Stabilisé à défaut d’être en hausse. Toujours compliqué à identifier précisément, le ou plutôt les budgets du soutien au commerce extérieur prévus par le projet de Loi de finance pour 2024 (PLF 2024) pour les opérateurs Business france et Bpifrance sont similaires à l’an dernier, alors que le gouvernement vient de lancer un nouveau plan export sur 4 ans. Mais l’enveloppe de l’assurance prospection s’érode. Quant aux CCI, elles pourraient échapper à une coupe brutale de leur ressources issues de la taxe affectée.
Commençons par les opérateurs d’État et les dispositifs qu’ils gèrent. Il faut bien s’y résoudre : le budget du commerce extérieur et de la diplomatie économique, dispersé entre différentes « Missions » et « programmes » budgétaires relevant de différents ministères, pêche toujours par un manque de simplicité. Pas moins de six « programmes » concernent ainsi des bouts de budget dédiés au soutien du commerce extérieur dans le projet de loi de finance : le 105, 112, 114, 134, 149, 305… Ceci sans compter l’assurance crédit export, répertoriée dans le « Compte commerce 905 » de la loi de Finance… Il faut donc aller piocher dans divers rapports parlementaires* les informations éparses et s’accrocher pour y voir clair.
Pour les aides à l’export destinées aux entreprises, des subventions sont confiées aux opérateurs d’État, dans le cadre de missions qui leur sont confiées par différents ministères, dont principalement Business France et Bpifrance, deux des piliers du dispositif Team France Export, mais aussi la direction générale du Trésor (DG Trésor).
Selon la présentation qu’en fait notamment Jean-René Cazeneuve, député (Renaissance) dans son rapport sur l’annexe 19 du PLF 2024, consacrée au Commerce extérieur, réalisé au nom la Commission des finances, de l’économie et du contrôle budgétaire, à première vue, les ressources qui leur sont allouées sont stables dans le PLF 2024 par rapport à l’an dernier, notamment pour Business France qui voyait sa subvention annuelle diminuer depuis plusieurs années.
Une « stabilisation », selon le député (Renaissance) Charles Rodwell, qui a défendu ce projet de budget en Commission des Affaires économiques. Il est donc plutôt cohérent avec le calendrier du plan « Osez l’export » lancé fin août par Olivier Becht, ministre en charge du Commerce extérieur, qui doit mobiliser 125 millions d’euros (M EUR) d’ici 2026 pour booster le développement international des entreprises. Les moyens budgétaires confiés aux opérateurs, en particulier Business France, seront en partie consacrés à ces priorités.
Reste à s’y retrouver entre les différentes « Missions » et « Programmes » liés.
Business France reste le principal opérateur bénéficiaire
L’agence publique en charge de l’internationalisation des entreprises françaises et de l’attractivité bénéficie de 117,21 M EUR de subventions cumulées, et demeure le principal opérateur bénéficiaires.
Au titre du Programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la Mission économie, action 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire », elle reçoit une subvention de 100,7 M EUR en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), soit la même enveloppe que l’an dernier. Business France se voit confortée dans son rôle pivot en matière de soutien public à l’internationalisation des entreprises au sein du dispositif Team France Export (TFE) et d’attractivité des investissements étrangers.
Au titre du Programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de la Mission cohésion des territoires, l’agence reçoit également 4,8 M EUR en AE et CP pour « charge de service public » dans le cadre de sa mission d’attraction des investissements étrangers.
Au titre du Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » de la Mission agriculture, elle bénéficie également d’une subvention de 3,71 M EUR en AE et CP du ministère de l’Agriculture (3,73 M EUR l’an dernier) « pour charge de service public ». Il s’agit de sa « mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire et de sa mission en matière de statistiques sur le commerce extérieur et d’étude sur les marchés à l’exportation ».
Business France va également percevoir une subvention de 8 M EUR en CP au titre de la Mission plan de relance et de son action n° 3 « Plan de soutien à l’export », soit le même montant que l’an dernier. Il s’agit de transferts aux entreprises pour les soutenir dans leur démarche de prospection à l’export, au titre de la dotation au Fond d’étude et d’aide au secteur privé.
Bpifrance : stabilité des dotations mais érosion de l’assurance prospection
Bpifrance assurance export (Bpifrance AE), filiale de Bpifrance en charge de la gestion des dispositifs d’assurances et caution export au nom et pour le compte de l’État, bénéficie également d’une enveloppe stable pour rémunérer sa prestation. Ainsi 323,9 M EUR sont inscrits en AE et 79,9 M EUR en CP (78,1 M EUR l’an dernier). Ces dotations relèvent du Programme 134, déjà cité (plus haut).
L’enveloppe de 323,9 M EUR correspond en fait à l’engagement de la totalité des dotations annuelles dans le cadre de la convention signée entre l’État et Bpifrance AE pour la période 2023-2028 et les 79,9 M correspondent au versement prévu pour 2024.
Concernant les enveloppes budgétées pour les aides directes aux entreprises exportatrices elles-mêmes, elles sont mentionnées au sein du Programme 114 « Appels en garantie de l’État », à l’action 4 « Développement international de l’économie française » : l’assurance prospection, dispositif mixte d’avance remboursable et d’assurance pour soutenir la prospection à l’international des PME et ETI, et la garantie risque exportateur qui permet de couvrir des préfinancement export et des cautions. Ces deux dispositifs de garantie sont portés par Bpifrance AE.
