Nouveau volte-face du groupe des Socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européen sur le très controversé système de règlement des différends investisseurs/États (ISDS) que les États-Unis voudraient inclure dans le futur traité de libre-échange transatlantique (TTIP). Alors qu’ils s’étaient initialement prononcés pour l’exclusion de cette clause – préférant, en cas de litige, le recours à des tribunaux nationaux – les membres de la délégation S&D avaient changé, une première fois, leur fusil d’épaule, le 28 mai dernier (voir notre article), lors du vote d’une résolution sur le TTIP au sein de la Commission du Commerce international (INTA) du PE.
Le compromis scellé avec la droite conservatrice (PPE), groupe majoritaire au sein de l’hémicycle, était le suivant : la clause sur l’arbitrage pouvait être inclue dans l’accord à condition d’être réformée. Fervent opposant au mécanisme ISDS, les Verts avaient alors dénoncé le « reniement » des socialistes et un vote jugé « non démocratique » car faisant fi de l’opposition croissante de l’opinion publique pour ce système trop favorable aux multinationales.
Une semaine après l’adoption de ces recommandations, le S&D est revenu à sa position initiale. « La justice privée dans les accords commerciaux… Pour nous c’est non ! », titrait un communiqué de la délégation socialiste française diffusée le jeudi 4 juin. La résolution adoptée en Commission INTA est désormais jugée insuffisante car « trop floue sur la question de l’arbitrage privé (…). C’est la raison pour laquelle nous venons de redéposer des amendements afin de pouvoir, lors du vote en plénière du Parlement européen mercredi 10 juin, rejeter tout recours à l’ISDS. Si ces derniers n’étaient pas adoptés, nous ne pourrons pas voter la résolution du Parlement européen sur le TTIP », précise le communiqué.
D’ici là les négociations vont s’intensifier pour définir un nouveau compromis, laissant planer des doutes quant à l’issue du vote. Une incertitude qui embarrasse la Commission européenne. Si la résolution du PE n’a pas de valeur contraignante, un rejet pourrait compliquer les pourparlers, les eurodéputés disposant d’un droit de veto sur l’accord final.
« Les propositions récentes du secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, constituent une contribution utile au débat qui mérite d’être examinée attentivement », insiste un porte-parole de la délégation française du S&D. Le 2 juin, le secrétaire d’État au Commerce extérieur a transmis à Bruxelles une proposition de réforme des mécanismes d’arbitrage. L’idée est de procéder en plusieurs phases. La première viserait à créer une cour européenne compétente pour tous les futurs traités commerciaux de l’UE. « À partir de là, cette cour pourrait devenir la préfiguration d’une cour permanente internationale et multilatérale », indique Matthias Fekl, dans une interview accordée au site Euractiv. Il suggère également des sanctions et des amendes en cas de plaintes abusives. « Nous proposons que les dommages infligés par la future cour puissent aller jusqu’à 50 % des demandes en dommage portées par les investisseurs », explique-t-il, ajoutant : « Il faut qu’un investisseur réfléchisse à deux fois avant d’attaquer un État ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles