En vingt ans, le grand export est devenu pour ce fabricant de fours industriels une culture. De Chine aux États-Unis, on accélère dans l’automobile, on vole pour l’aéronautique, on s’enflamme pour l’énergie. Une réussite sur fonds d’innovation. C’est la R&D qui a permis à cette ETI de gagner à l’international.
Photo : Catherine Eydoux, directrice du pôle d’Accompagnement international du groupe Crédit Agricole, et Ivan Bornecque (à droite), directeur du Marché des entreprises et des institutionnels chez Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, ont remis le 3 décembre à Paris lors de la onzième cérémonie du Palmarès des PME & ETI leaders à l’international le prix Meilleure performance au grand export de l’année du Moci à Laurent Pélissier, président d’ECM Technologies.
Quand en 1988 Laurent Pélissier rejoint son père chez ECM Technologies, « ECM Tech » comme l’appelle son président, il développe un projet de recherche et développement (R&D) qui fera la réputation de ce fabricant de fours industriels : la cémentation basse pression, un traitement thermique qui permet de durcir la surface de métaux avec l’incorporation de carbone.
À l’époque, le marché était à 95 % domestique et à 75 % dans l’automobile. Vingt ans après, il est à 85 % à l’international, notamment au grand export, avec une forte diversification sectorielle, puisque l’automobile représente 40 % tout comme l’énergie décarbonée (nucléaire…). Parmi les autres domaines, l’aéronautique, l’électronique ou encore le photovoltaïque se sont ajoutés et développés.
Dans le monde, ECM Tech possède cinq sites de production – celle-ci est à 90 % française – et 15 filiales, dont au grand export des sociétés commerciales et de service après vente en Chine, aux États-Unis (Dallas et Chicago), au Kazakhstan, à Singapour, à Abu Dhabi. « Au départ, c’est plutôt l’international qui est venu vers nous », reconnaît volontiers Laurent Pélissier. En Chine, c’est un cousin, premier Occidental à apprendre sur place la médecine chinoise, qui a mis le pied à l’étrier d’ECM Tech en y vendant ses fours. Alors que le dit cousin dirige aujourd’hui une clinique de médecine traditionnelle à Toulouse, le fabricant isérois possède une équipe 100 % chinoise à Pékin. À elle seule, cette filiale commerciale réalise 20 % du chiffre d’affaires consolidé d’ECM Tech. Ce, dans différents secteurs, allant de l’automobile aux semi-conducteurs, en passant par l’aéronautique et le photovoltaïque.
Aux États-Unis, l’histoire est aussi originale. General Motors ayant vu un four d’ECM en activité dans une usine de PSA en France a voulu en acquérir un aux États-Unis. « À cette époque, l’export ne faisait pas encore partie de la culture interne », se souvient Laurent Pélissier, qui raconte avoir pris l’avion pour se rendre outre-Atlantique. C’est à cette époque qu’un atelier a été monté sur place avec l’aide de Poclain Hydraulics. De fil en aiguille, après General Motors, ce furent les sous-traitants de rang 1 qui se sont intéressés au savoir-faire de l’entreprise grenobloise dans les solutions et services de traitement thermique industriel à forte valeur ajoutée.
Aujourd’hui, le chiffre d’affaires global est réparti en trois tiers entre l’Amérique du Nord, surtout les États-Unis, l’Asie, avec la Chine, et l’Europe, Turquie et Russie comprises. General Motors et PSA sont toujours clients du fabricant tricolore, mais ce dernier approvisionne bien d’autres grands noms aujourd’hui, à l’instar de Renault, Toyota, Audi, Dassault, Thales, Airbus ou Herakles.
En 2017, une filiale commerciale et de service après vente a été ouverte en Allemagne, « parce que nous avons sorti une nouvelle gamme de produits adaptés aux ETI allemandes dans la mécanique et que, pour y vendre, il faut être sur place et y parler allemand », soutient Laurent Pélissier. C’est une constante chez ECM : toutes les équipes à l’étranger sont locales. Sur un effectif consolidé de 400 salariés, 175 sont ainsi des locaux et 225 sont dans l’Hexagone. Au siège, le personnel est originaire d’une vingtaine de pays différents.
L’international, ce n’est pas terminé. Les nouvelles cibles sont asiatiques. Ayant déjà expérimenté les volontaires international en entreprise (V.I.E) en Chine et en Inde, ECM Technologies utilise à nouveau un V.I.E pour percer en Corée du Sud, en l’occurrence, un jeune Français parlant coréen. Par ailleurs, Laurent Pélissier cherche des agents pour opérer dans l’Asean.
Dans la réalité, le parcours de la famille Pélissier – père et fils – dans l’entreprise n’a pas été sans obstacle. Plusieurs fonds d’investissement se sont succédé à la tête de l’entreprise. Laurent Pélissier, en désaccord sur la stratégie, a même quitté la société pour n’y revenir qu’en 2008 et la reprendre à la barre du tribunal de commerce de Grenoble. Avec le soutien des équipes encore en place qu’il connaissait, son président a relancé la PME en misant sur l’international et l’innovation. Chaque année, ce sont 7 à 10 % du chiffre d’affaires qui sont consacrés à la R&D. Soit il s’agit d’améliorer des produits ou procédés autour de fabrications déjà existantes, par exemple dans la mécanique, soit il s’agit d’une R&D de rupture, comme dans les énergies renouvelables et les semi-conducteurs.
À la fois actionnaire et apporteur de garanties export, Bpifrance a aussi accordé des prêts à l’innovation. Un partenaire régulier dans la recherche est le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) avec lequel il a coopéré au Kazakhstan (création d’une usine de lingots de silicium), en Bolivie (montage d’une ligne de production de mini-batteries) ou au Qatar (constitution d’un laboratoire photovoltaïque).
EMC Technologies dispose de centres de recherche, dits synergy centers, aux États-Unis et en France. Hors quelques établissements financiers comme encore Siparex, son capital social est détenu à 85 % par l’entourage, notamment la famille.
Après avoir participé à l’accélérateur PME de Bpifrance, la société, devenue entreprise à taille intermédiaire (ETI), a rejoint l’accélérateur ETI de la banque publique. Aujourd’hui, Laurent Pélissier affiche de nouvelles ambitions : doubler le chiffre d’affaires en cinq ans. « C’est possible, affirme-t-il. Regardez, nous avons progressé de 21 % cette année ». Rendez-vous dans cinq ans alors.
François Pargny