Fils et petit-fils de dentellier, le petit Romain a joué dans les rouleaux de dentelle avec ses sœurs Maud et Marie. Aucun des trois n’envisageait pourtant de reprendre l’affaire familiale. « J’ai toujours dit : “je n’irai pas !” », fait valoir le cadet des Lescroart, pourtant intronisé P-dg du holding familial et mandataire social de ses filiales en 2009. Comme dit l’adage, il ne faut jamais dire jamais… Étudiant en maîtrise en science de gestion (MSG) à l’université de Boulogne-sur-Mer, le jeune Romain met un point d’honneur à être autonome. Pour financer ses études, il n’hésite pas à devenir disc-jockey le week-end.
Alors que se profile son stage de fin d’études, un cadre de la PME familiale le convainc habilement de mettre sa formation théorique au profit de Sophie Hallette. « C’était l’époque où l’entreprise se modernisait et avait besoin d’évoluer sur le plan de la gestion et du management. Bref, il m’a bien vendu la sauce… » Il se retrouve au contrôle de gestion, à éplucher les comptes de Rieschers à Calais. Et le déclic se produit. « J’ai incontestablement ça dans le sang. J’ai vu que la pratique technique de mon père associée à ma gestion moderne faisaient bon ménage tout en étant complémentaires. Après mûre réflexion, j’ai alors dit : “j’y vais” ».
Son père Bruno a l’intelligence de le laisser évoluer à partir de 2001. Il lui confie les rênes huit ans plus tard – tout en conservant le suivi de la création. Entre-temps, sa sœur Maud est, elle aussi, revenue dans le giron familial pour s’occuper du marketing et de la communication. Après avoir, elle aussi, longtemps « résisté » à son père.
Héritier du passé, Romain saura-t-il garantir l’avenir de la « dentelle de Calais » avec la concurrence de plus en plus pressante de la dentelle tricotée ? Plus simple, cette technique s’est développée avec l’avènement des métiers modernes du constructeur allemand Karl Mayer, dont les Chinois se sont équipés. Le résultat est une dentelle certes moins fine, mais beaucoup moins chère. Et dans une industrie où la main-d’œuvre représente plus de la moitié du prix de revient, la lutte est difficile. Pragmatique, Romain y croit pourtant. Après le rebond de l’an passé, le dirigeant de 34 ans table sur une stabilisation de l’activité pour 2012. Et, pour continuer l’aventure familiale, ce père de deux jeunes enfants n’hésite pas à parcourir le monde tous les mois. Avec le même objectif que ses aïeuls : faire de Sophie Hallette une référence dans le monde du luxe made in France.
T. B.