Après un peu moins d’un an de travail et 43 auditions, la commission d’enquête du Parlement européen (PE) sur le scandale des tests tronqués portant sur les émissions polluantes de voitures diesel, surnommé le ‘dieselgate’, a rendu ses conclusions le 28 février. Dans un rapport adopté à une très large majorité – 40 voix pour, deux contre et deux abstentions – les eurodéputés mettent directement en cause les États membres et la Commission européenne pour avoir fermé les yeux sur l’utilisation de logiciels frauduleux conçus pour diminuer artificiellement les émissions de gaz polluants lors des tests d’homologation. « Prendre le scandale au sérieux signifie pour les États de respecter la législation et pour la Commission de sanctionner les infractions. C’est aussi s’assurer d’un mécanisme de surveillance indépendant au sein du marché européen », a commenté, à l’issue du vote Karima Delli, membre française du groupe des Verts et présidente de la commission Transports du PE.
L’enquête révèle notamment que Bruxelles et les autres capitale de l’UE, dont Paris et Berlin, étaient au courant depuis 2004-2005 de l’existence de disparités entre les émissions d’oxydes d’azote (NOx) mesurées par les tests d’homologation, et les émissions en conditions réelles. « La fraude aurait pu être évitée si les gouvernements et la Commission européenne avaient effectué leur travail », a également déploré Gerben-Jan Gerbrandy, rapporteur pour le groupe des Démocrates et Libéraux.
Les États membres traînent des pieds pour les tests d’homologation en conditions réelles (RDE)
Cet eurodéputé néerlandais dénonce l’inertie des gouvernements 18 mois après la révélation du scandale. « Le superviseur italien épargne toujours Fiat, les autorités allemandes sont toujours dans l’incapacité d’émettre des amendes pour Volkswagen. Voici deux exemples d’application hésitante et peu enthousiaste. Il s’agit non seulement d’une mauvaise chose pour la qualité de l’air et la protection des consommateurs, mais aussi pour le marché intérieur et l’état de droit », estime-t-il.
Les États membres auraient en effet traîné des pieds pour instaurer les tests d’homologation en conditions réelles (RDE). Certains, dont la France, l’Italie et l’Espagne auraient même sciemment retardé l’adoption des essais RDE. Et ici encore, la Commission européenne n’a pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour faire avancer le dossier.
Au-delà des accusations visant les États membres et la Commission, le rapport publie une série de recommandations pour renforcer la réglementation en matière de surveillance de l’industrie automobile. Si les normes déjà en vigueur devront à l’avenir être mieux respectées, les députés demandent la mise en œuvre de nouvelles règles d’homologation des véhicules. À l’heure actuelle, ces procédures ne sont pas contrôlées à l’échelle européenne, y compris après la mise sur le marché des véhicules. Les constructeurs peuvent donc s’adresser librement aux autorités d’homologation les moins chères et les moins strictes dans n’importe quel pays de l’Union. Pour cette raison la commission d’enquête prône la mise en place d’une autorité européenne de supervision du futur système d’homologation. Un mécanisme de surveillance indépendant plus hermétique à l’influence des puissants lobbys automobiles.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles