Socomate International, c’est un peu l’histoire d’un petit poucet du contrôle qualité industriel qui trouve son chemin dans un univers où opèrent des multinationales de l’industrie telles que Général Electric ou Olympus. Un parcours qui justifie amplement sa distinction de « Meilleur exportateur francilien de l’année 2019 » !
Photo : Jean-Claude Kerpeles (à gauche), vice-président de la CCI des Hauts-de-Seine, délégué du président de la CCI, a remis le 3 décembre à Paris lors de la onzième cérémonie du Palmarès des PME & ETI leaders à l’international le prix Exportateur francilien de l’année du Moci à Philippe Chollet, responsable export de Socomate International.
Ses origines remontent à 1977. Créée à Crécy-la-Chapelle, en Seine-et-Marne, par l’ancien directeur export du numéro 1 français, à l’époque, du contrôle non destructif par ultrasons, Socomate se lance dans l’importation de ces types de matériels pour les commercialiser en France. L’ouverture sur l’international est déjà dans l’ADN de cette PME, mais il faudra attendre quelques années pour passer du sourcing à l’export.
Une niche mondiale du contrôle qualité
Quelle est l’utilité de ces instruments très techniques ? « C’est un peu la même chose qu’une échographie, mais appliquée à de la matière industrielle : on fait de l’imagerie sur des pièces importantes pour la sécurité afin de détecter les éventuels défauts, explique Philippe Coperet, son actuel président et principal actionnaire. Le contrôle est non destructif car il ne nécessite pas de détruire les pièces pour vérifier si elles sont conformes. Et cette technologie permet d’effectuer ces contrôles à haute vitesse, sur des lignes de production en activité ».
Autrement dit, plus besoin de piquer des échantillons sur la ligne de production et de casser les pièces pour sonder leurs entrailles : toutes sont contrôlées en continu, pendant la production.
Socomate International conçoit et développe les cartes électroniques et les logiciels qui, une fois intégrés dans des ordinateurs et reliés aux appareils de monitoring qui surveillent les lignes de production, permettent ce type de prouesse. Elle se positionne en fournisseur OEM (original equipment manufacturer) auprès d’intégrateurs industriels. Avec deux gammes : une gamme de cartes électroniques conventionnelles intégrées aux PC, et une gamme complète de systèmes pour le contrôle à très haute vitesse, en multiplex ou en parallèle, dits « phased array », pour laquelle elle possède plusieurs brevets internationaux. Le nom de ce produit phare : FAAST PA, un must dans le contrôle par ultrasons à très haute vitesse.
Les débouchés sont multisectoriels : laboratoires de contrôle et centres de recherche, mais aussi industrie automobile, aéronautique, matériel roulant ferroviaire, nucléaire, défense, pétrochimie, sidérurgie, toutes les industries qui poussent à l’automatisation maximum de la fabrication de leurs pièces tout en veillant à leur qualité. Il s’agit d’une niche mondiale, dont les clients se trouvent dans les pays industrialisés, développés ou émergents, et dont les leaders mondiaux sont de grands fournisseurs comme General Electric, qui fournissent des ensembles intégrés.
Socomate International, société d’ingénieurs qui consacre chaque année de 15 à 20 % de son chiffre d’affaires et un tiers de son effectif à la R&D, s’y est fait une place en se positionnant au contraire comme un partenaire des intégrateurs locaux.
Développer ses produits et trouver des partenaires
Il a fallu toutefois quelques étapes au cours des trente dernières années pour qu’elle y parvienne.
Philippe Coperet rejoint l’entreprise en 1986. « La fibre export était déjà bien présente et nous avions envie d’aller à l’export », relate-t-il. Mais pour franchir ce pas, il fallait que l’entreprise développe ses propres produits : « la décision a été prise à cette époque de développer notre propre électronique en ciblant le contrôle à ultrason non destructif à haute vitesse », souligne le dirigeant.
Avec son associé, Jean-Pierre Ganne, aujourd’hui à la retraite après lui avoir cédé progressivement toutes les parts de la société, Philippe Coperet s’attèle à développer les solutions maison de Socomate International. D’entrée, la stratégie est bien définie : ne pas attaquer directement les clients finaux mais passer par des partenaires industriels locaux qui, eux, intégreront ses produits dans les équipements qui seront livrées à ces derniers. « C’est un peu comme fabriquer des moteurs pour différents constructeurs automobiles » souligne Philippe Coperet.
Il y aura des embûches : en 1992, la société dépose le bilan. Avant de repartir de plus belle. C’est à cette époque que Philippe Coperet entre au capital avec une petite participation. Sans relâche, les équipes de Socomate International reprennent la prospection, parcourant les congrès, symposium et autres salons internationaux spécialisés sur le contrôle qualité industriel pour faire connaître ses produits et développer le réseau de partenaires.
