Près de 95 millions d’habitants, un ancrage au sein de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et de l’Apec (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique), des perspectives de croissance au beau fixe : c’est le moment de tenter l’aventure philippine.
Les Philippines restent un pays encore largement ignoré par les entreprises françaises, notamment par les grands groupes. C’est une erreur. Car certains entrepreneurs français ont depuis longtemps franchi le pas et ne l’ont pas regretté. Parmi ces success stories, citons le créateur de Jewelmer, Jacques Brannellec, qui a lancé dans l’archipel la culture de l’huître perlière, ou encore Louis-Paul Heussaf, créateur de Supply Oilfield Services Inc, qui s’est imposé dans le secteur de l’énergie.
Le pays reste certes encore en marge. Ainsi, Younès Lahrichi, correspondant Ubifrance pour les Philippines, adapte son offre pour les entrepreneurs français : « Aux Philippines, il y a peu de salons et d’événements de grande ampleur, explique-t-il. Les acheteurs philippins préfèrent se déplacer sur les événements de référence pour leur secteur, qui ont généralement lieu à Singapour ou à Hong Kong. C’est pourquoi nous calons nos actions dessus. Les exportateurs français le savent et sont très demandeurs de cette formule, qui leur évite de se déplacer dans toute l’Asie. »
Le pays ne manque pas d’atouts. C’est probablement l’un des plus accessibles d’Asie pour un Occidental. Trois cents ans de colonisation espagnole ont laissé un héritage catholique omniprésent et 50 ans de présence des États-Unis, une pratique généralisée de l’anglais.
La crise économique mondiale de 2008-2009 a bien sûr eu un effet très négatif, notamment à cause de la chute des transferts de fonds en provenance des travailleurs philippins de l’étranger. Ces fonds représentent 10 % du PIB du pays et soutiennent la consommation locale. Mais depuis, ces transferts ont repris. Le PIB croît aujourd’hui un peu moins vite, mais dans des proportions qui restent honorables : 6,8 % en 2010, 4,6 % prévus en 2011 et 5,1 % en 2012 selon les dernières prévisions du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU (ONU DAES) publié dans son rapport annuel le 18 janvier dernier. Signe d’une consolidation de cette reprise : Moody’s Investor Services a rehaussé, le 6 janvier, la note des Philippines à Ba3.
Bien sûr, le tableau n’est pas tout rose. L’éducation, autrefois un des points forts du pays, est aujourd’hui en perte de vitesse, faute d’investissements suffisants et à cause d’une natalité toujours très importante. Avec 7 %, le chômage reste élevé, comparé aux autres pays de la région. La corruption est toujours aussi importante, comme le révèle la multitude de scandales qui alimentent les chroniques des journaux locaux (la presse philippine est l’une des plus libres d’Asie). Et le manque d’infrastructures demeure un frein important au développement de nombreux secteurs.
Un certain nombre de grands projets sont aujourd’hui à l’étude, comme la construction de voies express, l’extension des trois lignes de métro à Manille et la création d’une importante ligne de chemin de fer à plus grande échelle. Dernièrement, l’ambassadeur de France aux Philippines, Thierry Borja de Mozota, réitérait, dans la presse locale, l’intérêt pour les entreprises françaises de pénétrer le marché philippin. Il a également mis en avant les succès tricolores dans l’archipel, comme l’obtention par Matière d’un contrat portant sur la construction de 420 ponts ou l’établissement de branches locales par un certain nombre de banques françaises.
Toutefois, ce pays nécessite une certaine préparation. Les habitudes dans l’archipel sont très différentes des us et coutumes du milieu des affaires français. Les démarches prennent beaucoup de temps et une certaine inertie dans les négociations et les prises de décisions peuvent parfois dérouter les entrepreneurs occidentaux. Il faut également savoir cultiver le sens du relationnel. Ainsi, Stéphane Khaled, directeur général de la Chambre de commerce française aux Philippines, conseille : « Il est toujours très intéressant d’avoir un partenaire local qui connaît bien les rouages de l’administration et les fonctionnaires qui y travaillent. » La recherche du bon partenaire est un élément fondamental de la réussite du projet.
Samuel Delziani
Deux secteurs à surveiller
• Agriculture
Aujourd’hui, l’agriculture fait vivre près de 35 % des Philippins, même si elle ne représente que 14 % du PIB. Défavorisé par le manque d’infrastructures, le secteur offre pourtant de nombreuses opportunités, tant ses besoins en équipement sont importants. Notamment dans les systèmes d’irrigation, les tracteurs, les séchoirs circulants ou les silos. Concernant l’élevage, l’alimentation, et l’aquaculture méritent de l’attention.
