Les 28 ministres du Commerce se sont retrouvés à Bruxelles le 27 novembre dernier autour d’un menu chargé où se mêlent divers sujets brûlants de la politique commerciale européenne, donnant l’impression que rien n’avance.
OMC : une organisation en sursis ?
Actualité oblige, c’est bien sûr la stratégie à suivre, lors de la 10e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – programmée du 15 au 18 décembre à Nairobi – qui était inscrite en tête des priorités. Alors que les négociations pour conclure des accords bilatéraux et régionaux se multiplient à travers le monde, cette réunion pourrait marquer un tournant pour l’avenir même de l’OMC. « Les résultats que nous obtiendrons à Nairobi et la voie que nous emprunterons après seront essentiels pour déterminer le futur rôle de cette Organisation en tant qu’enceinte de négociations commerciales », a récemment commenté son directeur général Roberto Azevêdo, plutôt pessimistes quant à l’issue des discussions.
L’espoir d’obtenir un compromis acceptable semble tout aussi ténu côté européen. Rappelant les efforts de la Commission pour sceller un compromis avec les pays les moins avancés, Cecila Malmström a elle aussi déploré le manque de volonté politique des autres acteurs « qui ne semblent pas disposés à apporter leur contribution à un accord global ». La proposition de réduire le soutien national à l’agriculture aurait ainsi obtenu le soutien de plusieurs pays, comme le Brésil, le Mexique ou la Nouvelle-Zélande, « mais on ne sait pas vraiment si cet élément sera accepté en bout de course », a commenté la commissaire au Commerce, ajoutant que « la possibilité d’un accord semble très mince à ce stade ».
« L’OMC restera au centre du système commercial international » a néanmoins ré-affirmé Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE jusqu’au 31 décembre. Il a précisé que la stratégie des Européens englobait les questions liées au développement, à la concurrence, à l’exportation dans le secteur agricole et à la transparence des accords commerciaux ou en matière de règles anti dumping.
TTIP : accès aux textes consolidés facilité
Les pourparlers pour conclure un accord de libre-échange avec les États-Unis (TTIP/Transatlantic Trade and Investment Partnership) étaient également au cœur de ce conseil Commerce. L’objectif affiché par les 28 reste le même, à savoir sceller un accord avant la fin du mandat de Barack Obama, justifiant l’accélération récente du rythme des négociations. D’ici au prochain round de discussions, prévu en février 2015, les réunions inter-sessions devraient donc se multiplier. D’autres rencontres, au niveau technique, serviront plus spécifiquement à préparer l’échange des offres initiales sur les marchés publics.
Cecilia Malstrom a également détaillé ses efforts récents en vue de garantir une plus grande transparence autour de ces pourparlers. La commissaire souhaite, en effet, faciliter l’accès des ministres et des parlementaires des 28 États membres aux textes consolidés. « Ceux-ci comportent aussi les avis et positions de la partie américaine. Ils devront à l’avenir pouvoir être consultés au sein même des ministères des États membres, dans une salle de lecture sécurisée », a-t-elle précisé. Jusqu’ici, ces documents étaient seulement disponibles dans des locaux, sous haute surveillance, à la Commission européennes ou dans les ambassades des 28 à Bruxelles.
Bilan des autres négociations de libre-échange
Les 28 ont ensuite fait le point sur les négociations commerciales en cours, en particulier celles qui faisaient l’objet de blocage.
Sur les relations avec le Mercosur, par exemple, une majorité d’Etats membres serait actuellement favorable à une reprise des pourparlers « même si certains ont exprimé leurs réticences », a tempéré Jean Asselborn. En coulisses, Cecilia Malmström aurait, elle, affiché un certain optimisme après des élections qui ont porté un libéral au pouvoir en Argentine – après 12 ans de gouvernement Kirchner – pays à l’origine des récents blocages au sein même du bloc Mercosur. « Un vent nouveau souffle sur l’Amérique latine », s’est-elle félicitée.
Interrogée, aussi, sur la possibilité d’une relance des pourparlers avec la Thaïlande ou la Malaisie, la commissaire a simplement estimé que l’évolution politique dans ces deux États « n’allait pas dans la bonne direction », ajoutant que la décision finale revenait aux États membres.
Quant à la finalisation de l’accord avec le Vietnam, conclu au niveau politique en août dernier, le processus est loin d’être terminé. Le Premier ministre vietnamien était à Bruxelles ce mercredi 2 décembre pour rencontrer Jean-Claude Juncker afin d’annoncer la fin officielle des négociations. Prochaines étapes ? La traduction du texte en 22 langues et son « toilettage juridique ». Des procédures qui pourraient durer un an – estime-t-on à Bruxelles – avant que les textes ne remontent aux Conseil et au Parlement pour être ratifiés.
La reprise des pourparlers avec l’Inde, enfin, reste aussi dans le collimateur des 28. « New Dehli était plutôt réticent, mais nous avons récemment reçu des signaux positifs », a expliqué Cecilia Malmström. Les négociateurs en chef des deux blocs pourraient se retrouver au début de 2016 pour faire le point sur les progrès réalisés jusqu’à présent et évaluer les opportunités d’une relance des discussions.
UE/Chine : débat sur le statut d’économie de marché…
Dernier dossier brûlant au menu du Conseil du 27 novembre : l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine. A ce stade, les 28 n’ont effectué qu’un premier tour de table pour échanger leurs positions respectives. « Au vue des grandes sensibilités autour de ce sujet, le conseil ne prendra position qu’une fois qu’il aura reçu une interprétation légale du protocole d’accès de la Chine à l’OMC en 2001 », a expliqué Jean Asselborn confirmant qu’aucune échéance n’avait été fixée à ce stade.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles