Sans grande surprise les volumes qui ont transité par les ports français l’an dernier ont suivi une tendance baissière, tirée par le ralentissement général du commerce international de marchandises. En attendant une reprise solide de l’activité, les projets verts en lien avec la décarbonation du secteur se poursuivent.
La France n’échappe pas à la règle. En 2023, comme dans les autres pays européens, son trafic portuaire s’est essoufflé : – 4,5 % à Haropa Port (Le Havre-Rouen-Paris), en incluant le fluvial, – 6,5 % à Marseille Fos, – 10 % à Dunkerque, – 7 % à Nantes Saint-Nazaire et – 10 % à la Rochelle. Même si les baisses enregistrées sont moindres qu’aux États-Unis, elles sont néanmoins bien présentes. Les ports de l’ensemble du range Nord ont ainsi vu leur trafic conteneurisé baisser de 6 à 12 %.
Le ralentissement de certaines activités comme les céréales et les hydrocarbures témoigne des effets des conflits et tensions géopolitiques actuels. Les exportations de céréales ont ainsi chuté de 14 % à Haropa Port (par lequel transite 50 % des exportations céréalières françaises) et de 23 % à Dunkerque. En cause : la forte concurrence de la production russe.
Toutes marchandises confondues l’exportation a plongé de 20 % au port de la Rochelle, cinquième port français derrière Haropa, Marseille Fos, Dunkerque, et Nantes Saint-Nazaire.
Des chiffres d’affaires en hausse malgré la baisse des trafics
Plus globalement, le trafic portuaire pâtit des vicissitudes du commerce mondial depuis le début de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine : inflation, faiblesse de la demande internationale, surstockage, incertitude, remontée des taux de fret… Dans ce contexte, la concurrence est rude en particulier avec l’ensemble du range Nord. Les ports du Havre, Rouen et Paris viennent d’abaisser de 20 % leurs droits de port en 2024 pour conforter les trafics, notamment des grands navires.
Malgré ce contexte, les principaux grands ports maritimes ont enregistré des hausses de leurs chiffres d’affaires en 2023 : + 9,8 % pour Haropa, malgré les mouvements sociaux qui ont émaillé 2023 (à 416 M EUR). A Marseille Fos, la croissance est de + 10,8 % (à 210,5 M EUR) et de 5,2 % à Dunkerque (à 107 M EUR).
Ce surplus de revenus alimente en partie les investissements que réalisent actuellement les ports français et qui ont partout augmenté en 2023.
Les chantiers de la décarbonation battent son plein
Avec 126 M EUR de fonds privés et 462 M EUR d’investissements publics (soit au total 588 M EUR), les ports du Havre, de Rouen et Paris ont bénéficié d’une hausse de 5,5 % des montants injectés. Elle est de 10,8 % à Marseille Fos, à 76 M EUR, une hausse comparable à celle de Nantes Saint-Nazaire (+ 10 %, à 32 M EUR). Dunkerque a prévu des investissements à hauteur de 160 M EUR en 2024, soit quatre fois plus qu’il y a trois ans. A La Rochelle, ils vont bondir cette année de plus de 80 % à 40 M EUR.
De quoi financer les nombreux chantiers de la décarbonation des ports français. Engie va développer pour Haropa Port un double projet de production de carburants bas carbone : Salamandre (biométhane) et KerEAUzen (e-kérosène et hydrogène) qui produiront à terme plus de 80 000 tonnes de carburants décarbonés pour le maritime et l’aérien. Une unité industrielle de production d’hydrogène vert et de carburants de synthèse va voir le jour à Grand-Quevilly dans la métropole Rouen Normandie. Développée par le spécialiste Verso Energy, elle délivrera 50 000 tonnes d’hydrogène, pour un investissement total de 500 M EUR.
Connexion électrique des navires à quai, hydrogène vert et traitement des eaux de carénage ou verdissement du parc automobile à Marseille Fos ; éolien offshore (EDF Renouvelables), photovoltaïques (Photosol et EDF Renouvelables), hydrogène vert (H2V) et carburants de synthèse (EngieThermique France) à Dunkerque… Les ports français s’adaptent au choc de décarbonation que vivent actuellement tous les opérateurs du fret maritime mondial.
Un enjeu de compétitivité à l’international
Sous la pression des exigences croissantes des investisseurs en matière de reporting extra-financier et de l’évolution des législations européennes, le secteur mène tambour battant des projets axés sur la réduction de gaz des effets de serre (Ges). La « Loi climat » européenne de 2021 fixe les objectifs à – 55% en 2030 et la neutralité en 2050.
Concernant précisément le transport maritime, la directive ETS prévoit l’inclusion du transport maritime dans le Système européen d’échange de quotas d’émission (ou ETS pour Emission Trading Scheme) qui ambitionne 62 % des émissions en 2030. Par ailleurs, le nouveau règlement FuelEU Maritime imposera des cibles graduées d’intensité carbone de l’énergie utilisée par les navires, incluant l’ensemble du cycle de vie des carburants (de -2 % à partir à -80 % en 2050).
La feuille de route de la décarbonation de la filière maritime, adoptée il y a un an, soulignait déjà l’enjeu que constitue la transition énergétique : « La décarbonation représente un véritable défi pour l’écosystème maritime dont dépend une partie importante de l’économie française. La France doit être à la mesure de l’enjeu, sans quoi le secteur s’exposera à des risques forts – opérationnels et financiers – avec pour conséquence une perte de compétitivité nuisible à l’ensemble de l’économie et à la souveraineté nationale ».
Sophie Creusillet
Bilans 2023 des trois principaux ports
Haropa Port
Trafic : 81,3Mt (- 4,5 %)
Chiffre d’affaires : 416 M EUR (+ 9,8 %)
Investissements : 588 M EUR (+ 5,5 %)Marseille Fos
Trafic : 72 Mt (- %)
Chiffre d’affaires : 210,5M EUR (+ 10,8 %)
Investissements : 76M EUR (+ 11 %)
Dunkerque
Trafic : 44 Mt (- 10 %)
Chiffre d’affaires : 107 M EUR (+ 5,2 %)
Investissements (2024) : 160 M EUR (+ %)
Cliquez ci-dessous pour consulter le PDF de la feuille de route de la filière maritime !
Feuille de route de la décarbonation filière maritime_janvier 2023