L’enveloppe de l’assurance prospection prévue pour 2024 est en baisse sensible de 5,8 %, avec 89,5 M EUR contre 95 M EUR dans le budget 2023. Cette baisse serait toutefois à relativiser selon le rapport du député Cazeneuve, car fruit d’un rebond à l’export des entreprises qui en ont bénéficié : « depuis 2020, le déficit de la procédure d’assurance prospection est intégralement financé par le programme 114 afin de sécuriser cet outil pour les PME, indique-t-il. Ainsi, les crédits abondant le dispositif en 2024 correspondent au déficit observé à la fin de l’année 2023. La baisse observée reflète donc le rebond qui s’est enclenché depuis 2022 ».
Néanmoins, constate le même rapport, le budget prévisionnel pluriannuel accordé à Bpifrance AE sous forme de crédits engagés depuis le programme 114 pour l’assurance prospection affiche une trajectoire baissière : 89,5 M EUR en 2024, 76,9 en 2025, 61,6 en 2026, 55 M EUR en 2027… Comment interpréter cette trajectoire ? Un pari sur les performances durables des actions de prospection entreprises par les PME et ETI françaises ? Le rapporteur Cazeneuve n’apporte pas de réponse.
Quant à l’enveloppe dédiée aux garanties du risque exportateur, elle diminue également, mais légèrement : 22 M EUR pour 2024, en recul d’un million par rapport à 2023.
A noter que concernant les montants d’exportation garanties par l’État chaque années via l’assurance-crédit export que gère Bpifrance AE, ils sont mentionnés dans le compte de commerce 915 de la Loi de finance.
Tourisme et événements
Enfin, dernier opérateur relevant du Programme 134, Atout France, agence en charge du développement touristique, qui reçoit une subvention de 28,7 M EUR en AE et CP, montant identique à l’an dernier.
Le Programme 134 prévoit également une dotation budgétaire de 0,7 M EUR en AE et CP pour financer l’organisation d’événements en faveur du développement à l’international des entreprises françaises et de l’attractivité des territoires, soit le même montant que l’an dernier.
DG Trésor : un opérateur de l’internationalisation
La direction générale Trésor (DG Trésor) est le principal bénéficiaire de la dotation du Programme 305 Stratégie économique au titre de l’action n° 2 « Développement international de l’économie française » : il prévoit un montant de 73,8 M EUR en AE et en CP pour les dépenses du réseau international de la DG Trésor.
Les dépenses de fonctionnement -hors dépenses de personnel- prévues sont de 5,2 M EUR (5,3 M EUR l’an dernier) et couvrent des sommes gérées par l’administration centrale : frais de changement de résidence d’agents, dépenses informatiques, paiement de prestation de la Banque de France, couverture sociale des VIA.
Mais le plus gros des crédits du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger sont financés par le Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ».
Enfin, pour clore ce panorama, une dotation de 30 M EUR en AE et 36,9 M EUR en CP (contre respectivement 30 M en AE et 41,5 M en CP dans le PLF 2023) est prévue pour le Fasep (Fonds d’études et d’aide au secteur privé) dans le Programme 110 « Aide économique et financière au développement » au titre de la Mission aide au développement. Rappelons que le Fasep, qui donne lieu à des appels à projets réguliers destinés à promouvoir à l’export des solutions innovantes portées par les entreprises françaises dans des secteurs prioritaires, est piloté par la DG Trésor.
Les ressources des CCI moins ponctionnées que prévu ?
Les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont un autre pilier important de la Team France Export. Or, avec les Chambre des métiers (CMA), elles sont sous la menace d’une nouvelle réduction de leurs ressources budgétaires avec la réduction de 25 millions d’euros prévu de leur dotation au titre de la taxe pour frais de chambre (TFC) dans le PLF 2024 initial.
Une perspective qui avait fait monter au créneau leurs dirigeants, à l’instar d’Alain Di Crescenzo, président de CCI France, qui, dans un entretien au Moci, avait mis en garde sur l’impact d’une telle mesure sur la capacité de la TFE à tenir les objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre du nouveau plan export, en termes d’augmentation du nombre d’exportateurs de 148 000 actuellement à 200 000.
De nombreux députés, y compris dans le camps présidentiel, leurs ont apporté leur soutien. La majorité a en particulier proposé, dans un amendement, de substituer à cette réduction globale des versements au titre de la TFC, un prélèvement annuel sur le fonds de roulement des CCI (et une moindre baisse pour les CMA).
A suivre…
Christine Gilguy
*Nous avons utilisé deux sources principales pour cet article : le rapport cité de Jean-René Cazeneuve (Renaissance), annexe 19, Commerce extérieur et le rapport pour avis du député Jean-François Portarrieu (Horizon) sur le budget du commerce extérieur et de la diplomatie économique réalisé pour la Commission des affaires étrangères (non encore disponible dans sa version définitive sur le site de l’Assemblée nationale au moment ou nous bouclons cet article).