 % : le Pérou (5 %), le Chili (4,1 %) et la Colombie (4,1 %) tandis que la croissance du PIB a été plus modérée au Venezuela (1,1 %), au Brésil (2,3 %) et en Argentine (3 %).
Des taux de croissance plus élevés que les États-Unis et la zone euro
S’agissant des exportations, celles-ci se sont maintenues en 2013, en effet, le ralentissement de la demande interne, du fait de l’inflation, a freiné les importations. Près de la moitié des biens exportés vers l’Europe sont des biens primaires tandis que la quasi totalité des biens exportés par l’Europe vers l’Amérique latine sont des biens industriels.
« L’Amérique latine reste une région dynamique et stable. Moins affectée par la crise, elle a connu en 2013 des taux de croissance plus élevés que les États-Unis et la zone euro », rappelle l’économiste qui constate un recul de la précarité et une augmentation du niveau de vie. « Il y a eu des réformes structurelles dans les années 90 et 2000 », explique Noé N’Semi. Celles-ci ont conduit à la stabilité financière. La demande interne dynamique a été soutenue par l’émergence d’une classe moyenne. Et d’ajouter que, de plus en plus de multinationales viennent s’implanter en Amérique latine. Parmi les autres atouts de la région relevés par l’économiste figurent entre autre des ressources naturelles abondantes, l’afflux de capitaux étrangers et l’émergence d’une classe moyenne.
Une fiscalité complexe
Les aspects fiscaux du commerce entre l’Union européenne (UE) et l’Amérique latine ont été abordés par Victoria Alvarez, avocate fiscaliste qui a dressé un panorama des aspects fiscaux de la région. « Les règles fiscales en Amérique latine sont différentes des règles européennes », a indiqué Victoria Alvarez.
Au Brésil, la taxe qui concerne les exportateurs est la taxe ICMS (Imposto sobre circulação de mercadorias e serviços). Cet impôt est applicable sur des opérations relatives à la circulation de marchandises et sur les services de transport nationaux, municipaux et communaux.
Le régime fiscal brésilien est complexe avec un trois systèmes de TVA : fédéral, municipal et étatique. À cela s’ajoute des taux disparates :
– Les taux pour les livraisons de biens entre États peuvent s’élever à 7 % ou 12 % selon les États impliqués.
– Les taux pour les importations et opérations internes varient d’un État à un autre. Exemple : à São Paulo (25 %, 18 %, 12 %, 7 %, 4 %) contre (40 %, 27 %, 19 %, 12 %, 7 %) à Bahia.
L’Argentine présente un impôt fédéral (contrairement à l’ICMS). La TVA argentine frappe les livraisons de biens et les prestations de service dans leur ensemble tandis que l’ICMS brésilien grève seulement certains biens et services.
La taxe sur la valeur ajoutée au Mexique (IVA – Imposta sul Valore Aggiunto) est fédérale, le régime étant unifié sur tout le territoire national. L’IVA mexicain présente un taux unique : 16 % et 11 % (régime dérogatoire, pour certaines opérations réalisées dans les États frontaliers). Sont redevables de l’impôt les personnes réalisant des opérations taxables, dont importations, même à titre occasionnel (sans droit à déduction).
Un « Helpdesk » Mercosur pour les PME européennes
Paolo Baldan, d’Eurochambres, a présenté le « Mercosur & Chile IPR SME Helpdesk » un nouvel outil en ligne (http://www.mercosur-iprhelpdesk.eu/) mis à la disposition des PME européennes. Ce « bureau d’aide » vise à faciliter l’accès au marché du Mercosur et Chili pour les PME européennes intéressées ou déjà opérationnelles dans la région par le biais d’une meilleure connaissance du système et des droits de propriété intellectuelle.
Le Helpdesk fournit une assistance technique et un support aux PME à travers un service en ligne (Helpdesk Service). Les PME peuvent contacter ce bureau pour avoir des conseils sur les droits de propriété intellectuelle et leur application via un portail multilingue pour les questions relatives à la protection, l’exploitation et l’application des droits de propriété intellectuelle. Ce dispositif fournit des services d’information personnalisés et confidentiels, et une réponse dans les cinq jours, disponible dans les cinq langues (anglais, français, allemand, espagnol, portugais) du Helpdesk.
Ce bureau d’aide s’adresse en priorité aux PME européennes, aux organisations européennes d’appui aux entreprises et aux PME et organisations professionnelles du Mercosur et du Chili.
Venice Affre
Témoignage : Émeline Bréant, responsable Amérique latine de Laboratoire Innotech International
« La plus grosse difficulté reste la contrainte réglementaire »
Le groupe pharmaceutique français Laboratoire Innotech International, filiale de l’entreprise Innothéra, spécialisé dans la conception et la commercialisation de produits de santé pour les pathologies quotidiennes, réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’export dans plus de 100 pays sur tous les continents.
« On s’est développé à travers des partenariats, car il n’est pas possible d’avoir des filiales et des bureaux de représentation commerciale dans le monde entier », a témoigné Émeline Bréant, responsable Amérique latine de Laboratoire Innotech International, lors de la table-ronde intitulée « Quelle tactique de développement commercial » organisée en marge des Rencontres de la CCI Paris Ile-de-France. L’entreprise de santé dispose, en effet, de 11 bureaux en Europe de l’Est, zone russophone et Afrique subsaharienne, mais en Amérique latine, Laboratoire Innotech International noue des partenariats exclusifs de distribution et d’importation. « Nous avons signé notre premier partenariat avec le Paraguay, il y a 50 ans », signale Émeline Bréant. Le laboratoire travaille avec des partenaires locaux qui grâce aux produits du laboratoire français développent, en contre-partie, leur portefeuille de produits.
Le laboratoire est soumis à des contraintes réglementaires dans le secteur pharmaceutique. « La plus grosse difficulté reste la contrainte réglementaire », affirme Émeline Bréant. La réglementation varie d’un pays à l’autre en Amérique latine. « Il y a de fortes disparités au niveau réglementaire », souligne-t-elle.
« Le Pérou, au niveau réglementaire, c’est notre bête noire, il nous a fallu quatre ans pour avoir un refus ! », illustre Émeline Bréant. Et d’ajouter : « Pour démarrer à l’export, il ne faut pas s’attaquer aux plus gros tout de suite. Nous passons au travers de partenaires qui connaissent les marchés pour nous aider à nous développer ».
V. A.