La mise en place de « Bonus climat » est l’un des piliers de la stratégie de « verdissement » des financements export engagée par le gouvernement et rappelée lors de l’événement annuel Bercy France Export, le 2 février. Mais les critères d’éligibilité manquent encore de précision comme on a pu le découvrir lors d’un atelier sur le sujet. Bercy défriche le terrain et promet d’être flexible lors de l’examen des projets.
L’atelier consacré au « mode d’emploi du plan climat pour les financements export » était très attendu par les entreprises. Non pas le rappel du calendrier déjà connu de l’arrêt programmé des soutiens aux projets charbon, pétrolier et gazier d’ici 2035. Ni la doctrine pour les centrales thermiques améliorant ou aggravant le mix énergétique d’un pays. Mais surtout les « bonus » accordés aux porteurs de projets « durables » ou « bas carbone ».
Pour rappel, ils sont loin d’être négligeables :
-Ils ont la priorité pour bénéficier de l’enveloppe Fasep (qui subventionne études de faisabilité ou démonstrateurs), dont le montant a été doublé à 50 millions d’euros ;
-pour les prêts du Trésor, exigences de part française réduite de 70 à 60 % pour les prêts concessionnels, de 50 à 35 % pour les prêts directs ;
-quotité garantie portée à 85 % pour l’assurance-crédit export (avec seulement 20 % de part française) et possibilité de prise en garantie de projets de montant inférieur à 50 millions d’euros pour prendre en compte ceux des PME et ETI ;
-enveloppe d’assurance prospection réservée aux entreprises de la filière énergies renouvelables…
Reste à être éligible.
Un référentiel en cours de construction
Côté DG Trésor et Bpifrance assurance export, on joue la transparence : « le référentiel est en cours de construction », reconnaît-on, sachant que la France veut se référer dans ce domaine à la taxonomie européenne, elle-même en cours d’élaboration.
Si certains secteurs cochent de nombreuses cases où sont évidents – typiquement les projets de développement des énergies renouvelable ou de traitement des eaux – d’autres le sont moins, notamment dans l’industrie ou les transports.
Or, la liste exhaustive et précise des secteurs et sous-secteurs potentiellement éligibles n’existe pas. Seuls existent pour le moment une liste de sept macro-secteurs et 70 fiches sectorielles.
Des lignes directrices
Alors il faut s’en référer à quelques lignes directrices qu’ont rappelées les deux animateurs de cet atelier, Etienne Simon pour la DG Trésor et Franck Kambou, pour Bpifrance assurance export.
Une chose est sûre : « Le projet doit contribuer à la lutte contre le changement climatique », qu’il contribue à une « atténuation » ou une « adaptation » à ce changement climatique.
Les activités concernées par le projet d’exportation doivent être « bas carbone », ou « habilitantes à des activités bas carbone », ou contribuer à la « transition d’activités en améliorant les performances climatiques d’une installation existante ».
Quelques exemples : une usine de batteries électriques cochera la case « activité habilitante ». Un projet éolien offshore sera dans la case « atténuation », de même qu’un projet de train électrique en remplacement d’un train à propulsion thermique cochera la case « transition », voire « atténuation ».
Mais sera également pris en compte l’impact du projet sur son environnement : « l’essentiel c’est d’abord le changement climatique, à condition que le projet n’ait pas d’impact négatif sur des domaines comme l’eau ou l’économie circulaire », a indiqué Franck Kambou. Un projet de barrage hydroélectrique pourra ainsi améliorer l’existant en termes d’énergie décarbonée, mais l’administration pourra émettre des réserves quant à son « impact sur la biodiversité ».
L’administration se montrera flexible
Pour autant, la matière étant neuve, l’administration se montrera flexible et pragmatique : « il suffit qu’il y ait un confort sur la performance climatique d’un projet pour qu’il bénéficie d’un avis favorable » a assuré Etienne Simon. « On peut envisager d’émettre une promesse de garantie avec une réserve sur les aspects environnementaux qui ne seront pas complets au moment du dépôt de la demande ».
Même un projet solaire réalisé avec des équipements en majorités importés pourra être accepté à condition qu’il parvienne à atteindre 20 % de part française. « On calcule la part française de façon assez souple et si l’entreprise fait des efforts, elle est atteignable » a assuré Franck Kambou. Le moindre boulon fabriqué en France, la moindre valeur ajoutée liée à l’assemblage, peut y contribuer.
Cerise sur le gâteau : les projets en cours bénéficiant déjà d’une garantie ou d’une promesse de garantie pourront faire l’objet d’une révision pour bénéficier des « bonus climat ».
Un formulaire supplémentaire et un argumentaire
La demande suivra le chemin classique des procédures existantes pour les différents dispositifs.
Concernant l’assurance-crédit, le guichet restera Bpifrance assurance-export. Au formulaire de demande classique, s’ajoutera en annexe un formulaire spécifique d’éligibilité aux bonus avec un court questionnaire (4 questions) et une note d’argumentaire précise, incluant des calculs d’impact carbone du projet, à rédiger par l’entreprise.
Les questions sont simples : secteur d’activité du projet (code NACE) ; comment contribue-t-il à l’atténuation du changement climatique ? Comment contribue-t-il à l’adaptation au changement climatique ? Quelles sont les performances climatiques attendues ?
Une fois reçus tous les documents, Bpifrance assurance export instruit le dossier puis émet un avis favorable -ou non- à l’attention de la DG Trésor. S’il est favorable, le projet sera susceptible de passer en commission des garanties.
Quoiqu’il en soit, compte tenu de la nouveauté que constitue ces bonus, les entreprises intéressées ne doivent pas se lancer sans préparation et elles sont vivement encouragées à se rapprocher le plus en amont possible de leur chargé d’affaire de Bpifrance assurance export afin de monter leur dossier. « Beaucoup se fera hors institution » a assuré Etienne Simon.
La France est le premier pays à se doter d’une approche cohérente en matière de décarbonation de ses financements export mais d’autres pays commencent à bouger, à l’instar du Royaume-Uni, sans compter la réflexion engagée au niveau européen sur tous ces sujets. Les entreprises françaises ne doivent donc pas trop tarder à s’en emparer si elles veulent garder une longueur d’avance sur leurs concurrents.
Christine Gilguy
Pour en savoir plus : une partie des interventions lors de Bercy France Export sont en ligne sur le site de la DG Trésor au lien suivant : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Evenements/2021/02/02/bercy-france-export-2021