La première grande référence en Italie
C’est en 1995, trois ans à peine après ce redémarrage, que se présente une opportunité de passer à la vitesse supérieure, de celles qu’on ne doit pas laisser passer.
Un important industriel italien, constructeur de machines pour la fabrication de matériels ferroviaires roulants, qui développait jusque-là ses propres électroniques de contrôle, est en pleine réflexion pour renouveler sa gamme lorsqu’il rencontre les représentants de Socomate International. Convaincu par les performances techniques du Français et séduit par son offre OEM, il décide de confier à Socomate International les électroniques de sa nouvelle gamme de machines.
Pour Philippe Coperet, c’est de là que date le vrai décollage à l’export. « Ce fut notre premier grand partenaire et notre première référence internationale », souligne-t-il. Car à l’époque, l’industriel italien, qui emploie 150 personnes, est mondialement reconnu dans son segment d’activité.
Une stratégie de partenariat à long terme
Ce premier gros succès va en amener bien d’autres au fil des années. D’autant que Socomate International cultive son positionnement de partenaire, prêt à faire du sur-mesure pour chacun de ses clients et à travailler avec eux sur de nouvelles solutions. « Nous sommes un peu devenus le bureau d’études de nos partenaires » souligne Philippe Coperet.
Aujourd’hui, la PME de Seine-et-Marne compte une trentaine de ces industriels partenaires dans son réseau mondial, implantés dans les principaux pays industrialisés : Union européenne (outre en France, Allemagne, Italie, Espagne, République tchèque, Royaume-Uni), Russie, États-Unis, Asie-Océanie. Dans cette dernière zone, si son premier marché est la Chine, où elle compte plusieurs partenaires, elle travaille également en Corée du sud, au Japon, en Australie.
Pour en arriver là, Socomate International a mis en œuvre une stratégie de présence active sur les salons spécialisés de son secteur, au rythme de 5 à 6 par an. C’est du reste depuis le symposium international NDT Aerospace, qui se tenait cette année en France, à Saclay, du 13 au 15 novembre, que Philippe Coperet a répondu aux questions du Moci. « Le salon, c’est le lieu où l’on expose mais c’est aussi le lieu où l’on fait de la veille technologique » souligne-t-il. Il a recruté deux responsables commerciaux qui sillonnent constamment le monde, se partageant l’Europe et, pour l’un, l’Amérique, et pour l’autre, l’Asie.
Des « synergy meetings » pour coopérer
Pour fidéliser son réseau et le renforcer, l’entreprise réunit périodiquement ses partenaires lors de ce que Philippe Coperet appelle des « synergy meetings », des réunions qu’elle organise en marge de salons, comme à Shanghai début octobre (notre photo), et, une fois tous les 5 ans environ, en France, lors d’une convention internationale d’une semaine où tous sont invités à participer.
Le dernier de ces grands « synergy meetings », il y a deux ans, a nécessité la quasi-privatisation d’un hôtel de Disneyland Paris tant les partenaires, venus du monde entier, ont été nombreux à participer.
Cette stratégie est un peu la « botte secrète » de Socomate International. Il s’agit de créer des liens entre ces partenaires pour susciter des synergies entre eux. « L’idée, c’est de les mettre en relation pour qu’ils échangent leurs expériences et coopèrent », explique Philippe Coperet. « Cela peut permettre, par exemple, d’éviter que l’un d’entre eux se lance dans le développement d’une solution qu’un autre a déjà développée. Lorsque ça fonctionne, c’est vraiment gagnant-gagnant ». Pour Philippe Coperet, il n’y a aucun doute : face aux multinationales qui opèrent sur ce marché, « ensemble, nous sommes plus forts que chacun pris isolément ». C’est son leitmotiv auprès des partenaires.
Aujourd’hui, « on vient nous voir »
Les résultats sont là : un chiffre d’affaires en forte croissance (+27 %) en 2018, et la tendance 2019 s’annonce très positive également-, tiré par l’international, qui pèse près de 80 % des ventes.
« Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile, se réjouit Philippe Coperet. On vient même plutôt nous voir ». Et de raconter comment, en 2017, une grosse société américaine du secteur des équipements pétroliers s’est rapprochée de Socomate International pour négocier la possibilité de racheter un de ses brevets internationaux. Le Français a accepté de céder une partie seulement de ce brevet, concernant le contrôle des tubes. Une très belle affaire payée cash, mais Philippe Coperet, qui cultive la discrétion dans ses activités, ne veut pas en dire plus…
Christine Gilguy