La chasse aux talents issus d’horizons différents est ouverte. Sur le marché très tendu du recrutement international, les entreprises s’intéressent de plus en plus aux potentiels issus de la diversité.
Soumia Malinbaum, présidente de l’Association française des managers de la diversité (AFMD) a annoncé pour 2009, et après seulement un an d’existence de sa structure, l’organisation d’un colloque international sur le thème de la diversité avec l’EM Strasbourg, ainsi qu’un programme de formation courte, un cycle de conférences et un partenariat avec la chaire Diversité qui sera lancée en janvier 2009. C’est dans ce contexte que l’étude de la finance islamique, qui fut longtemps cantonnée aux seuls pays musulmans, fait son entrée à l’École de management de Strasbourg Michel Kalika, directeur de l’institution alsacienne, lui consacre dès janvier prochain un programme de master (bac + 5).
Fait notable, ce programme, tout d’abord annoncé en formation initiale, a surtout séduit des professionnels européens de l’assurance et de la finance. De sorte qu’il démarrera en formation continue, sous forme de séminaires bloqués et au coût de 3 000 euros pour un volume de 400 heures d’enseignement. Pionnier en France, il pourrait être assez vite concurrencé, Christine Lagarde ayant annoncé le 26 novembre son projet de faire de Paris une capitale de la finance islamique.
L’objectif de Michel Kalika, qui insiste sur le double positionnement de son école, à savoir la diversité et l’éthique, est de « poser un nouveau regard de diversité sur des techniques ou des pratiques managériales que l’on croyait universelles. » D’ailleurs, remarque ce spécialiste du management interculturel, « la seule création de ce programme est déjà un signal en soi. Nous répondons à un besoin. » Et aussi à « une vraie problématique interculturelle » puisque la finance islamique obéit à la loi coranique et que son enseignement nécessite d’assimiler des notions basées sur la charia : prohibition du prêt à intérêt (ribâ), des aléas (gharar) et donc de la spéculation, de l’investissement dans des secteurs illicites tels que l’armement, les jeux d’argent (maysir), le tabac, sans oublier la spéculation. De fait, les réseaux bancaires sont mal préparés à traiter de cette finance autrefois confinée à la communauté musulmane, mais qui s’est installée au cœur même de la City et se développe un peu partout dans le monde. Outre le fait que cette finance est présentée comme une alternative aux banques conventionnelles, elle offre également l’opportunité de développer des services financiers à destination des 5,5 millions de personnes que représente la communauté musulmane en France. De fait, conclut Michel Kalika, « le marketing va devoir intégrer un nouvel argument qui est un segment de pratique religieuse ». De toute évidence, la tendance est là et, à Strasbourg, on s’attelle déjà à développer un programme d’e-learning en partenariat avec d’autres universités.
Le besoin de diversité des entreprises peut être une opportunité pour « les potentiels qui habitent les quartiers », selon l’expression utilisée par Saïd Hammouche, fondateur de Mozaïk RH, pour désigner les jeunes diplômés issus des quartiers populaires qui ne trouvent pas d’emploi correspondant à leur niveau de compétence. Ce cabinet associatif qui intervient dans le recrutement et dans le conseil en ressources humaines est le vecteur de la promotion de « ces jeunes qui n’osent même plus faire acte de candidature dans les entreprises ». « Nous collaborons notamment avec des entreprises qui fonctionnent à l’international, par exemple l’Oréal, qui recrute des directeurs administratifs et financiers ou des chefs de produit pour le Moyen-Orient. Nos jeunes talents parlent plusieurs langues : le français, la langue du pays d’origine de leurs parents, l’anglais et, souvent, une quatrième langue. Les entreprises sont intéressées par leur double culture. » Le travail de l’association a porté ses fruits puisque Saïd Hammouche, ancien fonctionnaire à l’Éducation nationale, a délaissé le bénévolat pour se dédier pleinement à Mozaïk, qui emploie désormais six salariés à temps plein et une soixantaine de bénévoles. Un mouvement de fond ? « En comparaison avec ce qui se passe dans d’autres pays européens, c’est un balbutiement, constate Saïd Hammouche. C’est pourquoi je parlerais plutôt d’une réserve d’énergie. »
Une réserve d’énergie qui a suscité l’intérêt de la société française Crossknowledge, expert européen des formations managériales à distance. Celle-ci s’est engagée aux côtés de Mozaïk RH pour faciliter l’intégration de ces jeunes dans les entreprises via un portail de formation destiné à les préparer aux entretiens de recrutement et faciliter leur première prise de fonction. De quoi répondre à la demande des entreprises qui, souligne la direction, « dans un contexte de recherche de talents accrue et d’intensification des échanges interculturels, ont pris conscience de l’enjeu de la diversité et de l’importance de recruter des profils d’horizons différents ». Et un vivier pour Crossknowledge, qui est présent en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et a conclu des partenariats stratégiques en Inde, en Chine, au Japon et au Canada.
S. F.