Signé le 15 novembre (notre photo) par les dix pays membres de l’Asean* et cinq autres pays (Chine, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud), le Regional Comprehensive Economic Partnership(RCEP) prévoit la suppression des droits de douane sur 90 % des produits échangés d’ici 20 ans. Il concerne 30 % du PIB mondial et deux milliards d’habitants. A quels secteurs et à quels pays va-t-il le plus profiter ? Ce sont des questions auxquelles tentent de répondre une note de l’assureur-crédit Coface parue fin novembre.
Dans le secteur automobile, la disparition des barrières tarifaires touche 87 % des exportations japonaises de véhicules, d’acier et de pièces détachées à destination de la Chine et 80 % en direction de la Corée du Sud. 24 % des importations automobiles chinoises et 12 % de celles de la Corée du Sud proviennent du Japon qui sortira renforcé dans ce secteur.
La Corée du Sud, la Chine et le Japon, grands gagnants dans les secteurs automobile et textile
Quant à la Corée du Sud, selon l’accord signé le 15 novembre, l’Indonésie, les Philippines et la Thaïlande devraient retirer leurs droits de douane sur l’acier et les pièces détachées. Conséquences : les constructeurs sud-coréens seraient incités à implanter des sites de production en Asie du Sud-Est et à accroître leur présence sur ce marché régional.
Cet accord de libre-échange devrait également permettre une meilleure intégration de la chaîne logistique et une plus grande coopération dans le secteur du textile, crucial pour la région. Encore une fois ce sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud, qui comptent de nombreux fournisseurs dans les pays de l’Asean qui devraient profiter de la suppression des barrières tarifaires.
Un accord qui n’a pas vocation à régler les litiges commerciaux
Alors que le RCEP, de par son gigantisme et les promesses qu’il induit, est souvent évoqué en termes emphatiques dans la presse, les analystes de Coface soulignent plusieurs de ses travers.
Ainsi, l’Australie et le Japon avaient encouragé l’Inde à les rejoindre pour contrebalancer l’influence du géant chinois. L’Etat continent dont le commerce extérieur avec la Chine, la Corée du Sud et l’Asean est largement déficitaire, a préféré décliner et s’est donc retiré des négociations fin 2019, craignant les conséquences de la suppression des droits de douane. L’occasion peut-être pour lui de renouer des négociations avec les Etats-Unis et l’Europe.
En outre, l’amplification de l’influence chinoise dans la région, déjà à l’œuvre depuis le retrait des Etats-Unis de l’accord Trans-Pacific Partnership en 2017, provoque des craintes. Les tensions commerciales existantes devraient perdurer et l’accord ne devrait pas permettre de les apaiser à l’instar de celle opposant la Chine et l’Australie (la première à récemment interrompu ses importations de minerais de cuivre, de charbon et d’orge).
La note de la Coface rappelle ainsi que, selon une étude du Peterson Institute for International Economics cet accord devrait augmenter le PIB chinois de 0,4 % à l’horizon 2030, soit beaucoup moins que la hausse des tensions commerciales. Il a en effet vocation a poser les bases de nouvelles relations commerciales mais pas à poser des règles de résolution des litiges commerciaux.
Une observation qui fait écho aux propos tenus le 3 décembre par Pascal Lamy dans le cadre du sixième China-France Investment Dialogue, organisé par la CCI Paris Ile-de-France et la China Europe International Business School (CEIBS). Pour l’ancien directeur de l’OMC, « Le bruit qui est fait au sujet du RCPE est excessif : il appartient à cette catégorie d’accords très vastes et très larges mais peu profonds sur les engagements de discipline et de contraintes […] La boîte est énorme mais ce qu’il y a dedans n’est pas considérable ». Un point de vue qui n’est pas éloigné de celui partagé dans nos colonnes par la chercheuse Elvire Fabry.
Sophie Creusillet
* Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, le Vietnam, Laos, Birmanie, Cambodge.
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