Le projet de Loi pour la Croissance et la transformation des entreprises* et ses quelques 70 articles traitant de sujets aussi divers que les formalités de création et de transmission d’entreprise, les seuils sociaux et l’épargne salariale, les experts-comptables et le statut des agents de chambres de commerce et d’industrie, les privatisations de quelques fleurons (Aéroports de Paris, Française des jeux, Engie) pour dégager des ressources, ou encore les dépôts de brevets et la protection des entreprises stratégiques, arrivent au Parlement.
Ce 5 septembre, est en effet prévu l’audition par les députés de la Commission spéciale chargée d’examiner ce texte de Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et des finances, et de sa secrétaire d’Etat, Delphine Gény-Stephann, qui s’est beaucoup investie ces derniers mois sur les questions liés à l’export et à l’internationalisation des entreprises.
Bien que très technique et d’apparence plutôt « fourre-tout », c’est un texte clé dans le cadre de la stratégie du gouvernement visant à redresser la compétitivité des entreprises françaises, après les réformes déjà engagées dans les domaines fiscaux et sociaux. « La cohérence de la loi Pacte, c’est de faire grandir nos entreprises pour leur permettre d’innover, d’exporter et de créer des emplois en France » a déclaré Bruno Le Maire aux patrons français réunis le 29 août pour la clôture des universités d’été du Medef, autour de leur nouveau président Geoffroy Roux de Bézieux.
Toutefois, pour les observateurs attentifs de l’évolution de la politique de soutien à l’export, une explication de texte s’impose. Car ils ne trouveront nulle trace d’un volet spécifique sur le dispositif de soutien au commerce extérieur dans ce texte. En effet, ce projet de loi hétéroclite et très technique, qui modifie une multitude de réglementations administratives, ne doit pas être confondu avec le plan PACTE qui sert de boussole à la stratégie économique de Bercy. Celui-ci contient bien un volet sur le dispositif de soutien à l’export des entreprises qui reprend les grandes lignes de la stratégie dévoilée par le Premier ministre Edouard Philippe le 23 février dernier à Roubaix. Bercy a rediffusé récemment un dossier complet sur les dix mesures phares, parmi lesquelles l’export est en bonne place (voir fichier attaché à cet article).
Un conseil d’administration resserré pour Business France
Seul article directement lié à cette réforme, l’article 7 du projet de loi, qui modifie la composition du conseil d’administration de Business France, établissement publique à caractère industriel et commercial (EPIC) en charge d’attirer les investisseurs étrangers en France et d’accompagner les entreprises françaises à l’export, l’opérateur clé du dispositif de soutien au commerce extérieur.
Cet article n’est d’ailleurs pas anodin : il supprime la présence d’un député et d’un sénateur mais aussi celle des représentants des organismes consulaires et professionnels. Selon nos informations, le gouvernement souhaite ainsi doter Business France d’une gouvernance plus opérationnelle et professionnelle au moment où cet organisme est en pleine mise en œuvre d’une réforme profonde du dispositif de soutien à l’export.
Rappelons que cette réforme passe par un rapprochement avec les Régions et les chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour la mise en place de « guichets uniques » et l’expérimentation de partenariats nouveaux dans les pays étrangers, sous la forme de concessions de service publiques ou de délégations de marchés publiques. Des orientations récemment réaffirmées par Jean-Yves Le Drian, le patron du Quai d’Orsay.
Il pourrait faire grincer des dents dans les milieux concernés. Pour calmer la grogne, le gouvernement compte mettre en avant leur présence au sein du Conseil stratégique de l’export, que réunit périodiquement le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne, dont des déclinaisons régionales doivent être mises sur pied pour piloter la réformes en cour visant à créer des « guichets uniques » d’accompagnement à l’export.
Facilitation des brevets et protections des entreprises stratégiques
En dehors de cet article 7, plusieurs articles intéressent indirectement la problématique d’internationalisation des entreprises car ils sont en lien avec les évolutions actuelles du contexte international, marquées par la guerre commerciale de Donald Trump et la montée en puissance de la Chine, mais aussi l’intensification de la compétition internationale.
Dans la catégorie protection de l’innovation et soutien aux start-up, on citera en premier lieu l’article 40 du projet de loi, qui créée une procédure de demande provisoire de brevet, une alternative plus simple et moins coûteuse à la procédure classique de dépôt de brevet, et renforce le certificat d’utilité français. Elle s’inspire de pratiques déjà expérimentées à l’étranger (cf. le « provisional patent application»- PPA américain, le modèle allemand du titre Gebrauchmuster (modèle d’utilité), la pratique chinoise, notamment). Par ailleurs, l’article 42 renforce la législation française en matière de procédure d’opposition aux brevets d’invention.
Dans la catégorie protection des actifs industriels sur le sol français vis-à-vis des investisseurs étrangers, le projet de loi prévoit, dans son article 55, d’étendre par décret la liste des secteurs soumis à une autorisation préalable du ministre de l’Economie et de renforcer le pouvoir de contrôle et de sanction de ce dernier sur le suivi des engagements pris par l’investisseur étranger. L’article 56 propose de modifier le dispositif des actions spécifiques, ou « golden share » pour mettre la législation française en conformité avec la législation européenne et instaure créer une action spécifique en-dehors de l’hypothèse d’une cession de participation de l’État.
L’examen du projet de Loi par la Commission spéciale s’étalera jusqu’au 15 septembre.
Christine Gilguy
* Le texte du projet de Loi est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf