Quand, tout récemment, le gouverneur de Tokyo, Yoichi Masuzoe, s’est rendu en visite officielle en France du 26 au 29 octobre, tout le gratin de la politique et de l’économie françaises l’a reçu, le président de la République française, François Hollande, le premier, mais aussi son Premier ministre, Manuel Valls, le ministre des Affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou encore le président de la CCI Paris Ile-de-France (CCIP IdF), Pierre-Antoine Gailly.
Le gouverneur, il est vrai, est un homme jovial, francophone, – il a étudié à l’université Panthéon-Sorbonne (1973-1975) et l’université de Genève (1976-1978) – et ce n’est que depuis le 9 février 2014 qu’il a accédé aux plus hautes responsabilités d’une capitale de 13 millions d’habitants intra-muros. En outre, selon le premier édile nippon, un gouverneur de sa ville ne s’était pas déplacé en visite officielle « dans la Ville lumière depuis 25 ans ». Toutefois, l’effervescence politique et médiatique autour de sa venue s’explique avant tout parce que Tokyo a su arracher, face à Istanbul et Madrid, l’organisation des Jeux olympiques (J.O) en 2020 (24 juillet-9 août), et que Paris, de son côté, est candidate pour les J.O en 2024.
D’ici à demander à l’ancien ministre japonais de la Santé et de la réforme sociale des conseils pour soigner l’image de Paris, chacun, en fait, s’y est essayé. Jusqu’à Thierry Rey, conseiller spécial de Bernard Lapasset (président de la Fédération internationale de rugby) qui conduit la candidature de Paris : ainsi, lors d’une conférence du Comité d’échange franco-japonais (CEFJ) de la CCIP IdF, le 29 octobre, l’ancien judoka français, champion du monde (1979) et olympique (1980), a interrogé Yoichi Masuzoe sur les raisons du succès de Tokyo. C’est que pour Paris, la compétition s’annonce sévère avec les autres métropoles concurrentes, surtout Los Angeles, mais aussi Budapest, Hambourg et Rome, qui avait retiré son dossier in extremis pour 2020, faute du soutien de l’État italien. Depuis son échec par ippon face à Londres pour l’accueil des J.O de 2012, Paris est friand de bonnes pratiques.
Tokyo a introduit la voiture à hydrogène
Pour le gouverneur de Tokyo, il faut d’abord « un budget très important ». Or, Paris dispose déjà d’établissements sportifs de qualité, ce qui est un avantage. Ensuite, il faut soigner l’environnement. « Pour devenir une mégalopole sans embouteillage, nous favorisons les transports publics. Nous développons aussi un périphérique central, des pistes cyclables, l’homologue du Vélib et les navettes fluviales », a détaillé Yoichi Masuzoe, qui veut aussi piloter « un projet de Champs Élysées à Tokyo, avec des terrasses, des cafés et des périmètres pour les piétons interdits aux véhicules ».
A Tokyo, son gouverneur a introduit la voiture à hydrogène. Selon lui, « sur les 7 millions de yens que coûte ce type d’automobile, 3 millions sont subventionnés, ce qui devrait permettre de réduire de 20 % les dépenses d’énergie en 2020, tout en améliorant la qualité de l’air ». L’objectif est aussi « de passer de 6 à 20 % d’énergie renouvelable », a-t-il ajouté, lors de la conférence du CEFJ.
Tokyo a l’ambition de réduire de 30 % sa consommation d’énergie à l’horizon 2030. Les grands établissements publics et commerciaux sont maintenant astreints à un système de « cap-and-trade », c’est-à-dire de limitation obligatoire des gaz à effet de serre et d’échanges de droits d’émission, ciblant notamment les immeubles de bureaux. Pour les bâtiments, le programme « Green Building » vise également à restreindre la consommation d’énergie et les émissions de CO2.
Alors qu’Anne Hidalgo et Yoichi Masuzoe ont étendu à l’environnement, l’aménagement urbain, le tourisme et le sport un partenariat entre leurs villes reconduit depuis 1982, l’élu japonais a rappelé le désir de la maire de Paris « de rendre les eaux de la Seine propres à la baignade » et incité la France à profiter de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (Cop 21) pour « en profondeur améliorer l’environnement » dans sa capitale.
Maîtrise de l’anglais et retraits aux guichets bancaires, deux handicaps au Japon
A Tokyo d’ici 2020, l’objectif est de recevoir 15 millions de touristes, y compris des hommes d’affaires. Le délai semble, pourtant, très court pour lever certains obstacles lourds, rappelant que le Japon fut longtemps un archipel isolé. « Que faire pour remédier à la mauvaise maîtrise de l’anglais par les Japonais ? », a ainsi interrogé un bon connaisseur du Japon qui assistait à la conférence à la CCIP IdF. « C’est un problème», a reconnu le gouverneur japonais, qui veut « mobiliser les jeunes comme les vieux » et « demander la coopération de l’ambassade de France ». Il a également évoqué « une technologie de pointe » et « une application gratuite de traduction simultanée en 28 langues sur smartphone ». Mais, à l’issue de la conférence, personne ne croyait à la résolution de ce problème épineux.
Autre handicap, la carte bancaire. Le Japon a adopté ses propres normes et il est quasiment impossible pour un Occidental d’y retirer de l’argent dans un guichet bancaire. Là aussi, le gouverneur de Tokyo a reconnu l’ampleur du défi pour son pays, se déclarant prêt, à titre personnel, « à changer tout aussi vite que possible ». D’ailleurs, a-t-il ajouté dans la foulée, « j’ai pris des contacts avec les banques ». Pas sûr pour que ce soit suffisant pour convaincre les touristes et les amoureux du sport et rassurer les hommes d’affaires.
François Pargny