• Services BPO (Business Process Outsourcing)
Depuis plusieurs années, le succès des centres d’appels téléphoniques ne se dément pas. Aujourd’hui, les grands groupes internationaux commencent à délocaliser aux Philippines la gestion de leur personnel. En moyenne, le secteur des BPO progresse de 20 % par an. Depuis 2007, conscient de l’enjeu pour l’emploi, le gouvernement philippin accorde un certain nombre d’avantages fiscaux aux entreprises du secteur.
Témoignage : Sylvain Gianni, Asiaventure Tour & Travel Inc.
« Venez aux Philippines, nous manquons cruellement de chambres pour nos clients »
Sylvain Gianni est un amoureux des Philippines. Après ses études de commerce international, il a effectué un stage à Taïwan. Au moment de chercher son premier emploi, il découvre le pays, notamment en travaillant pour le groupe Bouygues. Il ne quittera plus l’archipel. Rizières en terrasse du nord, îles paradisiaques : il s’aperçoit à la fin des années 1980 que le pays a un potentiel touristique immense, largement sous-exploité et méconnu en France. Il crée donc en 1990 Asiaventure Tour & Travel Inc. afin de proposer à une clientèle d’abord française, puis progressivement francophone et européenne, un tourisme d’aventure, hors des sentiers battus. Depuis, l’offre a évolué vers un tourisme « sur mesure » pour une clientèle exigeante et la palette n’a cessé de s’élargir au fil des années. Aujourd’hui, l’entreprise est le réceptif de référence des voyages organisés aux Philippines. Elle travaille avec la plupart des grands groupes français du tourisme.
Asiaventure a connu des moments difficiles. Notamment lors de la prise d’otages sur l’île de Jolo où des touristes, dont deux Français, ont été kidnappés par des militants du groupe islamiste radical Abbu Sayaf en avril 2000. Cette affaire a failli faire disparaître l’entreprise. Pourtant, le risque était et reste extrêmement localisé. L’entreprise survivra en exportant en France de l’artisanat ethnique philippin. Le retour à la normale ne s’est produit qu’en 2001. Et depuis, son activité ne cesse de progresser. Aujourd’hui, la société compte 7 employés permanents pour les tâches administratives, ainsi que 5 guides français qui opèrent en freelance. L’année dernière, elle a dégagé un chiffre d’affaires de 1,5 million de dollars (1,09 million d’euros). Son seul frein : le manque d’infrastructures, notamment hôtelières. Sylvain Gianni lance donc un appel à tous les entrepreneurs de l’hôtellerie : « Venez aux Philippines, nous manquons cruellement de chambres pour nos clients. C’est le bon moment ! »
S. D.
La chambre de commerce française aux Philippines
En 1988, quelques hommes d’affaires français décident de créer un club informel pour les entrepreneurs français opérant aux Philippines : Le Club. Au fil des années, ce club est devenu une vraie chambre de commerce. En 2005, il est devenu officiellement le Club-FCC ou la chambre de commerce française aux Philippines. Dirigée par Stéphane Khaled, elle compte 145 membres et fournit diverses prestations aux entreprises françaises : conseils, organisation de missions de prospection, hébergements et domiciliations d’entreprises, études de marchés ou organisation de pavillons communs sur les salons, etc.
S. D.
Programme France 2011
Voici les opérations collectives Ubifrance programmées en 2011 réalisées en partenariat avec le Service économique de Manille. À partir du 1er janvier 2012, les Philippines seront intégrées aux pays couverts directement par Ubifrance, ce qui permettra d’augmenter le nombre d’opérations proposées sur place.
• 2-3 juin 2011 : mission collective à la Banque asiatique de développement, Manille.
• Mi-juin 2011 : rencontres acheteurs régionales, CommunicAsia BroadcastAsia, Singapour.
• 24-28 octobre 2011 : rencontres « Vendre à un grand groupe : les opérateurs mobiles », Bangkok et Manille.
• 10-14 novembre 2011 : rencontres avec des entreprises philippines de cosmétiques sur le salon Cosmoprof Asia, Hong Kong.
• 27-28 novembre 2011 : forum d’affaires multisectoriel régional « Entreprendre en Asean, les clefs du succès », Kuala Lumpur
• 14-30 novembre 2011 (date à confirmer) : colloque régional sur les technologies françaises dans le secteur de la météorologie, Djakarta