Enième
victime des productions à bas coûts des groupes chinois, le fabricant allemand
de panneaux solaires Q-Cells a déposé le
bilan le 3 avril. Mais à trop vouloir tirer sur les prix, la Chine pourrait se
tirer une balle dans le pied. En effet, les entreprises étrangères ne sont
désormais plus les seules à pâtir de cette politique.
Après
l’américain Solyndra, le français Photowatt (repris par EDF sous la pression du
gouvernement alors que la société était au bord du dépôt de bilan), les allemands
Solon, Solarhybrid et Solar Millenium, Q-Cells et ses 2 200 employés ont
mis la clef sous la porte. La fin des subventions gouvernementales aux
équipements en panneaux solaires y est pour beaucoup, mais ces entreprises ont
surtout eu fort à faire avec la concurrence chinoise.
« L’arrivée de la Chine sur le marché
des cellules et des panneaux photovoltaïques a provoqué une baisse des prix qui
se poursuit encore. Le prix des panneaux a baissé de 50 % en 2011et il pourrait
encore perdre 20 % à 30 % cette année », a rappelé Laurence Benhamou,
rédactrice en chef international de Green Univers, lors d’un séminaire sur le
green business au Japon et en Chine organisé par la CCI de Paris le 2 avril. Avec
une part de marché mondiale de 63 % en 2010 et de 74 % en 2011, la Chine (et
Taïwan) dictent leurs conditions tarifaires. Et ils disposent pour cela d’une
arme très efficace. « Les groupes
chinois bénéficient de prêts à taux bonifiés distribués par les banques d’Etat,
ce qui leur a permis de casser les prix et a entrainé une surproduction »,
précise Laurence Benhamou. Selon le cabinet Mercom Capital, le total de ces
prêts s’est élevé à… plus de 32 milliards de dollars en 2010.
Problème :
avec une telle pression sur les prix, les marges deviennent négatives, y
compris pour les grands groupes chinois qui ont de plus en plus de mal suivre
cette tendance. Pour preuve, le géant Suntech (deuxième producteur mondial) a
enregistré un milliard d’euros de pertes en 2011. Mais il n’est pas le seul. Selon
l’étude de Photon International, qui dresse chaque année un panorama mondial du
secteur, « la forte baisse des prix
a affecté toutes les entreprises, y compris les fabricants asiatiques de
cellules solaires, conduisant même les plus petits d’entre eux à arrêter la
production ».
Est bien devin celui qui peut prédire l’avenir de l’industrie
solaire dans les années à venir, mais la suprématie de la Chine dépendra certainement
de sa capacité à maîtriser les évolutions technologiques de ce secteur. Les
entreprises étrangères, l’américain First Solar en tête, restent en effet
leaders dans les couches minces, ces cellules de deuxième génération qui
montent en puissance. Soucieuses de monter en gamme, les compagnies chinoises
multiplient les acquisitions et prises de participation à l’étranger : LDK
a pris des parts dans l’allemand Sunways,
TFG Radiant (une joint venture entre le groupe chinois de BTP Radiant et
Tertius, une société d’investissement de Singapour) est désormais le premier
actionnaire de l’américain Ascent et le norvégien Elkem appartient désormais à
Bluestar.
Focalisées sur l’export, les entreprises chinoises
pourraient par ailleurs miser sur… leur propre marché. Alors qu’elle était le septième
installateur mondial de panneaux solaires en 2010, la Chine est désormais en
troisième position, derrière l’Allemagne et l’Italie. En août 2011, les
autorités ont par ailleurs annoncé la mise en place de tarifs de rachat de l’électricité
photovoltaïque afin de stimuler la demande.
Sophie
Creusillet
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