Fonroche Lighting a trouvé la solution pour exporter ses lampadaires solaires autonomes à grande échelle dans les pays émergents : apporter aux gouvernements un financement compétitif grâce au dispositif de crédit export français.
Photo : Hugues Latourrette (à gauche), directeur adjoint de la direction du financement export de Bpifrance, a remis le 3 décembre à Paris lors de la onzième cérémonie du Palmarès des PME & ETI leaders à l’international le prix Meilleure opération de financement export de l’année du Moci à Pierre Vergnes, responsable des financements de Fonroche Lighting.
« Cet outil, cet accompagnement-là est absolument indispensable ! » Lorsqu’on interroge Laurent Lubrano sur l’importance qu’il attribue aux financements export publics dans l’activité de Fonroche Lighting, qu’il dirige, il n’hésite pas une seule seconde.
Un contrat de 87,6 millions d’euros au Sénégal
Et pour cause, grâce à un financement mixé de Bpifrance et du Trésor accordé au ministère des Finances du Sénégal en 2018, cette PME basée dans le Lot-et-Garonne, spécialisée dans la conception et la production de lampadaires solaires autonomes pour les collectivités, a décroché auprès du gouvernement sénégalais un contrat exceptionnel : fournir et installer 50 000 de ces lampadaires pour équiper 26 agglomérations et de petites collectivités de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Un contrat de 87,3 millions d’euros (M EUR) à réaliser sur trois ans, que Fonroche Lighting veut mener à bien en moins de deux ans pour démonter l’efficacité de cette solution pour répondre en un temps record aux immenses besoins d’éclairage public des pays en développement tout en respectant les objectifs de lutte contre le changement climatique. « Contrairement aux sources d’électricité traditionnelles centralisées, l’éclairage solaire, cela va très vite : vous faites un trou, un massif, vous plantez votre lampadaire et vous rebouchez : actuellement, nous installons 150 à 200 lampadaires par jour au Sénégal » se réjouit Laurent Lubrano, qui y était encore début novembre.
Les lampadaires Fonroche, issus de sa R&D, sont particulièrement performants : les batteries de dernière génération, qui stockent l’énergie durant la journée, alimentent les lanternes qui assurent une bonne qualité d’éclairage (18 lux) et fonctionnent toute l’année, 365 jours/365, sans maintenance ni intervention humaine. Le résultat est rapide et efficace. Le constructeur garantit ses produits 10 ans.
Une aubaine pour les pays en développement. « C’est incroyable comme cela change la vie des gens d’être éclairés la nuit : cela améliore la sécurité, favorise les activités économiques et commerciales, améliore l’éducation et la vie sociale » énumère Laurent Lubrano. Au rythme où va la réalisation du contrat au Sénégal, ce sont 15 000 à 20 000 personnes par jour qui accède à de l’éclairage public, « en une semaine, c’est l’équivalent de l’agglomération d’Agen ». « On assiste à un véritable bouleversement », s’enthousiasme le dirigeant.
Pas de financement, pas de contrat
On comprend pourquoi le gouvernement sénégalais, plus précisément l’Agence sénégalaise des énergies renouvelables, s’est intéressée à la technologie de Fonroche dès 2016 pour répondre à une demande croissante d’éclairage publique. Mais le ministère des Finances sénégalais a été très clair d’entrée : pas de financement compétitif, pas de contrat.
Or, les solutions ne sont pas aisées à trouver. « On est dans un métier nouveau, où les banques commerciales sont réticentes ou trop chères, risquant de réduire la compétitivité de l’offre », souligne le dirigeant. Dans l’éclairage solaire public, se côtoient en effet deux types de marchés : d’une part des marchés « granulaires », avec de petits contrats publics et privés de quelques lampadaires pour des parkings, des ronds-points, des installations collectives ; d’autre part des projets de plus grande envergure, à l’échelle d’un pays, qui nécessitent de faire du développement auprès des gouvernements et les aider à trouver un financement compétitif.
D’où la nécessité de se tourner vers l’arsenal du gouvernement français dédié au soutien des exportateurs. Fonroche, présent également, via deux autres entités distinctes, dans les projets de production d’énergie renouvelable (géothermique et biogaz), possédait déjà une cellule d’ingénierie financière, que dirige Pierre Vergnes, et dont le métier est de monter les financements de ses projets. Elle a très vite intégré les avantages du crédit export.
Conçu pour permettre à des gouvernements étrangers d’acquérir des biens et services importés, il s’agit de prêts octroyés à ces derniers par des agences publiques ou avec la garantie de ces dernières sur des durées moyennes et longues, à des taux d’intérêt stabilisés. L’agence de crédit export française est Bpifrance et sa filiale Bpifrance assurance export.
