Y aurait-il une certaine désaffection des entrepreneurs français pour l’Europe ? Parmi les 600 représentants de PME présents, le 13 octobre à Bruxelles, pour la 4e édition du Parlement européen des entreprises, elles n’étaient qu’une trentaine à former la délégation de l’Hexagone, alors que pour la précédente édition il y a deux ans, ils étaient 108, André Marcon, le président de l’assemblée permanente des Chambres de commerce et d’Industrie CCI France, se félicitant même que la France dispose de la première délégation nationale devant l’Allemagne. Rien de tel donc cette année.
Constatant que « les Allemands sont deux fois moins nombreux qu’en 2014 », Jean-Yves Durance, vice-président de la CCI Paris Ile-de-France, s’interrogeait lui-même sur cette possible désaffection pour l’Europe, tout en espérant que si l’UE « devait toucher le fond, elle serait capable alors de rebondir ». André Marcon, pour sa part, indiquait à la Lettre confidentielle du Moci que les élections consulaires prochaines (20 octobre-2 novembre) avaient pesé sur la participation tricolore. Il en était, pourtant, de même en 2014. Autre explication avancée par le patron de CCI France, les attentats de Bruxelles auraient incité jusqu’au dernier moment le Parlement européen à reporter la manifestation sine die, s’il n’y avait eu le lobbying français et allemand.
X. Coranas : l’Espagne « a besoin de réussir la globalisation »
Reste que d’autres nations étaient hyper présentées, comme l’Espagne. « Nous sommes 74, nous avons profité de l’absence des Britanniques et donc d’un quota supplémentaire. Être ici est très important pour notre unité », s’est félicité Xavier Coronas, secrétaire général de la Chambre de commerce de Barcelone. Selon lui, « alors que l’économie espagnole va un peu mieux », son pays « a besoin de normes pour bien se conduire » et « de réussir la globalisation » en suivant une politique commerciale « d’élargissement dans le monde ».
Cette année, Eurochambres, l’organisation européenne des CCI, maître d’œuvre du Parlement européen des entreprises, avait consacré une table ronde pour chacun des thèmes retenus : les accords commerciaux de l’Union européenne, le marché unique, le développement durable et les compétences. Chaque table ronde était suivie d’une séance de questions-réponses. Contrairement aux débats en France, la fiscalité des sociétés n’a que très peu été évoquée. Les lenteurs et la lourdeur administratives de l’UE, mais surtout des États membres, a été abordée. Mais ce qui est revenu le plus souvent dans la bouche des délégués a été « le manque », « l’absence » d’information ou « la difficulté » pour en obtenir.
A. Marcon : « renforcer le services Europe des CCI »
Illustration de cette lacune dans l’information, sur les 533 délégués amenés à voter sur leurs connaissances des initiatives européennes en matière entrepreneuriat, la très grande majorité, 468 exactement, a indiqué être mal renseignée !
A l’ouverture de la manifestation, Jyrki Katainen, commissaire européen à l’Emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité, évoquant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), initiative conjointe de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Commission européenne, avait lui-même rapporté que sur un total de 16 millions de PME européennes, « seules 290 000 » avaient profité d’un financement européen. Cette faiblesse devrait, selon lui, inciter les entrepreneurs à demander à leurs banquiers nationaux de jouer « les intermédiaires entre elles et la BEI » pour mieux bénéficier du soutien financier de l’UE.
Pour Stéphane Bel, président de la commission régionale Industrie, services et innovation de CCI Bretagne, il était important d’être présent à Bruxelles « pour partager sur le casse-être de l’Administration nationale et sur la mauvaise situation économique ». Gérant du groupe BL, spécialiste de la découpe de laser, son déplacement – le premier dans le cadre du Parlement européen des entreprises – était aussi l’occasion d’avoir « une connaissance des mécanismes européen ».
A-M. Corazza-Bildt : « faire circuler l’information »
Répondant à la Lettre confidentielle qui lui demandait si les CCI françaises ne devaient pas être plus actives en matière d’informations sur les dispositifs d’aide européenne, André Marcon a convenu qu’il y avait « une méconnaissance de l’Europe, de ses initiatives et de son ingénierie », qu’il fallait sans doute « renforcer le services Europe des CCI », tout en rappelant que le contexte était particulièrement difficile pour le réseau consulaire à l’heure actuelle.
« On nous demande d’être sur l’international, la formation, l’innovation, la RSE ou encore le développement durable et en même temps on nous limite dans nos moyens financiers », a ainsi déploré André Marcon. Une allusion à la nouvelle coupe des ressources budgétaires (60 millions) que souhaite faire passer le gouvernement dans le projet de Loi de finance pour 2017.
« Il est important de faire circuler l’information », a également reconnu Anna Maria Corazza-Bildt, vice-présidente du Comité sur le marché intérieur et la protection des consommateurs au Parlement européen. La députée de nationalité suédoise a ainsi « lancé un appel à toutes les eurochambres pour qu’elles participent à cette communication ».
De notre envoyé spécial à Bruxelles
François Pargny
Pour prolonger :
–Parlement européen des entreprises / Libre-échange : les PME demandent d’avancer sur le CETA et le TTIP
– Guide des aides à l’export pour les PME & ETI France/Europe – Édition 2016