« La Commission européenne en place à Bruxelles depuis novembre n’a qu’une seule priorité, la croissance et l’emploi dans une Europe qui compte 27 millions de chômeurs. Les jeunes touchés sont même 20 %, 50 % en Espagne et en Grèce pour les moins de 25 ans. Et aujourd’hui la sortie de crise est lente et fragile et insuffisante notamment pour régler la question du chômage de masse », expliquait, le 23 mars à Paris, Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et l’union douanière.
S’exprimant d’abord en marge du colloque « Union européenne : enjeux et priorités de la nouvelle Commission», organisé à Bercy par le Comité national des Conseillers du commerce extérieur (CNCCEF), l’ancien ministre français de l’Économie et des finances (mai 2012-mars 2014), qui fut également en charge des Affaires européennes (juin 1997-mai 2002), a qualifié de « majeur » le plan d’investissement Juncker (du nom du président de la Commission européenne qui l’a proposé) pour contribuer à la relance de l’économie européenne. « Ce plan se montera à 315 milliards d’euros sur trois ans entre 2015 et 2017, en fait deux ans et demi le temps qu’il soit appliqué et, fin septembre, doit être mis sur pied un fonds stratégique européen », a-t-il indiqué.
70 milliards réservés aux PME
Ensuite, lors de son intervention devant les CCEF, Pierre Moscovici (sur notre photo avec Alain Bentéjac, président du CNCCEF) a précisé que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) s’élèvera à 21 milliards d’euros, dont 16 milliards de garanties apportées par le budget européen et 5 milliards de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI). Par ailleurs, le FEIS aura un effet multiplicateur qui permettra de réunir la somme de 315 milliards d’euros d’investissements privés et publics, « privés autant que possible et publics quand ce sera nécessaire », a ajouté le commissaire européen.
Un montant de 70 milliards d’euros sera réservé aux petites et moyennes entreprises (PME) et les domaines ciblés par le plan seront les infrastructures, les transports, le numérique, la transition énergétique, l’éducation ou encore la recherche et l’innovation.
Les 315 milliards seront des fonds additionnels, c’est-à-dire s’ajoutant aux projets que la BEI et les États se sont déjà engagés à financer. Le commissaire européen s’est aussi félicité que l’Espagne, avec 1,5 million d’euros, et surtout la France, avec 8 milliards de cofinancements publics apportés par Bprifrance et la Caisse des dépôts, ait déjà prévu des contributions.
Toutefois, a-t-il prévenu, « les États font des listes nationales, ce n’est pas la bonne démarche », rappelant, d’une part, que les cofinancements publics devront être articulés avec ceux de la BEI et que, d’autre part, le comité d’investissement, qui sera mis en place pour valider les projets éligibles au FEIS « ne sélectionnera pas des projets pour leur nationalité, mais pour leur qualité ».
Mise en place d’une plateforme de conseil
Paris a déjà annoncé son intention de proposer des projets, notamment dans la transition énergétique (centrales éoliennes, méthaniseurs…) ou l’efficacité énergétique (isolation des bâtiments…), de défendre des grands projets publics -comme la liaison express entre la capitale et l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle-, et des chantiers d’interconnexion électrique avec l’Espagne et l’Italie.
« Il faut que les États se mobilisent pour faire connaître le plan Juncker aux entreprises. C’est beaucoup plus important que de présenter des listes. L’intérêt de la Caisse des dépôts est justement qu’elle est comme la BEI proche des entreprises », a encore martelé Pierre Moscovici, qui a aussi annoncé qu’une «plateforme de conseil, guichet unique pour aider à sélectionner, préparer les projets et conseiller sur les instruments, notamment financiers, à utiliser, allait être créée ». Cet outil doit ainsi faciliter la coopération entre la BEI et des banques nationales.
Parallèlement, « il faut un cadre juridique simplifié, une marché intérieur approfondi », a insisté le commissaire européen, conscient que sans règlementations harmonisées et politiques nationales coordonnées, l’impulsion donnée par l’investissement à la croissance sera moindre. A cet égard, l’exécutif européen a déjà indiqué ses priorités de départ, l’énergie et le numérique.
François Pargny