L’exportateur, pour bénéficier de ces facilités, doit garantir une part française minimum de 20 % – la valeur ajoutée produite en France –, condition que Fonroche Lighting remplit amplement : « Nous assurons le design technologique de nos batteries et de nos lanternes et faisons venir les composants du monde entier, y compris de France, pour les assembler à Agen, explique Laurent Lubrano. La valeur ajoutée que nous mettons dans nos produits dépasse les 50 % ».
Pour le contrat au Sénégal, Bpifrance et le Trésor français ont monté le premier financement export « mixée » associant un crédit export de la Banque publique et un prêt direct du Trésor au ministère des Finances sénégalais, complété par un crédit financier (notre encadré). « Bpifrance nous a aussi accompagnés dans la négociation de cette solution financière avec les autorités sénégalaises, ce qui a été un facteur clé de succès » se réjouit Laurent Lubrano.
Leader mondial du lampadaire solaire autonome
Ce contrat a littéralement fait changer Fonroche Lighting de dimension : du jour au lendemain, l’entreprise a été propulsée leader mondial du lampadaire solaire autonome. Et depuis, l’expansion est fulgurante tant la demande est forte.
Après le Sénégal, l’industriel lot-et-garonnais a décroché un autre important projet au Bénin, pour 15 500 lampadaires, là encore accompagné par Bpifrance. Partout en Afrique et au-delà, les contrats tombent. « On fait des projets de plus en plus gros, au Niger, au Maroc, au Kenya, au Koweït… », détaille Laurent Lubrano. À chaque fois, le commercial et le financier œuvrent en binôme pour mettre sur la table la technologie et la solution de financement. L’entreprise vient d’obtenir de la part du Trésor un « Pass Export », un label qui lui facilitera à l’avenir l’obtention des financements export auprès de Bpifrance et du Trésor.
Le chiffre d’affaires, qui atteignait 6 M EUR en 2017, double chaque année au fur et à mesure de la réalisation du contrat sénégalais et de bien d’autres qu’elle engrange grâce à cette première grande référence internationale : 13,5 M EUR en 2018, 31 M EUR en 2019, 90 M EUR visés pour 2020… Il est réalisé aux trois quarts à l’export.
Fonroche Lighting, dont le fondateur, Yann Maus, est toujours le principal actionnaire, a changé de taille et musclé son organisation. « Nous avons agrandi le site de production d’Agen, pour augmenter la capacité de 50 à 300 batteries et lanternes par jour, relate Laurent Lubrano. J’ai doublé mes équipes ».
Le Sénégal, hub régional de Fonroche
Il a aussi fallu créer des filiales locales. À commencer par le Sénégal, où d’autres projets sont attendus, et qui devient le hub ingénierie et logistique de Fonroche Lighting en Afrique de l’Ouest.
L’entreprise a installé à Dakar une équipe de 20 personnes pour l’ingénierie et de suivi de chantier, et à Damniado, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de la capitale, son centre logistique et d’assemblage des lampadaires expédiés en pièces détachées depuis Agen. À partir de cette base, l’entreprise rayonne dans les pays voisins, en Gambie, Mali, Burkina Faso.
Mais ce n’est qu’un début : cette année, une autre filiale a été ouverte à Cotonou, au Bénin, pour le gros contrat récemment décroché, mais aussi à Nairobi, au Kenya et à Cap Town, en Afrique du Sud.
Fonroche Lighting cherche à présent à s’implanter en Amérique du Sud, où les projets commencent à affluer. En juillet dernier, a ainsi été inauguré le Viaduc de la Paix, à Carthagène, en Colombie, un ouvrage de 5,4 kilomètres de long éclairés par 400 de ses lampadaires solaires.
Plus rien ne semble arrêter l’industriel lot-et-garonnais. Début septembre, il a mis un pied aux États-Unis en rachetant à Boston une société américaine, Solar One, pionnière de l’éclairage solaire il y a quinze ans. « Notre objectif est d’attaquer le marché américain de l’éclairage solaire diffus » souligne Laurent Lubrano. Dans son nouveau plan de développement, les nouveaux projets d’investissement fourmillent : développement commercial, R&D, centre de formation des installateurs et clients, unité de recyclage des batteries… De quoi accompagner une croissance et une internationalisation à grande vitesse.
Christine Gilguy
Un crédit mixé Bpifrance Trésor
Le financement mixé mis en place par Bpifrance et le Trésor français pour accompagner Fonroche Lighting consiste en un prêt au gouvernement sénégalais d’un montant de 74 M EUR, réparti à 50-50 entre les deux institutions. Le crédit, d’une durée globale de 13 ans, dont 10 d’amortissement, se décompose en 3 tranches distinctes avec un point de départ de remboursement à l’issue des 12 mois de réalisation de chacune des tranches, Bpifrance étant prioritaire sur les 5 premières années.
Bpifrance a par ailleurs octroyé un prêt sur 5 ans de 13,5 M EUR au ministère des Finances sénégalais, couvert cette fois-ci par un assureur-crédit privé, pour lui permettre de payer les 15 % d’acompte à la commande prévus par les règles de l’OCDE en matière de crédit export.